Article publié dans l'édition printemps 2016 de Gestion

La pratique des rapports de responsabilité sociale (RSE) des entreprises prend de l’ampleur, mais cette popularité a entraîné l’apparition de plusieurs cadres de présentation comportant chacun leurs propres instructions sur ce qu’il faut divulguer. Pour vous aider à bien démarrer, les auteurs ont fait un examen approfondi de la littérature sur les rapports RSE et ont discuté avec deux directeurs du développement durable au sein d’entreprises reconnues pour leur excellence en la matière. Ils vous font leurs recommandations. 


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Conseil n˚ 1 : Choisissez le bon cadre pour votre public cible

« Cernez le public cible, fixez l’objectif à atteindre et planifiez la production du rapport. »

La première étape consiste à déterminer le cadre de présentation à utiliser parmi les trois cadres principaux disponibles à l’heure actuelle, c’est-à-dire ceux du Sustainability Accounting Standards Board (SASB), de l’International Integrated Reporting Council (IIRC) et de la Global Reporting Initiative (GRI). Il importe de bien comprendre leurs objectifs respectifs afin de mieux évaluer leur degré de compatibilité avec ceux de l’entreprise.

comparaison cadres de production RSE

  • LE CADRE DU SASB est le plus précis. Conçu pour les sociétés ouvertes, il fournit des orientations quant à la divulgation d’informations relatives au développement durable dans le rapport annuel. Il est donc principalement destiné aux investisseurs. Par conséquent, les autres parties prenantes en tireront moins d’avantages.
  • LE CADRE DE L’IIRC a une approche plus inclusive, car il s’adresse également à d’autres fournisseurs de capital financier, par exemple les créanciers et les dirigeants. Il peut donc répondre aux intérêts de tous ces groupes, mais de manière moins ciblée. En l’occurrence, par rapport au cadre du SASB, le rapport élaboré selon l’approche de l’IIRC sera plus intéressant pour les créanciers et les dirigeants mais le sera moins pour les investisseurs. L’IIRC est aussi censé viser toutes les parties prenantes, même celles ne soutenant pas l’entreprise financièrement comme les employés et la communauté, mais le public cible pour ce rapport demeurant les fournisseurs de capital financier, ces groupes risquent de n’être que partiellement satisfaits.
  • LE CADRE DE LA GRI est la formule qui rejoint le plus grand nombre de parties prenantes. Il a pour but de leur fournir de l’information détaillée sur les enjeux qui les intéressent. Cela permet aux entreprises de personnaliser le contenu de leur rapport de RSE pour satisfaire toutes les parties prenantes. De plus, puisqu’il s’agit du cadre de présentation le plus ancien et le mieux connu des trois, il offre l’avantage, tel que mentionné par un des experts consultés, d’« élever le degré de confiance » dans les rapports qu’il a permis de produire, ce qui en fait donc « le choix le plus crédible ».
Que faire ? Commencez par définir le public cible de votre rapport : vos actionnaires ? Vos créanciers ? La communauté ? Vos employés ? Ensuite, choisissez le cadre qui convient le mieux à ce public. Le cadre du SASB s’adresse avant tout aux investisseurs, celui de l’IIRC aux autres fournisseurs de capital financier et celui de la GRI aux autres parties prenantes.

Conseil N° 2 : Déterminez ce dont vous voulez parler dans votre rapport

« N’essayez pas de tout inclure dans votre rapport : ce n’est pas une très bonne approche. Consacrez plutôt beaucoup de temps à la définition des questions importantes. »

Peu importe le cadre de présentation choisi, une part de subjectivité sera inévitable pour décider du contenu à divulguer, et c’est ici qu’entrera en jeu le concept d’importance relative. Les éléments d’information jugés importants sont ceux qui auront une influence sur la prise de décision des parties prenantes et qui façonneront leur opinion au sujet de l’entreprise concernée. Chaque cadre de présentation comporte sa propre définition de l’importance relative et est conçu pour mettre en valeur les contenus qui correspondent aux attentes des différents publics cibles.

