Omniprésente, la créativité est utilisée à toutes les sauces en milieu organisationnel, tant lorsqu’il est question de marketing, de gestion ou de productivité. Pourtant, même si on en parle beaucoup, elle fait aussi l’objet de nombreuses idées reçues qui se révèlent erronées.

Mais tout d’abord, qu’est-ce que la créativité et comment peut-on la définir? De l’avis de Simon Bourdeau, professeur au Département d’analytique, opérations et technologies de l’information de l’ESG UQAM, elle s’exprime différemment selon les individus, mais on peut la résumer comme la capacité de faire des liens, de générer des idées et de voir les choses différemment.

Laurent Simon, professeur titulaire au Département d’entrepreneuriat et innovation à HEC Montréal, la considère comme une exploration libre, mais orientée, qui vise à produire de la nouveauté. Un avis que partage Marine Agogué, professeure agrégée au Département de management de HEC Montréal, qui précise qu’il s’agit de l’aptitude à générer des idées neuves et différentes.

Pour sa part, Marc Fortin, associé, chef du produit chez LG2, une agence de création, de marketing et de communications, la voit comme la capacité à s’autoriser à explorer, à sortir de sa zone de confort et des sentiers battus. «C’est un état d’esprit, une façon d’aborder les questions sous un angle créatif, ce qui nécessite également de l’ouverture et de l’abandon», explique-t-il.

Pour le commun des mortels, il reste que la créativité vient avec son lot d’idées préconçues et de mythes. En voici quelques-uns à déboulonner d’urgence.

La créativité est innée

Bien sûr, certains sont plus créatifs que d’autres, mais Marine Agogué juge que la créativité est un muscle qu’il est possible de faire travailler. Même son de cloche chez Laurent Simon, qui la compare à une gymnastique. «La créativité peut s’entraîner. Cette capacité est démocratique, même si on cultive le mythe du génie créatif solitaire!», soutient-il. D’ailleurs, la créativité est accessible à tout un chacun, selon Simon Bourdeau. «Certains ont des prédispositions, mais cela s’acquiert et s’entretient. On peut tous être créatif du moment que l’on dispose des outils nécessaires. C’est aussi une question de curiosité, on prend un pas de recul et on se donne de l’espace», mentionne-t-il.

Marc Fortin estime quant à lui qu’il est possible de mettre en place des méthodes et diverses pratiques, des ateliers par exemple, pour aider à la développer. «On doit avant tout être à l’aise avec l’inconnu et ne pas répéter les mêmes modèles. Cela s’apprend», assure-t-il.

Créativité et innovation, c’est la même chose

Même si ces deux termes sont souvent utilisés indifféremment, leur signification n’est pas la même. «L’innovation, c’est la traduction des idées nouvelles sous un angle pratique, l’apport d’une solution nouvelle et utile à un usager. Il y a donc une traduction des idées – la créativité – en innovation, par le biais de la matérialisation – schémas, prototypes, etc. –, puis de validation des logiques d’usage», explique Laurent Simon.

«Il y a forcément un travail de percolation, d’atterrissage entre les deux, car on peut être créatif sans nécessairement être innovant. L’innovation c’est un produit qui trouve son marché, l’impact concret de celle-ci sur le terrain», ajoute Marine Agogué.

La créativité, c’est bon pour les artistes, mais pas pour les affaires

Faux! Car la créativité se retrouve dans tous les domaines, y compris dans la gestion. «Elle s’applique plus que jamais au monde des affaires. Pour demeurer concurrentielles, les entreprises se doivent d’explorer, en R&D par exemple, mais pas seulement», soutient Simon Bourdeau, rappelant que certaines organisations n’hésitent pas à investir temps et ressources dans la créativité. «Chez Google par exemple, les employés disposent d’un-e journée par semaine pour travailler à un projet», souligne-t-il.

«Sans créativité, on peut non seulement être dépassé par la compétition, mais aussi être incapable de distinguer quels sont les nouveaux enjeux, en matière de RSE par exemple», indique Laurent Simon, précisant toutefois que la créativité devrait déboucher sur des innovations. «À cet égard, Kodak illustre bien ce principe. Bien qu'ils aient été l’un des premiers à déposer des demandes de brevet en imagerie numérique, ce qui aurait pu faire d’eux un leader dans ce domaine, cela n’a pas débouché sur du concret. Ils ont été créatifs, mais pas innovants et ils ont manqué le train», résume-t-il.

La créativité pour les gestionnaires, mais pas pour les employés

Puisqu’il s’agit d’une compétence que tous peuvent développer, la créativité n’est pas uniquement l’apanage des gestionnaires. «Cependant, cela dépend beaucoup de la culture d’entreprise. De plus, certaines organisations peuvent préférer que leurs employés ne fassent pas preuve de créativité», remarque Marine Agogué. À cet égard, elle mentionne les industries où l’on n’a pas le droit à l’erreur pour des raisons de sécurité, par exemple.