Article publié dans l'édition Printemps 2010 de Gestion

Les nouvelles formes d’organisation du travail reçoivent une plus grande attention de la part des entreprises. Afin d’être plus compétitives sur un marché où la concurrence et l’innovation évoluent à un rythme accéléré, les entreprises investissent entre autres dans la flexibilité du travail, laquelle est rendue possible par différentes formes de télétravail.

Ainsi, les employeurs qui ont une sensibilité accrue au développement durable, à l’amélioration du bien-être des employés et à l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée de ces derniers se tournent vers l’intégration du télétravail dans leur organisation. Toutefois, le télétravail sera un vecteur d’autonomie de l’employé, d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée ou d’augmentation de la compétitivité de l’entreprise seulement s’il est implanté d’une façon réfléchie, rigoureuse et contrôlée.

Afin d’optimiser les effets bénéfiques de cette innovation aussi bien pour l’employeur que pour l’employé, ce projet de flexibilité du travail doit s’intégrer avant tout dans la structure et la culture de l’entreprise. De fait, le télétravail constitue un défi réel pour la gestion des ressources humaines, notamment. L’exercice d’une activité professionnelle ailleurs que dans les locaux de l’entreprise provoque une rupture dans la perception du temps et de l’espace de travail. Ce défi concerne les gestionnaires, les responsables des ressources humaines, les télétravailleurs et même leurs familles.


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En effet, la différence temporelle et spatiale entre vie privée et vie professionnelle devient plus floue, puisque l’une et l’autre s’entremêlent. L’enjeu pour la gestion des ressources humaines est de diriger des collaborateurs à distance et de les faire participer à la communication formelle et informelle afin de garantir une cohésion des équipes et l’engagement du télétravailleur dans le quotidien de l’entreprise (Taskin, 2006).

Afin d’étudier les pièges et les réticences mais également les espoirs que comporte l’instauration du télétravail, une équipe de recherche belge a collaboré avec des organisations afin de tester un plan de mise en œuvre du télétravail. Celles-ci ont mis sur pied un projet pilote, les personnes en cause ont reçu une formation lors de l’établissement du projet et ont été suivies dans leur réflexion sur l’introduction du télétravail (voir l’encadré 1). Cet article relate le fruit de cette collaboration.

Bien que le télétravail désigne l’exécution d’une activité professionnelle à distance grâce aux technologies de l’information et de la communication, c’est-à-dire à l’extérieur de l’endroit où le résultat de ce travail est attendu et en dehors de toute possibilité physique pour le donneur d’ordres de surveiller l’exécution de la prestation (Taskin, 2007; Walrave et Dens, 2003), et qu’il prenne des formes très variées1, les employeurs engagés dans le projet pilote ont choisi prioritairement le télétravail à domicile en alternance avec le travail sur les lieux de l’entreprise.

Les cinq phases de l’introduction du télétravail

La mise en place du télétravail à domicile dépend de nombreux facteurs, comme les fonctions et les activités de l’organisation, la personnalité et les compétences des membres du personnel, le style de leadership, le système d’évaluation (selon des objectifs préétablis ou non) ou les procédures de communication3. Il faut savoir que les barrières qui entravent l’introduction du télétravail ne concernent pas tant la technologie que la culture de l’organisation de même que le style et les méthodes de gestion.

Du coup, l’introduction du télétravail exige souvent des modifications de l’organisation en ce qui a trait à la communication interne, à la concertation et, surtout, aux méthodes de gestion et de coaching des télétravailleurs et même du personnel en général.

L’implantation du télétravail dans une organisation étant toujours une opération sur mesure, nous pouvons néanmoins relever les principales phases et les aspects plus problématiques de ce processus. Le tableau 1 résume les phases d’implantation qui ont été testées par les organisations participant au projet. Les prochaines parties de cet article présentent chacune de ces phases sur la base de la documentation sur le sujet et les illustrent par des exemples d’initiatives venant des entreprises engagées dans ce projet pilote.

Phase 1 : La réflexion et la concertation

Cette première phase de réflexion et de concertation est essentielle afin de clarifier les attentes, les espoirs et les appréhensions des parties concernées par le télétravail. Dans la majorité des entreprises participantes, les demandes de télétravail étaient exprimées par des membres du personnel qui voulaient diminuer les déplacements et mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie personnelle.

La constitution d’une équipe de projet multidisciplinaire

Dans le cadre de notre projet, les responsables des ressources humaines devaient former une équipe de projet multidisciplinaire dont les membres suivraient une formation sur le télétravail et prendraient l’initiative de lancer un projet pilote. Dans les organisations étudiées, cette équipe de projet était souvent composée de responsables du service des ressources humaines, du service de l’informatique, du service juridique et, dans certains cas, d’autres services dont l’expertise était jugée indispensable.

Par exemple, le service de l’aménagement peut être sollicité lorsque le projet de télétravail accompagne une restructuration de l’architecture des bureaux. Ensuite, l’équipe a été complétée par des syndicalistes et des représentants des employés dont le rôle était de veiller au respect des droits des salariés.

Une discussion sur les avantages et les inconvénients

Les parties concernées devaient discuter des multiples aspects du télétravail. En outre, il fallait une conversation franche et approfondie sur les problèmes qu’ils souhaitaient résoudre grâce au télétravail et sur la finalité visée. De tels échanges sont importants puisqu’ils peuvent mettre en exergue certaines difficultés, comme un manque de matériel ou de compétences qu’il est nécessaire de combler avant le démarrage du projet.

