En santé, un meilleur partage des données entre établissements et membres du personnel réduirait le temps d’attente avant la prise en charge des patients et des patientes. Un avantage pour faire face à la pandémie.

Les établissements de santé et de services sociaux du Québec utilisent différentes technologies pour la collecte et le traitement de données en lien avec la santé des patients et des patientes. Comme la plupart de ces technologies ne communiquent pas entre elles, l’information ne circule pas entre les membres du personnel de soins, qui doivent parfois effectuer des doubles, voire des triples saisies de données.

Les conséquences de ce manque de communication sont considérables pour les patients. En effet, ces derniers doivent attendre longtemps avant d’obtenir un rapport complet sur leur état de santé, et celui-ci arrive parfois trop tard pour qu’une intervention soit effectuée.

La mise en place d’un mécanisme d’échange automatique de données en santé permettrait de croiser les différentes sources d’informations et d’accélérer le processus décisionnel de santé publique, notamment pour faire face à la COVID-19. À partir de données fiables, ce mécanisme d’échange permettrait de réduire le temps entre le moment où une personne est dépistée et où elle obtient un traitement.

Pour une meilleure santé numérique

Pour qu’un mécanisme d’échange automatique de données soit efficace, il doit non seulement permettre aux différents systèmes utilisés par les établissements de croiser des données (interopérabilité), mais il doit aussi comprendre le contenu de celles-ci sans qu’un effort supplémentaire de conversion des informations ne soit nécessaire (interopérabilité sémantique).

Les données croisées par le mécanisme d’échange doivent respecter des normes clairement définies afin d’éviter d’éventuelles erreurs dues, par exemple, au format des échanges (interopérabilité technique).

Finalement, la collaboration entre les systèmes peut exiger une interaction du point de vue des données, des processus d’affaires et des services (interopérabilité organisationnelle).

Pour le moment, le système de santé québécois est confronté, à des degrés divers, à ces différentes formes de problème d'interopérabilité1. C’est seulement lorsque les systèmes d'information seront tous interreliés et que les patients et les professionnels de la santé autorisés pourront y accéder facilement afin de s'échanger de l'information que la santé numérique offrira sa pleine valeur.

La triangulation des données face à la pandémie

La COVID-19 a remis en question les façons de collecter, de conserver et de traiter les informations décisives2. Un croisement efficace des données, par un mécanisme d’échange automatique de données, serait donc essentiel pour répondre adéquatement à la complexité des problèmes engendrés par la pandémie.

La stratégie de triangulation vise à renforcer une recherche par le recours à un croisement des sources de données et à une combinaison de méthodes dont les forces se complètent et les faiblesses ne se superposent pas3.

Dans le cadre de la crise due à la COVID-19, une liaison intelligente des données fiables permettrait une compréhension multidimensionnelle d'une personne à risque ou atteinte par le virus. Ce résultat aiderait les membres du personnel de soins à interpréter de manière exacte et à échanger les renseignements nécessaires à la prestation de soins sûrs et efficaces. Par conséquent, il aidera à tirer des conclusions avec un niveau de certitude accru.

Les avantages pour les réseaux de santé

Les données en santé sont une richesse exceptionnelle et indispensable pour améliorer de façon continue les soins et les services de santé. Elles permettent une gestion plus efficace du système de santé et un soutien compétitif à l’innovation et à la recherche.

Les systèmes d’information de santé sont notamment utilisés pour :

  1. Coordonner le parcours de soins du patient;
  2. Aider les professionnels de la santé à prendre des décisions médicales;
  3. Évaluer des pratiques de soins;
  4. Constater l’évolution des données d’épidémiologie et de santé publique;
  5. Effectuer de la recherche clinique.

Pour une meilleure gouvernance des données de santé, il est nécessaire de standardiser les systèmes d’information en vue de favoriser leur interopérabilité. La pandémie de la COVID-19 vient confirmer la pertinence d’avoir une source de données évolutive qui combine l’ensemble des informations (données ouvertes, données de la Régie de l’assurance maladie du Québec, des pharmacies, des hôpitaux, des experts en santé, etc.) d’un patient.

Le mécanisme d’échange automatique de données vise à définir un canal unique de communication pour l’ensemble des systèmes d’informations sanitaires et contribuerait à une plus grande richesse d’information en optimisant la profondeur de celles-ci. Il pourrait également :

  • Renforcer l’interprétation des données diverses liées à la COVID-19 afin d’améliorer les décisions fondées sur celles-ci;
  • Regrouper les données à des fins de recherche sur la santé connectée dans le but ultime d'améliorer les résultats de santé;
  • Améliorer la coopération entre les professionnels de la santé et les patients pour accélérer la transition d’une logique de silo vers une logique de parcours de soins centré sur le patient. 

 Que des avantages qu’il vaudrait la peine de mettre en place!

Comment mettre en place un canal unique

La mise en place d’un mécanisme de communication automatique s’appuie, dans un premier temps, sur une analyse des différentes publications4 portant sur la problématique de l'interopérabilité dans les établissements en santé et services sociaux du Québec. Cette analyse a pour but de cartographier, avec précision, les différents formats utilisés par les nombreux systèmes informatiques.

Dans un second temps, le mécanisme automatisé de triangulation des données serait un modèle d’unification des multiples normes identifiées dans les systèmes d’information régissant la santé et les services sociaux au Québec. Il pourrait être développé en prenant en compte le tout nouveau Standard des pratiques numériques du gouvernement du Québec, qui découle de la Stratégie de transformation numérique gouvernementale 2019-20235.

L’objectif principal de la mise en place d’un tel mécanisme est de réaliser des synthèses de données probantes issues des sources diverses et hétérogènes, y compris les opinions d’experts, afin d’influencer les mesures de santé publique. Les synthèses pourront être effectuées en vertu de la loi américaine Health Insurance Portability and Accountability Act (HIPAA)6 et des standards Digital Imaging and Communications in Medicine (DICOM) et Health Level 7 (HL7)7.


Notes

1 Zeidenberg, J. (2017, 30 août). Quebec aims to link healthcare providers across province. Canadian Healthcare Technology. 

2 Meloche-Holubowski, M., (2020, 11 mai). Accessibilité aux données sur la santé : «Nous sommes encore à l’âge de pierre». ICI Radio-Canada.ca.

3 Rutherford, G.W. et al. (2010). Public health triangulation: approach and application to synthesizing data to understand national and local HIV epidemics. BMC Public Health, 10(447).

4 Mbibi, S. M. A. (2013). L'interopérabilité au sein de l'architecture d'entreprise : étude d'un cas pour la gestion de la santé [mémoire de maîtrise, Université Laval]. CorpusUL. https://corpus.ulaval.ca/jspui/handle/20.500.11794/24052

5 Gouvernement du Québec. (2020, 23 octobre). Standard des pratiques numériques. et Secrétariat du Conseil du trésor. (2014). Cadre commun du gouvernement du Québec : normaliser, s’aligner, performer.

6 U.S. Department of Health and Human Services (HHS). (2013, 26 juillet). Summary of the HIPAA Security Rule

7 Noumeir, R. (2012) Requirements for Interoperability in Healthcare Information Systems. Journal of Healthcare Engineering, 3(2), p. 323–346., et Braunstein, M. L. (2018) Healthcare in the Age of Interoperability: The Promise of Fast Healthcare Interoperability Resources. IEEE Pulse, 9(6), p. 24-27. doi: 10.1109/MPUL.2018.2869317