Pour bon nombre d’entre nous, les entreprises œuvrant dans le domaine du luxe renvoient souvent l’image de l’opulence (cela va de soi!), mais aussi celle du conservatisme et de la tradition. Il suffit de jeter un œil aux logos de ces grandes marques pour s’en convaincre!

Vous avez sans doute déjà remarqué le « V », en lieu et place de la lettre U dans le nom de la marque Bulgari: simple rappel de la grandeur de l’empire romain et de son alphabet. La calligraphie cursive de la marque Cartier, tout comme la statuette d’inspiration classique « Spirit of Ecstasy » montée à la proue des Rolls-Royce, traduisent également ce même attachement au passé et à l’Histoire.


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On pourrait donc être porté à croire que ces entreprises sont à des lieues de promouvoir l’innovation en leurs murs, mais il n’en est rien. Et c’est justement ce mythe que Yves Hanania veut ébranler en parlant du mariage entre le luxe et l’art, dans son article « Les marques de luxe font appel à l’art pour booster leur marketing », publié sur le site Internet de Harvard Business France. En effet, l’auteur nous fait prendre conscience que loin de se cantonner dans leurs façons de faire ancestrales, ces entreprises du luxe « (…) investissent en nombre le champ artistique comme territoire stratégique d’expression » et redéfinissent la manière de se mettre en marché en s’appuyant sur l’art. Nous sommes maintenant, nous dit Yves Hanania, à l’ère de « l’art-keting ». Cette façon nouvelle de gérer la marque et les produits de cette dernière suppose donc un mix marketing (produit/prix/placement/promotion) repensé, dont voici les principales composantes :

  • L’apport de l’art à la conception et à la réalisation d’un produit, inspiré par une personnalité sportive ou artistique, par exemple, permet à l’entreprise de créer des pièces quasi uniques qui susciteront un attachement durable de la part de son heureux propriétaire. Ainsi en est-il, par exemple, de l’horloger Richard Mille, qui crée des montres époustouflantes, conjuguant technologie de grande précision et orfèvrerie. Vous êtes tenté par le modèle RM 056, inspiré par le pilote de Formule 1 Felipe Massa? Ce véritable bijou, doté d’un boîtier en saphir, n’a été produit qu’à cinq exemplaires, et sera à votre poignet moyennant 1,7 million de dollars.
  • Lier un produit de luxe au nom d’un artiste permet d’exiger un prix supérieur et de renforcer une fois de plus l’attachement du client au produit. Si le cœur vous en dit, et que votre portefeuille le permet, ce coffret Dom Pérignon conçu par l’artiste Jeff Koons est à vous pour la bagatelle de 15 000 €, soit tout près de 21 000 $ CAD;
  • Les grandes marques de luxe allient désormais, pour le placement de leurs produits, leurs emplacements physiques à l’art, comme c’est le cas avec la marque italienne Prada et ses « épicentres »,  ce nouveau concept de magasin conçu par les plus grands designers et à l’intérieur desquels on n’hésite pas à exposer des œuvres d’art. L’épicentre Prada de New York, situé dans les locaux du Guggenheim Museum Soho, est l’œuvre de l’architecte néerlandais Rem Koolhas;
  • En s’adjoignant un artiste de renom pour la promotion de leurs produits, les marques de luxe sont en mesure de susciter de l’intérêt auprès d’autres segments de clientèle qui seraient peut-être au départ rebutés par l’aspect élitiste de ces mêmes marques. Kenzo a ainsi remis entre les mains de l’artiste italien Maurizio Cattelan l’essentiel de sa campagne 2013, proposant ainsi à ses clients une image éclectique et avant-gardiste de sa marque et de ses vêtements.

Si l’art investit le luxe, il n’est par ailleurs pas surprenant de constater que le luxe investit également l’art. De fait, de plus en plus d’institutions muséales mettent sur pied des expositions consacrées notamment aux grands de la mode, comme le Musée des beaux arts de Montréal l’a fait au cours des dernières années avec des expositions sur Jean Paul Gaultier ou Yves Saint Laurent, par exemple. Comme si l’esthétisme ne connaissait plus de frontières!