Le Business Model Canvas (BMC) d’Alexander Osterwalder et de Yves Pigneur est sur toutes les lèvres. Cet outil synthétique connaît en effet une popularité d’envergure planétaire, et trouve aujourd’hui sa place dans la boîte à outils de centaines de milliers d’entrepreneurs et d’aspirants entrepreneurs.

Manaf Bouchentouf, directeur exécutif de l’Institut d’entrepreneuriat Banque Nationale – HEC Montréal (IEBN), le connaît également sous toutes ses coutures, lui qui a fait du BMC l’un des fondements de l’accompagnement qu’il offre à celles et ceux qui veulent concrétiser leur rêve entrepreneurial. Nous l’avons rencontré afin qu’il nous parle de l’utilité du Business Model Canvas.


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École des dirigeants : L’Institut dont vous avez la responsabilité a misé, entre autres, sur le BMC pour aider les entrepreneurs dans la réalisation de leur projet. Quelle est la principale qualité de ce modèle théorique?

Manaf Bouchentouf : À la base, la volonté des deux créateurs du BMC était de standardiser le langage employé afin de décrire les différents éléments d’un modèle d’affaires. Mais ce n’est pas que ça. L’idée était aussi d’uniformiser les concepts, d’avoir une vue globale, un même référent en somme, lorsqu’il est question d’un modèle d’affaires. Et surtout, l’idée était aussi de créer un outil que l’on peut faire évoluer rapidement. C’est dans cette perspective que s’inscrit le BMC. C’est un outil qui a pour objectif de dresser la "recette" d’un projet avant d’en définir l’exécution, ce qui se fera lors de l’élaboration du plan d’affaires.

Le modèle d’affaires est un outil qui peut être utilisé à plusieurs sauces : il peut être employé pour définir un nouveau projet, pour réorienter un projet en cours, en vue d’une restructuration ou pour mieux comprendre la concurrence, par exemple. Nous l’utilisons à l’IEBN, mais il est tout autant employé dans les agences gouvernementales, dans les institutions financières et à bien d’autres endroits! Il y a plusieurs façons de l’utiliser, et il est employé de manière presque universelle. Voilà deux des raisons pour lesquelles nous l’avons adopté.

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École des dirigeants : C’est donc un excellent outil pour guider les entrepreneurs dans la définition de ce qu’ils veulent faire. Quelles lacunes le BMC met-il en lumière dans les projets que les entrepreneurs vous présentent?

Manaf Bouchentouf : Certains entrepreneurs arrivent avec un produit ou un service (souvent de haute technologie), sans forcément maîtriser les besoins de leur clientèle. L’outil va nous permettre de valider la cohérence entre la solution proposée et les problématiques des clients cibles en précisant notamment les canaux de communication et de vente. Dans d’autres cas, on nous présente des modèles d’affaires de la complexité et de la taille de celui de Walmart! Et c’est là que le Business Model Canvas va démontrer son utilité : il va aider l’entrepreneur à articuler une idée en projet d’affaires, de façon simple, concise, holistique et visuelle. L’outil va amener l’entrepreneur à focaliser sur les éléments clés tant au niveau du marché, de l’infrastructure qu’au niveau financier. Bref, grâce au BMC, l’entrepreneur doit pouvoir se poser les questions suivantes : (1) quel produit ou service à grande valeur ajoutée est ce que je peux offrir; (2) comment livrer cette valeur au client; (3) comment produire de la valeur ; (4) comment capturer la valeur.

Par la suite, la connaissance de l’état du marché demande aussi parfois à être précisée. Le BMC, avec les questionnements qui accompagnent chacune des neuf sections du modèle, va aussi aider les entrepreneurs à identifier les éléments différenciateurs de leurs projets vis-à-vis de la compétition.

École des dirigeants : Le BMC doit-il occuper toute la place dans la réflexion et dans l’évolution du projet entrepreneurial?

Manaf Bouchentouf : Le Business Model Canvas est un outil autant pour avoir une vue globale et visuelle du projet, mais aussi pour valider les hypothèses qui le sous-tendent. Mais il est aussi très important de garder à l’esprit que le BMC est un outil parmi d’autres dans la trousse entrepreneuriale. Il ne remplace pas l’analyse FFOM (forces, faiblesses, opportunités et menaces) ou l’analyse de l’environnement avec le modèle PESTEL. C’est important de le comprendre. Il y a d’autres outils qui vont venir raffiner l’analyse que fait l’entrepreneur de son projet. En somme, le BMC, c’est un outil qui doit être mobilisé pour soutenir la réflexion entrepreneuriale de façon continue en complément des autres outils de gestion!