La neurodiversité est le concept inclusif par excellence, puisqu’il part du principe que chaque être humain est un individu à part entière, complexe et différent, qu’il soit neurotypique ou neuroatypique. Mais que sait-on sur ces derniers et quelle place leur fait-on en milieu de travail?

Le terme neurodiversité est utilisé pour la première fois par la sociologue australienne Judy Singer en 1988. Il signifie que les individus diffèrent dans leur façon de penser, de comprendre l’information, d’interagir et de communiquer avec les autres.

Qui sont les neuroatypiques? Selon Claire Stride, conférencière et consultante française en intelligence relationnelle et émotionnelle, experte en neurosciences et diversité, ils représenteraient environ 25 % de la population. «On y retrouve notamment la constellation des DYS, comme la dyslexie, la dyscalculie, la dyspraxie, la dysorthographie, etc. À cela s’ajoutent le trouble du spectre de l’autisme (TSA), le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), etc.», énumère-t-elle. La neuroatypie peut également inclure d’autres troubles neurologiques ou développementaux, comme le syndrome de la Tourette, le trouble obsessionnel-compulsif, le trouble développemental de la coordination et les troubles d’apprentissage.

En mode survie

La plupart des neuroatypiques ignorent qu’ils le sont. «Ils ont vécu leur scolarité comme un cauchemar, on leur a dit qu’ils étaient des cancres ou des fous. Adultes, ils exercent des métiers qui bien souvent les dépriment et ne les motivent pas. Même dans le monde du travail, la neuroatypie est vue à travers le prisme de l’école, et est généralement perçue comme de la fainéantise ou de la bêtise», illustre Claire Stride.

Elle souligne la présence de deux catégories de neuroatypiques en entreprise : ceux qui ne connaissent pas leur incapacité, et ceux qui en sont conscients, mais préfèrent ne pas en parler par crainte de la stigmatisation que cela pourrait engendrer.

«Le constat est sombre en raison de l’ignorance entourant la neuroatypie, il y a encore beaucoup de travail à faire. Sur le terrain, c’est très inégal. Certaines entreprises sont sensibles à leur réalité et effectuent des aménagements, alors que d’autres ne font rien», dit l’experte.

Au bout du compte, les cas d’épuisement professionnel sont légion chez les personnes neuroatypiques. «Le monde du travail est une réelle souffrance pour elles, même si elles ont essayé de rentrer dans le moule. La plupart du temps, elles ne sont pas heureuses en emploi et se retrouvent en état de survie», assure Claire Stride.

Des atouts à explorer

Or, parce qu’ils ne pensent pas comme la majorité, les neuroatypiques ont des atouts dont pourraient bénéficier les employeurs. Ils ont par exemple des forces et des compétences spécifiques en matière de mémoire et de reconnaissance des formes, de même que de grandes habiletés en mathématiques.

Sans surprise, un nombre élevé de neuroatypiques excellent dans les secteurs de l’analyse de données. Ils sont aussi capables de se concentrer de façon très soutenue sur des tâches complexes et répétitives, et ce, durant de longues périodes.

Des recherches démontrent également que les employés autistes sont avantagés dans le domaine du traitement de l’information et qu’ils parviennent à mieux détecter les renseignements essentiels que leurs collègues neurotypiques. C’est aussi pour cette raison qu’ils seraient plus nombreux que la moyenne à occuper des postes dans les TI.

Mentionnons au passage le vif succès qu’a connu le programme de neurodiversité en cybersécurité du ministère de la Défense australien, grâce à la capacité des personnes autistes embauchées de repérer des intrusions cybernétiques.

Encore peu présents sur le marché du travail

Les neuroatypiques demeurent malgré tout minoritaires sur le marché du travail. Dans l’Enquête canadienne sur l’incapacité (ECI) réalisée en 2017, on constatait que parmi les personnes ayant une incapacité et pour qui le TSA comptait parmi les deux conditions médicales leur causant le plus de difficultés, seulement 33 % d’entre elles étaient en emploi comparativement à 79 % des personnes vivant sans incapacité.

De leur côté, les entreprises considèrent souvent cette catégorie de travailleurs comme un fardeau qui nécessitera davantage de soutien et la mise en place de structures particulières.

Il ne faut donc pas s’étonner que la majorité quitte l’univers du travail traditionnel pour un travail indépendant ou même pour démarrer leur propre entreprise, remarque Claire Stride.

Les entreprises auraient pourtant beaucoup à gagner à inclure des neuroatypiques dans leurs rangs, et leurs collègues aussi! Non seulement savent-ils bousculer les lignes et les clichés, mais plusieurs sont également visionnaires, créatifs, minutieux et réfléchissent plus vite que la moyenne, notent le moindre détail et font preuve d’une vision globale et d’une pensée systémique.

De plus, en implantant des aménagements somme toute «plus humains», c’est  la communauté des travailleurs en son ensemble qui sort gagnante, par exemple en profitant de davantage de flexibilité et d’adaptation, d’un climat d’ouverture et de sécurité psychologique. Des équipes mixtes peuvent aussi se nourrir mutuellement. «Tout ce qui fait du bien aux neuroatypiques en fait aussi aux neurotypiques. C’est le moment de changer notre regard sur eux», assure Claire Stride.