Article publié dans l'édition Été 2021 de Gestion

Au plus fort du premier confinement, au printemps 2020, Marine Agogué, professeure agrégée au Département de management de HEC Montréal, s’est lancée dans un projet de recherche sur le télétravail en collaboration avec Hydro-Québec et l’entreprise Yapouni. Son objectif? Comprendre les stratégies qui permettent aux employés de rétablir leurs routines au travail afin de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie personnelle.

La professeure Agogué avait plusieurs visées en tête : «Nous voulions voir si les employés trouvaient légitime que leur gestionnaire intervienne dans la gestion de leur temps consacré à leur travail et à leur famille. De plus, nous voulions vérifier si les outils proposés avaient une incidence sur leur satisfaction au travail.»

Pour ce projet, l’entreprise montréalaise Yapouni (qui, avant la pandémie, concevait déjà des parcours et des outils pour créer des liens entre les familles hospitalisées et le personnel soignant) a utilisé son expertise pour faire face à la crise en élaborant une trousse d’outils destinée à établir un nouveau contrat social entre les gestionnaires, les équipes, les employés et leur entourage. Cette trousse comprend des routines que les gestionnaires peuvent choisir pour leur équipe.

«Dans les routines, il y a des “blocs de concentration”, c’est-à-dire des périodes lors desquelles les employés ne seront pas dérangés par les autres membres de leur équipe ni par courriel ni par téléphone, explique Marianne Burkic, fondatrice de Yapouni. Ces blocs permettent aussi aux gestionnaires de savoir que leurs employés s’investissent dans leurs tâches prioritaires.»

Les routines comprennent aussi des «blocs sociaux» qui donnent l’occasion aux employés de passer du temps avec leur entourage et avec leur famille sans se sentir coupables de ne pas prendre leurs courriels, par exemple. «Pour encourager les enfants à respecter les moments de concentration de leurs parents, nous avons conçu des outils éducatifs, dont une affiche pour signaler ces périodes de concentration et des jetons de récompense à échanger contre des activités à faire en famille pendant les blocs sociaux», ajoute Mme Burkic.

«L’idée a consisté à favoriser une modification des routines individuelles afin de modifier également les routines d’équipe, explique Mme Agogué. La pression sociale favorise le respect des routines.» Résultat? «L’utilisation de ces outils chez Hydro-Québec a permis d’accroître la satisfaction au travail et le sentiment de productivité des employés, indique la chercheuse. On s’est aussi rendu compte que les employés s’attendent à ce que leurs gestionnaires leur fournissent des outils simples et pratiques pour les aider à mieux concilier le travail et la famille.» La balle serait-elle maintenant dans le camp des organisations?