Pensez-y un instant. Une personne pour qui vous avez visiblement de la considération visitera pour la première fois votre résidence, où il est prévu qu’elle séjournera un certain temps. Votre réflexe sera évidemment de vous assurer qu’elle a une superbe première impression, que tout le monde l’accueille avec bienveillance, qu’elle est à l’aise et qu’elle trouve rapidement sa place dans la maisonnée. Or cette réalité ressemble beaucoup au parcours d’intégration que doit mettre en place une organisation pour accueillir chaque nouveau membre de son équipe.

Au moment où les entreprises s’arrachent les meilleurs talents et peinent à les retenir, le processus d’accueil et d’intégration joue un rôle de plus en plus important. Non seulement il ne faudrait pas le négliger, mais il est aussi impératif de le pousser plus loin et de lui accorder une attention soutenue. À ce sujet, de nombreuses approches ont aujourd’hui la cote, comme l’automatisation de la phase préaccueil (en anglais : pre-onboarding) – qui permet de régler les formalités administratives avant l’entrée en poste d’une personne –, ou encore la scénarisation sous forme de jeu (en anglais : gamification) que mettent en place certaines organisations. Certes, ces avenues ont certainement leurs mérites, mais d’autres approches centrées sur l’humain et le collectif sont aussi garantes d’excellents résultats.

Personnaliser l’accueil

Traditionnellement, le parcours d’intégration est relativement standardisé pour l’ensemble des personnes qui arrivent dans une organisation, puisqu’il est avant tout orienté vers les responsabilités et les tâches liées au poste. S’il s’agit d’un point de départ intéressant, cette façon de faire demeure néanmoins limitée et insuffisante.

Nous vivons dans une ère de spécialisation, et les processus post-embauche n’y échappent pas. Il est désormais souhaitable d’adapter le parcours au profil et aux spécificités de la personne engagée plutôt qu’au poste lui-même. Nous devons ainsi tenir compte de sa feuille de route, de son expertise et de ses prédispositions, pour mettre en place une stratégie d’accueil qui soit apte à favoriser une intégration plus harmonieuse. L’objectif est de nous éloigner des cadres trop rigides pour privilégier un environnement plus ouvert où la personne nouvellement arrivée se verra offrir, dans la mesure du possible, une certaine flexibilité lui permettant de choisir un rythme et un cheminement qui lui conviennent. En résumé, il s’agit de proposer au personnel nouvellement embauché une expérience qui est à la fois commune à tout le monde et propre à chaque personne.

Du côté de Google, l’accueil de ceux et celles qu’on appelle les «Nooglers» s’inscrit parfaitement dans cette vision, avec une trousse de bienvenue et des communications personnalisées. L’entreprise ne leur offre pas qu’un seul parcours d’intégration, mais bien plusieurs versions, parmi lesquelles chaque Noogler fait son choix en fonction de ses préférences. Tout au long de son cheminement, la personne accueillie est accompagnée par des collaborateurs et des collaboratrices, voire un mentor ou une mentore, dans une optique d’échanges réciproques. Elle se voit aussi proposer un vaste programme de formations au choix, auquel participe aussi cette «communauté» d’accueillants et d’accueillantes.

S’intégrer à un nouveau milieu de travail est avant tout une expérience humaine qui se doit d’être traitée comme telle. La personne accueillie a besoin de sentir que les autres la perçoivent comme unique; elle veut se sentir à la fois utile et soutenue. Le fait pour cette personne d’être prise en charge par un gestionnaire attitré ou une gestionnaire attitrée renforce ce sentiment, mais l’accueil ne devrait pas non plus reposer sur ce seul individu. Le ou la gestionnaire en question doit idéalement mettre à contribution plusieurs personnes clés issues de services pertinents au sein de l’entreprise. Cette approche collective permet aussi à la personne accueillie de se familiariser non seulement avec la culture de l’organisation, mais aussi (et surtout) avec sa promesse client.

