Le niveau de vie d’une région se définit communément comme le ratio entre le PIB réel et la population totale. Cet indicateur est généralement utilisé pour illustrer la richesse collective d’une population en offrant un portrait de la «richesse moyenne» produite par chaque habitant de cette région. Le gouvernement du Québec s’est donné comme objectif d’éliminer l’écart de richesse entre le Québec et l’Ontario à l’horizon 2036. Cet ambitieux objectif est-il réaliste? Comment le Québec doit-il s’y prendre pour y arriver? Quels sont les leviers les plus porteurs?

Afin de répondre à ces questions, il est important de démystifier les sources de cet écart de richesse. Précisons d’entrée de jeu que le PIB réel par habitant n’est pas un indicateur qui mesure la «qualité de vie». Il n’intègre pas les facteurs relatifs au bien-être collectif comme le coût du logement, celui de l’éducation ou celui des frais médicaux, les droits et libertés, le traitement fiscal, la sécurité, l’environnement, etc.

Mia Homsy

Mia Homsy est vice-présidente, main-d’oeuvre et intelligence économique,
à Investissement Québec.

Le PIB réel par habitant peut se décomposer en quatre déterminants :

1- Productivité au travail (PIB par heure travaillée);

2- Intensité du travail (heures travaillées par les employés);

3- Taux d'emploi (nombre de personnes employées parmi la population des 15 ans et plus);

4- Profil démographique (population des 15 ans et plus par rapport à la population totale).

Toute amélioration dans l’une ou l’autre de ces composantes fera augmenter le niveau de vie d’une région.

En 2021, l’écart entre le niveau de vie du Québec et celui de l’Ontario se situait à environ 6 500$ par habitant en faveur de l’Ontario, alors qu’il était de 7 600$ en 2018.

La réalité du vieillissement de la population et des retraites hâtives nous incite par ailleurs à aller un peu plus loin dans notre analyse en considérant que le réel bassin de main-d’œuvre potentielle est mieux représenté par le groupe des personnes de 15 à 64 ans plutôt que par celui des personnes de 15 ans et plus, qui nous servait de repère jusqu’à maintenant. Ainsi, en utilisant la population des 15-64 ans plutôt que celle des 15 ans et plus pour le taux d’emploi et le profil démographique, l’effet du vieillissement de la population sur la richesse collective québécoise est de plus en plus perceptible.

Entre 1997 et 2021, l’écart entre les taux d’emploi pour les personnes de 15-64 ans est passé de +6,2% en faveur de l’Ontario à +2,6% en faveur du Québec. La proportion élevée des femmes au travail au Québec dans cette tranche d’âge explique en partie cette amélioration. De 1997 à 2023 (données en date du mois de mars), le taux d’emploi pour ce groupe d’âge est passé de 72,5% à 76,7% au Québec, alors que pour l’Ontario, il passait de 69,7% à 71,9%.

Parallèlement, les jeunes Québécois sont relativement beaucoup plus présents sur le marché du travail. Entre 1997 et mars 2023, le taux d’emploi chez les 15-19 ans au Québec a bondi, passant de 25,7% à 54,6%, alors qu’il diminuait légèrement en Ontario, passant de 37,9% à 37,1%. En revanche, chez les 65 ans et plus, le taux d’emploi au Québec demeure plus faible. Il est passé de 10,5% en 1997 à 11,6% en 2023, alors qu’en Ontario, ce taux est demeuré passablement stable à 15%. Il ressort également de l’analyse des données disponibles que la persistante faiblesse de la productivité au Québec est toujours au cœur de l’écart de niveau de vie observé avec l’Ontario.

Les investissements dans l’automatisation et la robotisation sont des éléments incontournables pour en favoriser la progression. Selon une récente étude de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) sur le secteur manufacturier, les investissements en actifs non résidentiels destinés à des fins de production ont augmenté de 3,2% entre 2015 et 2019 au Québec, comparativement à 1,6% en Ontario.

Les résultats des dernières années sur la robotisation dans le secteur manufacturier et la résilience du marché du travail semblent encourageants, mais malgré ces améliorations récentes, le Québec traîne toujours de la patte sur le plan de la productivité.

L’accélération du virage numérique et, surtout, les investissements dans le développement des compétences de la main-d’œuvre seront au cœur de l’enrichissement collectif. Les défis de main-d’œuvre auxquels le Québec fait face à l’heure actuelle représentent une occasion unique d’accélérer l’adoption technologique, car c’est souvent de l’urgence qu’émergent les grandes transformations.

Article publié dans l'édition Été 2023 de Gestion