Les mots que l’on utilise forgent notre système de pensée et révèlent notre perception du monde. Et ce monde évolue. Notre langue française également. Comment, en entreprise, ancrer un mode de communication qui accueille la diversité? En comprenant ses avantages et en se posant les bonnes questions.

Parce qu’elle en dit long sur notre vision du monde et sur notre rapport à la différence, notre manière de communiquer a un impact beaucoup plus important et profond que nous l’imaginons, parfois à notre insu en matérialisant nos biais inconscients. C’est ce que mettent de l’avant les défenseurs de pratiques qui reflètent l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI). Quoique cela semble une évidence, Chloé Freslon, fondatrice de URelles, une firme de consultation en diversité et inclusion au Québec, rappelle que «laisser plus de place au genre féminin et au genre non-binaire, c’est laisser plus de place aux gens en général. C’est être plus inclusif».

Les communications inclusives, principalement dans le choix des mots, ajoutent au défi des francophones, puisque la langue française s’est toujours appuyée sur le principe du masculin qui l’emporte sur le féminin afin d’alléger un texte. En outre, certaines organisations ont une mauvaise compréhension de la thématique de l’EDI en général, convaincues qu’en mettant en place la rédaction inclusive, elles transformeront leur culture. «L’écriture inclusive ne peut pas être le point de départ. Elle n’est qu’un outil», précise l’experte. Une démarche avisée s’impose.

Une réflexion nécessaire

Au départ, il y a de nombreuses questions à se poser. «Quelle est la forme de communication inclusive qui correspond à notre identité et à notre positionnement, comme organisation? Quelles images utiliserons-nous et est-ce qu’elles véhiculent des stéréotypes sur un certain nombre de personnes? Proposent-elles une large représentativité?», interroge Chloé Freslon.

Au-delà du choix des mots et des images, une vision EDI exige des communications accessibles universellement. Cela implique d’utiliser des polices d’écriture faciles à lire par tous, par exemple, en privilégiant des polices sans empattement, avec des lettres qui se détachent mieux et qui sont lisibles plus facilement. «On peut aussi se demander si nos communications offriront du matériel audio et vidéo, en pensant notamment aux personnes neurodivergentes qui consomment mieux un message sous cette forme.» Bref, des communications EDI dépassent, de loin, la simple utilisation de l’écriture inclusive. Toutefois, cette dernière semble être, dans les esprits, la plus complexe à apprivoiser.

Une utilisation adéquatement réfléchie de l’écriture inclusive peut favoriser un sentiment d’appartenance. «Toutefois, il arrive que certains procédés utilisés en écriture inclusive entrent en conflit avec les procédés de rédaction claire. Si on s’adresse à des personnes qui ne maîtrisent pas le français, je ne conseillerai pas les graphies tronquées, évidemment. L’écriture inclusive, certainement. Mais pas à n’importe quel prix. Cela ne doit pas nuire à la lisibilité, à la clarté et au processus de lecture», prévient Élisabeth Routhier, designer d’expérience juridique et formatrice pour En Clair, firme de design juridique et de simplification de contenus.

Que ce soit dans les communications à l’interne ou à l’externe, l’organisation a tout intérêt à s’aligner avec sa mission et à réfléchir à son objectif communicationnel. «Pour toute communication, on devrait revenir aux questions de base : à qui on s’adresse et pourquoi?», souligne la formatrice.

Un déploiement progressif

Comme pour tout changement, bien expliquer la stratégie de communication inclusive et offrir un soutien adéquat favorisent le succès de son déploiement. «Surtout, il faut être patient, se donner du temps. Je suggère une période de six mois, au moins, pour d’abord effectuer la progression à l’interne. Ça permet les essais et erreurs, ça permet d’être imparfait et de collaborer collectivement à trouver des formules qui nous conviennent», recommande Chloé Freslon. Aussi, un groupe de la rédaction inclusive pourrait être mis en place, notamment dans les organisations qui ont des comités de l’utilisation du français. «Et devant la résistance, on cherche à comprendre ce qui freine l’adhésion pour trouver des solutions adéquates.»

«Notre rapport à la langue est très émotif. Alors, c’est correct d’avancer à petits pas, plaide Élisabeth Routhier. C’est un piège de viser des communications inclusives du jour au lendemain dans une organisation.» Elle ajoute qu’il y a de petites habitudes faciles à mettre en place pour commencer : trouver quelques synonymes épicènes à partager pour les mots les plus fréquemment utilisés, «l’équipe» pour «les employés», par exemple. Aussi, c’est un bon départ d’ajuster les salutations dans les courriels. «Au lieu de “bonjour à tous”, on utilise “bonjour à toutes et à tous” ou “bonjour à toute l’équipe”.» Et puis, la pratique régulière permettra d’intégrer peu à peu les principes de communication inclusive.