Avec son lot de néologismes et ses particularités qui bousculent nos habitudes, l’écriture inclusive fait souvent sourciller. Les organisations qui décident de l’intégrer à leurs communications gagneront à miser sur quelques outils de base. Chaque petit pas est déjà un pas de plus vers l’inclusivité.

Décider d’adopter l’écriture inclusive en entreprise est une stratégie qui implique beaucoup de questions, puisqu’elle est intimement liée à l’identité, au positionnement et à l’image de marque de l’organisation. Chloé Freslon, fondatrice de URelles, une firme de consultation en diversité et inclusion au Québec, considère l’écriture inclusive comme un spectre. À l’une des extrémités, il y a une forme plus traditionnelle et corporative. De l’autre côté, une forme beaucoup plus activiste qui utilise des formes tronquées et des néologismes.

«Si on choisit d’aller vers ce pôle, il faut être certain qu’on sera à l’aise et capable de défendre cette position. Un groupe à l’interne devrait être désigné pour y réfléchir. Ce ne peut être la décision d’une seule personne. Point essentiel, la démarche doit être cohérente. Par exemple, seulement afficher les postes en écriture inclusive est une erreur, la communication serait artificielle et cela va transparaître. De la même manière, on ne commence pas par les communications externes et la publicité en écriture inclusive simplement pour faire bonne figure. Ce serait désincarné.» Une fois la stratégie réfléchie, choisie et expliquée, il est nécessaire de mettre en place de la formation et des ressources.

Une gymnastique qui exige de la formation

Avant même de parler d’outils pour apprendre à intégrer l’écriture inclusive dans ses communications, Élisabeth Routhier, designer d’expérience juridique et formatrice pour En Clair, firme de design juridique et de simplification de contenus, suggère fortement d’inscrire une formation à l’agenda en début de démarche. «Une formation sur l’écriture inclusive va favoriser l’adhésion. Les avantages, statistiques à l’appui, sont présentés et le fait d’avoir accès à des spécialistes ajoute à la crédibilité. Cela rassure aussi les personnes qui craignent de commettre des erreurs. Finalement, comme c’est une sphère où les choses évoluent rapidement, cela permet d’avoir accès aux derniers discours concernant l’écriture inclusive, et de sauver énormément de temps à faire des recherches par soi-même.»

L’experte conseille ensuite de se familiariser avec quelques outils pertinents. «Le Portail linguistique du Canada offre beaucoup d’alternatives et est audacieux dans ses recommandations. C’est une plateforme très utile. Sur ce site, on trouve l’Inclusionnaire, qui propose une banque de mots, des synonymes, et aussi différentes façons d’éviter un mot qui n’est pas inclusif, par diverses stratégies.» Certains domaines, notamment le milieu juridique avec ses termes définis et réservés par la loi, demeurent complexes à remplacer, mais ces outils peuvent suggérer des pistes intéressantes. Le logiciel Antidote est également un bon soutien à l’écriture inclusive, grâce à un dictionnaire qui donne les différentes manières de féminiser un mot, à des explications qui peuvent éclairer le choix de mot, et grâce à un filtre d’inclusivité qui identifie tous les mots masculins. Évidemment, une organisation qui opte pour l’écriture inclusive peut créer sa propre banque de mots les plus fréquemment utilisés par ses équipes selon son domaine d’activité.

Fluide et naturelle

Un des pièges de l’écriture inclusive est de paraître artificiel ou d’être difficile à lire. Pour contourner ce principal obstacle, Élisabeth Routhier propose de penser le texte «inclusif» avant même de le rédiger. Le texte sera ainsi plus fluide que s’il est écrit au masculin et féminisé dans un deuxième temps. «Si on pense le texte en écriture inclusive en amont, on utilisera des tournures de phrases et un vocabulaire inclusifs d’emblée, avec naturel. Autrement, si on corrige un texte pour le rendre inclusif une fois qu’il est rédigé, c’est là, justement, qu’on aura tendance à utiliser des graphies tronquées et que le texte semblera artificiel.» Elle ajoute que les ouvrages collectifs posent souvent ce défi alors qu’une équipe éditoriale doit retravailler l’ouvrage après sa rédaction.

Pour penser un texte inclusif en amont, la formatrice y va de quelques trucs pratiques. «Mon premier conseil, c’est d’écrire au “vous” et au “nous” au lieu d’à la troisième personne. Au lieu de dire : “la banque doit ceci, l’assuré doit cela”, on utilise la forme “vous devez ceci, nous devons cela”. Le “vous” est un pronom épicène, il n’y a pas de marque genrée. Ensuite, il faut faire attention à l’utilisation des participes passés qui devront s’accorder avec les adjectifs choisis qui trahissent le genre.»

Autre truc à développer : favoriser les verbes actifs au lieu de miser sur le résultat de l’action qui amène l’utilisation des participes passés. «Par exemple, au lieu de dire “le participant doit être inscrit”, formulez ainsi : “vous devez vous inscrire”. C’est naturel et dynamique. Personne ne soupçonnera l’écriture inclusive!»