  • LE CADRE DU SASB fournit des directives détaillées sur l’importance relative par secteur d’activité grâce à la SASB Materiality Map, un outil présenté sous forme de tableau à code de couleurs qui sert à déterminer les indicateurs dont la probabilité d’importance relative est la plus élevée. Cet outil se base sur une évaluation de ce qui a déjà été divulgué dans les rapports de RSE publiés antérieurement ainsi que sur le lien entre le contenu et la performance financière. La dernière étape du processus du SASB consiste à envisager la divulgation d’éléments non liés à la performance financière mais susceptibles de causer des problèmes opérationnels, par exemple si la peur de protestations est forte au point où elle pourrait représenter une menace importante pour les opérations courantes de l’entreprise. Le cadre du SASB a l’avantage de permettre de comparer des rapports de RSE d’entreprises d’un même secteur d’activité puisque les indicateurs sont les mêmes.
  • LE CADRE DE L’IIRC établit lui aussi un lien étroit avec la performance financière mais laisse plus de marge de manœuvre à la haute direction pour juger de l’importance relative par rapport à l’ampleur des impacts potentiels d’enjeux donnés sur le processus de création de valeur. Il recommande par ailleurs de consulter les diverses parties concernées pour déterminer les éléments importants à inclure. Même si l’utilisation du mot « valeur » peut comprendre des améliorations apportées par rapport à la société ou à l’environnement, celles-ci ne sont mentionnées que dans la mesure où elles ont un effet sur la capacité de l’entreprise à créer de la valeur.
  • LE CADRE DE LA GRI est le seul à offrir une approche basée sur les parties prenantes pour établir les paramètres d’importance relative selon leur pertinence pour elles. Il s’agit aussi du seul cadre qui distingue l’importance relative en matière de RSE et l’importance relative financière. Comme l’a expliqué un des experts consultés, « nous avons demandé [aux parties concernées] non seulement ce qu’elles aimeraient voir dans notre rapport en matière de contenu mais aussi si elles étaient satisfaites de notre compréhension et de notre réponse concernant l’expression de leurs besoins ». Dans l’organisation de cet expert, cette approche a conduit à un taux de satisfaction de 95 % pour ce qui est des rapports produits. Puisque l’information n’est pas strictement reliée à la performance financière, le cadre de la GRI pourrait être l’approche la plus intéressante pour les entreprises soucieuses d’améliorer leur performance d’un point de vue social et environnemental. Toutefois, l’inconvénient de ce cadre est son caractère plus discrétionnaire et subjectif.
Que faire ? Si votre priorité consiste à satisfaire vos investisseurs et que vous avez choisi le cadre du SASB, il s’agira tout simplement de suivre les directives concernant votre secteur d’activité et le tour sera joué. Si votre stratégie de communication vise également les autres fournisseurs de capital financier et que vous avez retenu le cadre de l’IIRC, gardez à l’esprit que votre rapport devra fournir au lecteur de l’information quant à vos relations avec vos partenaires. Si vous ciblez un nombre important de parties concernées et avez choisi le cadre de la GRI, il conviendra de consacrer beaucoup de temps à les consulter pour définir leurs priorités, comme on le ferait avec le cadre de l’IIRC. Les deux experts consultés s’entendent sur ce point : ce qui compte, ce n’est pas ce que vous voulez communiquer à votre public cible, c’est ce que votre public cible veut entendre de vous !

Conseil N° 3 : Surmontez les difficultés

« N’hésitez pas à demander de l’aide si vous en avez besoin. Impliquez les gens, demandez des conseils et partagez vos expériences avec autant de personnes que vous pouvez. »

Chaque cadre présente des difficultés. Puisqu’il inclut les états financiers, celui du SASB a un format plus rigide et l’échéance à respecter est plus serrée, ce qui laisse peu de temps pour la collecte de données en matière de RSE. Quant à celui de l’IIRC, il ne concerne pas seulement un simple rapport sur la RSE : il faut opérer un changement de paradigme vers la pensée intégrative et modifier la définition qu’ont les employés de la création de valeur. Enfin, le cadre de la GRI a l’inconvénient d’être le plus large en raison de son caractère inclusif et, par conséquent, le plus difficilement comparable. Comme l’a indiqué un de nos experts, « ce cadre est vague par nécessité et certaines de ses sections peuvent être difficilement adaptables à tous les secteurs d’activité ».


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Conseil n° 4 : Engagez-vous à annoncer les bonnes et les mauvaises nouvelles

« Il y a plus d’avantages à être sincère et à être présent. Tout peut être dit si c’est bien présenté. »

Cela peut sembler risqué et ce sera un élément difficile à faire accepter par la direction, mais l’annonce des mauvaises nouvelles augmentera votre crédibilité et votre transparence. Cependant, il faut être prêt à se battre pour assurer le plus de transparence possible quand des événements malencontreux se produisent.
partir du bon pied