Dès qu’il y a erreur de jugement, il y a bruit. Et ce, peu importe qu’il soit question de décision médicale, de verdict en droit ou de stratégie d’entreprise. Mais comment alors réduire le bruit dans la prise de décision?

Noise – Pourquoi nous faisons des erreurs de jugement et comment les éviter

Kahneman, D., Sibony, O., Sunstein, Noise – Pourquoi nous faisons des erreurs de jugement et comment les éviter, Paris, Édition Odile Jacob, 2021, 464 pages.

Les auteurs de cet ouvrage – un spécialiste de la psychologie cognitive, un expert de la prise de décision et un professeur de droit – montrent que le bruit produit des effets nocifs dans plusieurs domaines comme la justice, la médecine, la protection de l’enfance ou le recrutement, et ce, sans même que les décideurs en aient conscience. Et si nous pouvions changer notre façon de penser pour éviter les erreurs de jugement?

Dès lors que tout jugement humain a un côté subjectif, il renferme une part d’incertitude. Ainsi, des personnes raisonnables et compétentes peuvent émettre des avis différents sur une situation ou sur un cas précis, malgré leur analyse pertinente. Toutefois, les questions de jugement ne sont pas des «questions d’opinion ou de goût pour lesquelles des différences persistantes sont normales et acceptées». En d’autres mots, «il y a une limite au niveau de désaccord acceptable». Que faire, alors?

Détecter le bruit

«Le bruit [se trouve dans cet] arrière-plan auquel nous ne prêtons pas attention. C’est ainsi que nous restons, dans une large mesure, inconscients d’une faille importante [dans] notre jugement», affirment les auteurs. L’identité du décideur, son humeur ou des facteurs extérieurs comme la température de la pièce où il se trouve peuvent influer plus qu’on ne l’imagine sur son jugement. Dans le domaine judiciaire, on a émis des directives pour limiter le bruit, et ainsi, réduire la variabilité des peines. C’est une façon de détecter l’omniprésence du bruit systémique, en évaluant non seulement les nombreux jugements possibles sur une même affaire, mais également les divers jugements portés sur des affaires différentes.

Pour un audit du bruit

Selon les auteurs, nous n’avons besoin que d’une chose pour mesurer le bruit : un ensemble de jugements différents qu’on porte sur un même problème. Ainsi, on n’a pas besoin de connaître la «juste valeur» que ces jugements tentaient d’établir. Par exemple, si les estimations des prévisionnistes concernant les ventes trimestrielles donnent lieu à de nombreuses réponses, «la dispersion de leurs chiffres nous donnera immédiatement une mesure du bruit». Cet audit du bruit équivaut à une «autopsie» du jugement et peut donc s’avérer très utile comme analyse a posteriori ou retour d’expérience.

La marche à suivre

Pour améliorer la qualité de nos jugements, les auteurs recommandent d’adopter «une hygiène de la décision» en appliquant certains principes : préférer un jugement juste et précis à un jugement individuel; penser en termes de statistiques et adopter une vision extérieure de la question à traiter; structurer les jugements en plusieurs tâches indépendantes; ne pas céder aux intuitions hâtives; recueillir plusieurs jugements indépendants avant d’en faire la synthèse.

Article publié dans l'édition Été 2022 de Gestion