Article publié dans l'édition Été 2019 de Gestion

Pour quelles raisons un nombre élevé de travailleurs se sentent-ils découragés au travail? Devant une motivation à l’agonie, comment inspirer de l’enthousiasme au boulot? À l’instar d’un professionnel de la santé, Daniel M. Cable scrute l’esprit des employés comme on ranimerait un patient.

Le désengagement au travail est avant tout un problème d’ordre biologique, explique Daniel M. Cable, psychologue social et professeur en comportement organisationnel à la London Business School. En effet, les êtres humains ne sont pas « conçus » pour faire des tâches répétitives : la routine éteint la curiosité, tandis que le respect aveugle des règles sclérose la créativité. L’esprit humain est fait de telle façon que le circuit de la dopamine nous pousse à explorer, à expérimenter et à rechercher la nouveauté. Malheureusement, la réalité organisationnelle freine souvent ces impulsions biologiques. Conséquence : « De nombreux employés apprennent à se taire et à “prendre sur eux”, une attitude qui se traduit par un désengagement au travail et par des symptômes dépressifs. » Certains discours contradictoires entretiennent ainsi une dynamique cérébrale paradoxale : « Faites des expériences sans commettre d’erreur ; prenez des risques mais n’échouez pas. » De quoi annihiler toute volonté innée d’apprendre !


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La créativité par le jeu

Comment dès lors stimuler un cerveau qui a soif de savoir? Daniel Cable a observé que la « ludification » de l’apprentissage échauffe l’enthousiasme, suscite des émotions positives et améliore les dynamiques de communication. Par exemple, l’intérêt de certains jeux vidéo repose sur le fait que les joueurs ont la possibilité de déployer les habiletés de leur personnage au profit de l’équipe. De plus, ces jeux reposent sur un processus d’exploration et d’apprentissage continu.

L’éveil de l’expression de soi

Une façon de lutter contre l’apathie consiste à encourager les employés à faire ressortir le meilleur d’eux-mêmes. On y parvient essentiellement en ayant une image valorisante de soi et en adoptant un discours positif sur sa propre identité : « Nous sommes davantage que notre fonction », affirme l’auteur. Pour favoriser l’affirmation de soi, il suggère un exercice d’expression libre sur nos plus grandes qualités. Autre idée : inviter les employés à créer leurs propres titres professionnels. Farfelus mais éloquents, ces titres décrivent talents et contributions, par exemple ceux-ci : « ministre des dollars » (plutôt que directeur de l’exploitation) ou « déesse des salutations » (adjointe administrative). Et si ce petit changement de titre représentait, pour l’employé, un grand changement de perception quant au travail qu’il effectue ?

Curiosité

Considérer le travail comme un jeu sérieux et comme une source de découverte rend plus joyeux, plus motivé et plus résilient, explique M. Cable. Le processus d’apprentissage l’emporte sur l’objectif de performance. Organiser des jeux thématiques peut susciter des idées neuves à l’échelle collective.

« La curiosité est une émotion puissante. Et lorsque tous les membres d’une équipe sont curieux, ils sont plus susceptibles de s’éloigner de leurs zones de confort [...] et de travailler ensemble de manière inédite. »

La motivation du but

Les recherches de l’auteur démontrent également que le bonheur lié à un objectif est plus important pour la santé que le bonheur hédonique.

Réactiver la motivation du but, c’est donc permettre aux employés de ressentir l’effet concret de leur travail, d’en voir le début et la fin et d’atteindre un résultat partagé.


Source

Cable, D. M., Alive At Work – The Neuroscience of Helping Your People Love What They Do, Brighton (MA), Harvard Business Review Press, 2018, 224 pages.