Renforcer la mobilisation du personnel et assurer la cohésion des équipes sont des préoccupations récurrentes des gestionnaires. À cet égard, les activités de teambuilding sont-elles encore pertinentes, et si oui, à quelles conditions?

La consolidation d’équipe, ou teambuilding, est un terme générique qui renvoie à différents types d’interventions visant à améliorer l’efficacité d’une équipe. «Bien souvent, lorsqu’on parle d’efficacité, on pense surtout à la performance en termes qualitatifs et quantitatifs. C’est pourtant beaucoup plus large», indique Corinne Prost, chargée de cours en comportement organisationnel au Département de management de HEC Montréal.

Par exemple l’agilité, un élément essentiel dans un monde où il est plus important que jamais de savoir s’adapter à un environnement changeant. La qualité de l’expérience groupale, c’est-à-dire la manière dont les membres de l’équipe peuvent s’accomplir et se développer au sein de celle-ci, est un autre facteur essentiel. «On sous-estime ces dimensions, alors qu’elles se trouvent pourtant au cœur des problématiques lorsque certains symptômes émergent, comme l’absentéisme», ajoute la chargée de cours. 

Deux dimensions à considérer

Alors, comment mieux cibler les exercices de consolidation et sortir des habituels lacs-à-l’épaule ou autres expériences ludiques aux résultats peu convaincants? Il faut savoir qu’il existe deux grands types d’activités de teambuilding : celles qui visent les processus relationnels (dimensions sociales, collaboration, communication, etc.) et celles reliées à la structure même de l’équipe (raison d’être, mission, objectifs, etc.).

Dans la première catégorie, on retrouve des exercices de clarification de la mission de l’équipe, qui pourraient inclure par exemple des simulations d’entrevues avec des clients, ou encore des exercices visant à déterminer les rôles et responsabilités de chacun.

Dans la deuxième catégorie, on se penchera davantage sur les différents profils de personnalité, comment ils se déploient en milieu de travail, l’inventaire des valeurs et la mise en place de normes communes pour mieux travailler ensemble, etc.

Corinne Prost souligne que dans un contexte de travail hybride, la dimension relationnelle revêt une importance accrue, dans la mesure où la distance, les agendas serrés et l’omniprésence de la visioconférence tendent à distendre les liens. «L’efficacité d’une équipe repose beaucoup sur sa structure, mais une fois celle-ci mise en place, elle fonctionne bien en général, même si on gagne à la reclarifier périodiquement. En revanche, l’aspect relationnel, les interactions dans le groupe, la coordination ne doivent pas être négligés, en particulier si on œuvre peu en présentiel et que le travail est beaucoup orienté sur les tâches», mentionne-t-elle. Corinne Prost précise qu’il existe des outils permettant d’évaluer l’équipe sur des dimensions clés d’efficacité et qu’un tel diagnostic est un préalable indispensable avant même d’envisager à organiser des activités de teambuilding. 

Conditions gagnantes

Pour sa part, Pierre Lainey, maître d’enseignement au Département de management de HEC Montréal, indique qu’en tant que gestionnaire, il a déjà eu l’occasion d’organiser des activités de teambuilding et que celles-ci se sont révélées peu probantes. Il raconte avoir toutefois tiré d’utiles leçons de ces expériences. «J’ai constaté qu’il est préférable de se borner à de petits groupes. Dans les grands – environ une vingtaine de personnes –, des clans ont tendance à se récréer et on obtient l’inverse du but escompté», explique-t-il.

Il remarque également qu’il aurait dû être plus précis relativement à ses attentes et mieux sélectionner le groupe de teambuilding. «Certaines personnes avaient été embauchées récemment et je les connaissais peu. L’une d’entre elles s’est révélée très compétitive et a voulu démontrer qu’elle était meilleure que les autres, ce qui allait à l’encontre de l’objectif. On veut renforcer la collaboration et non pas créer une concurrence entre les individus», fait valoir Pierre Lainey, qui conseille de constituer des équipes dont les membres présentent des forces complémentaires. 

Il remet aussi en question la pertinence de certaines expériences. «Il faut éviter de placer les gens dans des situations d’échec, notamment en leur demandant de trop sortir de leur zone de confort ou d’aller au-delà de leurs capacités», prévient-il. Il cite en exemple le rafting, l’escalade, le tir à l’arc, et même les quilles, qui peuvent se révéler franchement désastreux, voire humiliants, pour les participants. «Bien souvent, le gestionnaire choisira des activités qui pourraient l’intéresser lui-même, sans nécessairement penser aux besoins des autres», note-t-il. C’est pourquoi il recommande de ne pas hésiter à consulter les employés pour savoir ce qui leur conviendrait.

Même s’il estime que le teambuilding a encore sa place, pour autant que l’équipe ait une certaine maturité et que la démarche soit correctement préparée en amont, il avise que ce n’est pas la panacée. «Ce sont le patron et le gestionnaire qui doivent mettre en place les conditions gagnantes pour qu’il existe une cohésion au sein de l’équipe. Aucune activité ne parviendra à remplacer celles-ci», conclut-il.