La présence de P.K. Subban à la conférence C2 Montréal tenue la semaine dernière n’est pas passée inaperçue – à l’image du joueur-vedette du Canadien de Montréal, qui, de plus en plus, revêt de multiples chapeaux, dont celui de philanthrope, de star médiatique, de consultant en marketing, et de marque lui-même. Rencontre avec le flamboyant défenseur.

Le profit des valeurs

C’est un message d’authenticité, de dur labeur et de persévérance qu’a transmis P.K. Subban lors de sa conférence prononcée à C2 Montréal. Des valeurs honorables, à propos desquelles le joueur s’est entretenu avec Gestion en entrevue. « Être bon est difficile, mais le rester l’est encore plus », nous a-t-il expliqué. Mais si le défenseur numéro un des Canadiens fait montre d’une grande humilité quant à son talent, lorsque nous lui avons parlé d’authenticité, il avoue ne pas avoir à déployer autant d’efforts : « Pour moi, il est plus difficile de ne pas être authentique, de ne pas être moi-même. Je trouve aussi qu’il est très dangereux de se construire une histoire. » Or, une histoire, P.K. Subban en a toute une : le joueur a signé en 2014 le plus gros contrat des annales du Canadien de Montréal et cette signature, ainsi que les actions philanthropiques qui ont suivi, dont le non négligeable don de 10 millions de dollars à l’Hôpital de Montréal pour enfants, ne sont pas restés dans l’ombre : « C’est très important pour moi de donner. Je veux aider les gens, réellement », nous a expliqué Subban en entrevue. Lors de sa conférence, il a d’ailleurs évoqué le fait qu’au-delà du hockey, il visait avant tout à s’améliorer en tant que personne et à faire le bien autour de lui : « Je ne pourrais pas être comblé dans ma vie à seulement jouer au hockey. Au moment de partir, je veux pouvoir laisser un legs. »


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La valeur du don : une question philosophique – et séculaire

Que l’on apprécie le personnage ou non – à l’image de Don Cherry, le coloré et controversé analyste duquel il a revêtu le costume le temps d’une publicité pour le réseau Sportsnet en 2015 – P.K. Subban ne laisse presque personne indifférent. Plus encore, sa présence médiatique, son charisme et ses envolées philanthropiques divisent l’opinion publique. Mais qui se cache derrière la marque Subban? Homme d’une incommensurable générosité ou génie du marketing? La réponse n’est pas si simple, et la question, qui a fait couler beaucoup d’encre dans les milieux universitaires depuis des lunes, non plus : un don motivé par des desseins autres qu’altruistes – lire ici, par une stratégie de marque – est-il encore un don? « Dans les cercles universitaires, on se questionne beaucoup sur le côté altruiste et le côté utilitaire ou opportuniste du don de charité, nous a expliqué Jonathan Deschênes, professeur agrégé en marketing des organismes de charité à HEC Montréal. Il y a deux grandes écoles : soit que le don altruiste est possible, ou qu’à l’inverse, il soit toujours motivé par une intention ou une forme de récompense ou un objectif particulier. Il y a trois paramètres à considérer pour évaluer la valeur du don : le geste, la conséquence du geste et la motivation du geste. Si l’on regarde la conséquence du geste de P.K. Subban, le don est très important. C’est de la grande générosité parce qu’il n’est pas obligé de le faire. Et j’ai l’impression que c’est dans la personnalité et la nature de P.K. Subban. Ce don semble plus être un acte spontané, à l’image du personnage. »


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Philanthropie, authenticité et marque-personne : un équilibre fragile, mais possible

Facile de donner, pourraient clamer les détracteurs de P.K. Subban, lorsque l’on a signé un contrat de 72 millions de dollars pour 8 ans. Et surtout, sachant que ces dons pour le moins spectaculaires participent à la création d’un capital sympathie indubitable pour le donateur. Or, comme l’explique Jonathan Deschênes, « il existe une pression sociale qui est très forte envers les marques, qu’elles soient des marques d’entreprises ou des marques-personnes, en ce qui a trait à ce qu’elles redonnent. Un joueur qui gagne beaucoup d’argent et qui ne s’engage pas dans une fondation sera regardé de manière suspecte. » Mais pourquoi 10 millions de dollars, et pourquoi le faire ouvertement, alors que plusieurs grands donateurs procèdent dans l’anonymat? Tout simplement parce que P.K. Subban est une marque cohérente : « P.K. Subban est en cohérence dans sa marque parce qu’il agit souvent de manière très spontanée, ce qui peut donner l’impression d’authenticité, de naturel. Dans cette optique, je trouve que la manière d’avoir fait son don et de l’avoir communiquée est cohérente avec la personne. Si l’on veut parler d’une logique d’authenticité, il a démontré dans sa manière de le faire une grande cohérence, donc une certaine authenticité. Il fait les choses à sa manière, à la P.K., qui est presque devenue une expression consacrée. » Et, chose certaine, cette marque-personne en inspire plus d’un et contribue à faire le bien envers la société. Pourquoi, donc, tant de questionnements autour de la valeur de celle-ci? « Au Québec, nous ne sommes pas dans une culture d’exubérance, on n’aime pas de manière générale les gens qui se mettent à l’avant-scène et qui montrent d’eux-mêmes qu’ils brillent. C’est une chose qui peut se transférer assez facilement dans le don », conclut Jonathan Deschênes. Et que penser du lancement de l’entreprise marketing PKSS Management ? « Subban est une marque-personne qui utilise son propre capital de marque pour créer une extension de marque. Je trouve que c’est là une approche brillante puisqu’il montre par ses actions qu’il est en mesure de livrer la marchandise. C’est une marque immatérielle qui se matérialise, en quelque sorte. » Philanthropie, marque personnelle et authenticité : des sphères irréconciliables? Peut-être pas tant que ça, après tout. C’est ce que nous verrons, du moins, dans les prochaines années. Une histoire à suivre.