Article publié dans l'édition Automne 2021 de Gestion

Dix ans après sa création, l’application Instagram compte plus d’un milliard d’utilisateurs dans le monde entier. Comment expliquer cette croissance fulgurante? La journaliste Sarah Frier révèle tous les secrets de cette start-up qui a révolutionné nos vies. Incursion dans cet univers technologique.

Des stratégies des fondateurs Kevin Systrom et Mike Krieger au rachat d’Instagram par Facebook, suivi d’une perte progressive d’indépendance des équipes jusqu’au départ, fin 2018, des deux fondateurs, en conflit avec Mark Zuckerberg, le récit de ce livre a des accents de thriller. Experte des stratégies d’affaires des médias sociaux, Sarah Frier raconte les coulisses des négociations autant que les rivalités souterraines dans le monde impitoyable de la Silicon Valley.

Coup de génie

Avant de lancer Instagram, Systrom et Krieger ont créé l’application Burbn. Le concept? «Une façon amusante de voir d’abord ce que font vos amis avant de vous joindre à eux», selon la description proposée par Kevin Systrom à l’époque. Mais les futurs utilisateurs ne sont pas convaincus. Les deux collaborateurs anticipent alors que «quiconque possédera un téléphone intelligent se transformera en photographe amateur s’il en a envie». Retour à l’essentiel, donc : la photo. «Et s’ils concevaient un réseau social doté d’une option qui permette d’envoyer simultanément des photos sur Foursquare, Facebook, Twitter et Tumblr? En outre, s’allier aux géants des réseaux sociaux au lieu de leur faire concurrence serait plus judicieux», estiment-ils. Cette application pourrait aussi comporter des fonctionnalités similaires à celles des autres réseaux sociaux, par exemple les abonnés de Twitter et les cœurs de Facebook. Mais le vrai coup de génie, c’est l’utilisation de filtres pour rendre la réalité plus flatteuse et les utilisateurs accros aux compliments reçus pour leurs photos.

Ruée vers l’or technologique

En plus de séduire les utilisateurs grâce à ce nouveau mode d’expression et de promotion de soi, il leur fallait encore attirer collaborateurs, investisseurs et partenaires. «Le candidat idéal d’Instagram devait cultiver des passions au-delà de la technologie, qu’il s’agisse d’art, de musique ou de surf.» À la création de sa première start-up, Systrom avait convaincu son ancien mentor Jack Dorsey – fondateur de Twitter – d’y injecter des fonds. Très vite, Instagram formalise des choix éditoriaux: définition du contenu idéal, proposition d’une liste d’utilisateurs à suivre, etc. Autre coup de génie: l’application est ajoutée à l’App Store d’Apple. Résultat? Elle est téléchargée 25 000 fois dès les premiers jours. «Au bout de neuf mois à peine, l’application comptabilisait 150 millions de photos, les utilisateurs publiant 15 photos par seconde.» Ce succès fulgurant n’allait pas échapper à Facebook.

Dures négociations

En 2012, Elad Gil, directeur stratégie, et Ali Rowghani, directeur financier chez Twitter, se sont dits prêts à offrir entre 7 et 10% des parts de leur entreprise, soit l’équivalent de 500 à 700 millions de dollars, pour faire l’acquisition d’Instagram. Refus clair et net de Systrom. Peu après, Mark Zuckerberg y est allé de sa propre proposition : un rachat à un milliard de dollars. Restait une inconnue. Habituellement, avec Facebook, «tout ce qui était racheté était démembré, Facebook conservait les fondateurs et la technologie mais tuait le produit. Leur appli allait-elle aussi être sacrifié?». La tournure des événements est racontée dans ce livre palpitant et truffé de rebondissements...


Note

Frier, S., Instagram sans filtre – Les secrets de la start-up qui a révolutionné nos modes de vie, Paris, Dunod, 2020, 400 pages.