Ce double objectif devrait être poursuivi tout au long du processus d’intégration. Le cas d’Airbnb en est un excellent exemple. Chaque nouvelle personne est accueillie au sein de l’entreprise par un ou une «hôte» et des «super hôtes», dans une approche qui reflète la promesse de la boîte d’offrir une qualité d’accueil avec une posture bienveillante. Pour le nouvel arrivant ou la nouvelle arrivante, le parcours d’intégration est ainsi en parfaite cohérence avec la promesse client de l’organisation, favorisant son appropriation entière et rapide.

Savoir prendre soin des gens qui accueillent comme de ceux qui sont accueillis

Chaque processus d’intégration est exigeant pour les personnes qui en accueillent d’autres, et cela génère une pression susceptible d’avoir une incidence sur le bon déroulement des activités courantes. Trop souvent négligé, cet aspect devrait pourtant faire l’objet d’une attention particulière. Le fait de mobiliser l’ensemble des parties prenantes permet de répartir la charge opérationnelle, rendant ainsi l’intégration plus efficace sans affecter la productivité au quotidien. Autrement dit, il faut savoir s’occuper non seulement de la personne accueillie, mais aussi des personnes qui l’accueillent.

Le rôle de cette communauté sera donc de soulager les efforts du ou de la gestionnaire principalement responsable de l’intégration, mais également de l’aider à faire en sorte que la personne accueillie puisse s’épanouir rapidement, tout en gardant la capacité de répondre aux priorités et aux urgences opérationnelles du terrain. La mise en place de formations destinées aux personnes qui en accueillent d’autres, le réaménagement d’horaires avec répartition des responsabilités courantes et l’établissement d’un échéancier propre à l’intégration sont autant d’avenues qui peuvent être empruntées en ce sens. L’objectif demeure évidemment que la personne nouvellement arrivée puisse être pleinement fonctionnelle et performante le plus rapidement possible, tout en étant à l’aise et en phase avec la culture de l’organisation.

Un processus en évolution

Il est important de garder à l’esprit que 69% des personnes qui arrivent dans une entreprise sont plus susceptibles d’y rester au moins trois ans si elles vivent une bonne expérience d’intégration. Ce parcours suscite de nombreuses émotions chez la personne accueillie, qui, pour se sentir en équilibre, aura besoin d’une attention soutenue durant les quatre phases du processus que sont l’accueil et l’intégration (en anglais : onboarding), la découverte, l’appropriation et la progression. Le défi est bien présent, car l’objectif est de la plonger rapidement dans l’action en favorisant les échanges avec l’ensemble des services et des personnes avec qui elle aura à interagir dans le cadre de ses tâches. L’ensemble de ce processus doit se faire en continu, et idéalement sur une période de plusieurs mois, voire sur une année complète.

«Trop d’entreprises considèrent l’intégration comme une simple formalité bureaucratique. Elles oublient que c’est une période cruciale pour la personne nouvellement embauchée pendant laquelle elle découvre la culture de l’organisation», souligne à cet égard Michael D. Watkins dans le Harvard Business Review1.

Il est aussi important de soutenir cet exercice en établissant des rituels où l’individu nouvellement en poste et la communauté de personnes accueillantes ont des occasions planifiées de faire le point, de déterminer ce qui va mieux ou moins bien et d’ajuster le tir au besoin, car le processus doit s’adapter à la réalité vécue par l’ensemble des parties. L’interaction est ici une notion clé, en ce sens que toutes les personnes concernées – autant celle qui est accueillie que celles qui l’accueillent – doivent s’investir et collaborer au sein de cet exercice collectif.

Privilégier la dimension humaine

Planifier et gérer les parcours d’intégration est loin d’être une science exacte; il s’agit d’un processus collectif à l’intérieur duquel les émotions et la psychologie humaines jouent un rôle de tous les instants. Sa réussite passe par la capacité des différentes parties prenantes à interagir pour en arriver à un résultat où l’ensemble de l’équipe se trouvera par définition renforcé. Ce n’est assurément pas seulement le rôle d’une seule personne, mais bien celui du groupe de faire une place de choix au nouvel arrivant ou à la nouvelle arrivante; une place où cette personne se sentira bien et engagée à s’accomplir.


Note

1- Watkins, M. D., «7 Ways to Set Up a New Hire for Success» (article en ligne), Harvard Business Review, 10 mai 2019.