Article publié dans l'édition Hiver 2019 de Gestion

Produire des biens sans épuiser les ressources naturelles : voilà le nouvel impératif de l’économie circulaire. L’axiome « extraire, fabriquer, utiliser, puis jeter » a fait son temps, explique l’auteur Rémy Le Moigne. Place à une économie qui valorise les ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service.

Le Moigne, R., L’Économie circulaire – Stratégie pour un monde durable, Malakoff (France), Dunod, 2018, 240 p.

Le Moigne, R., L’Économie circulaire – Stratégie pour un monde durable, Malakoff (France), Dunod, 2018, 240 p.

La consommation des ressources naturelles, très faible pendant 3,8 milliards d’années, a connu une croissance exponentielle depuis la révolution industrielle. [...] L’extraction de matières premières par habitant a augmenté de sept à dix tonnes entre 1970 et 2000 », déclare l’auteur. Le constat est alarmant : si rien n’est fait, les réserves d’eau ne répondront qu’à 70 % de la demande mondiale en 2030. Certains métaux se raréfient, par exemple l’europium, utilisé dans la fabrication de téléphones dits intelligents. Or, seulement 6 % des matériaux en circulation sont recyclés à l’heure actuelle.

Des millions de tonnes de déchets industriels

Autre phénomène en croissance : l’obsolescence programmée de nombreux produits pour limiter leur durée de vie. « En partie pour cette raison, chaque jour, les Américains se débarrassent de 142 000 ordinateurs net 416 000 téléphones portables », note Rémy Le Moigne. L’innovation technologique a un coût économique. Et alors que la population s’emploie à limiter ses rebuts, sait-on qu’autour de 90 % des déchets sont d’origine industrielle ?

Mieux recycler, mieux récupérer

Créer un système qui confère une seconde vie aux matières recyclables est au cœur des principes de l’économie circulaire. Inspirée du fonctionnement cyclique de la nature, elle réintroduit les produits, composants et matières dans les cycles de production, de distribution et d’utilisation. L’économie circulaire vise à extraire la plus grande valeur d’un matériau et à favoriser le recyclage valorisant (upcycling). Par exemple, certains biens industriels sont fabriqués à partir de plastiques recueillis dans les océans.


LIRE AUSSI : « L'économie circulaire : au-delà de ses vertus environnementales, un modèle d'affaires »


La fabrication réfléchie

« Comment un produit peut-il être recyclé de façon performante s’il n’a pas été conçu en vue de son recyclage, assemblé en vue de son démontage ou distribué en vue de sa collecte ? » demande l’auteur. Si l’opération de recyclage est si peu performante, c’est qu’elle est traitée comme une solution en bout de chaîne. C’est l’approche dite cradle to cradle (ou C2C, littéralement « du berceau au berceau »). Les matériaux doivent pouvoir retourner au sol (composants biologiques) ou servir à la fabrication de nouveaux produits industriels (composants techniques).

Les potentiels de transformation

Remanufacturer ou remettre en état un produit usagé est une opération rentable. C’est ce que fait le manufacturier américain d’équipement minier et de construction Caterpillar, qui réusine 7000 types de composants et de pièces détachées pour une performance égale et un coût de production de 40 à 60 % moindre. En ce qui concerne l’appareillage coûteux, la réparation est donc une bonne affaire. Et pour les produits du cycle biologique, l’économie circulaire prévoit diverses transformations avant qu’ils soient retournés à la terre : compostage, méthanisation, extraction des composés chimiques, etc. Optimiser l’utilisation des ressources est une stratégie gagnante.