Le tableau 2 énumère quelques-unes des motivations qui poussent employeurs et collaborateurs à envisager le télétravail4. Les avantages et les inconvénients doivent être formulés clairement par les membres de l’équipe responsable de la préparation du projet pilote. Il faut également que des solutions soient proposées afin que certains inconvénients n’hypothèquent pas la réussite du projet.

En général, le coordonnateur de l’équipe de projet est un professionnel du service des ressources humaines. Celui-ci doit d’abord dégager les raisons de recourir au télétravail pour vérifier les points de convergence entre les aspirations du personnel et celles de l’employeur.

À ce stade, il est indispensable d’obtenir le soutien explicite des parties concernées, soit les gestionnaires, les travailleurs et les représentants syndicaux. L’objectif est de s’informer précisément de leur vision du télétravail et de leurs réticences éventuelles. Cette discussion donnera lieu à une note d’intention qui contiendra des recommandations à propos du télétravail.

Concrètement, l’équipe devra apporter des réponses aux questions suivantes : comment l’une ou l’autre forme de télétravail peut-elle résoudre certains problèmes et/ou permettre d’atteindre certains objectifs? Quels facteurs faut-il mettre en place afin que l’expérience de télétravail soit efficace et durable? Quels services de l’entreprise pourraient participer au projet pilote? Quels critères permettront de sélectionner les télétravailleurs? À cette étape, il faut également préciser les initiatives (formations, outils technologiques, etc.) et le budget nécessaire afin de soutenir les équipes concernées.

Une étude des quatre facteurs de succès du télétravail

Au cours de cette phase de réflexion et de concertation, il importe d’être conscient des quatre facteurs de succès du télétravail pour l’employeur, les employés et leurs proches5 : les caractéristiques des fonctions ou des postes visés par le télétravail, les caractéristiques personnelles des télétravailleurs, les caractéristiques des organisations et les caractéristiques des familles des télétravailleurs.

Ces facteurs clés ne doivent pas seulement faire l’objet d’échanges approfondis entre les membres de l’équipe responsable du projet; ils doivent aussi rester des priorités pendant la préparation du projet et la mise en œuvre du télétravail dans l’entreprise. Dans le cadre de notre étude, ces facteurs clés ont fait l’objet de sessions de formation offertes aux gestionnaires et aux collaborateurs engagés dans le projet de télétravail. Ils ont également fait l’objet de nos entrevues avec les intervenants. Nous présentons ci-dessous chacune de ces conditions de succès en les commentant au moyen d’éléments colligés lors de notre étude.

Les caractéristiques des fonctions ou des postes de travail. De nombreux responsables des ressources humaines ont exprimé leurs craintes quant à la détermination des fonctions pouvant être admissibles au télétravail à domicile. Étant donné que la majorité des fonctions dans les organisations participantes dépendent d’un matériel spécifique, d’informations ou de machines concentrées dans les locaux de l’entreprise, il fallait élaborer des critères aussi objectifs que possible afin de pouvoir expliquer clairement la décision d’inclure ou non une fonction spécifique dans le projet pilote.

En vue de diminuer les risques de frictions entre les candidats télétravailleurs acceptés et refusés, des critères d’admissibilité ont été retenus. Tout d’abord, on s’est demandé si l’employé avait la possibilité de recourir à des sources numérisées pour exécuter ses tâches sans occasionner de problèmes à d’autres collaborateurs – par exemple, le fait qu’un employé apporte à son domicile des documents papier indispensables à certains de ses collègues.

De plus, des entreprises ont dû prendre des mesures de sécurité technologiques et organisationnelles supplémentaires afin de protéger des données sensibles, comme des données personnelles de clients. L’accès sécurisé à des sources électroniques d’information essentielles afin d’accomplir certaines tâches influe sur la possibilité de communiquer de façon électronique à distance avec des collègues, des gestionnaires et des partenaires externes durant les journées dédiées au télétravail à domicile.

Des fonctions nécessitant de fréquentes interactions en face à face avec des collègues ou des personnes de l’extérieur se prêtent moins au télétravail. Malgré des critères liés à la possibilité de déspatialiser certaines tâches, la plupart des responsables des ressources humaines participant à la formation au télétravail se limitaient à choisir des fonctions d’encadrement jouissant déjà d’une certaine flexibilité. L’exercice a donc été fait avec ces responsables afin de disséquer certaines fonctions administratives ou autres fonctions de soutien, de constater avec eux l’opportunité de regrouper certaines tâches ou activités pouvant être effectuées au domicile du télétravailleur.

Notons que toutes les entreprises étudiées ont opté pour le télétravail à domicile en alternance avec le travail sur les lieux de l’entreprise afin de garantir les possibilités de réunions et de formations et de sauvegarder la cohésion des équipes de travail. Une fréquence maximale de un ou deux jours par semaine s’est avérée la règle la plus couramment adoptée par ces organisations.

Les caractéristiques personnelles des télétravailleurs. Bien que certaines fonctions se prêtent bien au travail à distance, des traits de caractère et des compétences spécifiques sont exigés du télétravailleur. Comprendre la personnalité d’un candidat télétravailleur et évaluer certaines compétences s’avère donc crucial pour la réussite du projet de télétravail.

Différents auteurs ont dégagé des traits de caractère ainsi que des compétences importantes6. Le télétravailleur à domicile doit, par exemple, avoir un certain degré d’autonomie. Il doit savoir résoudre des problèmes et relever des défis sans devoir consulter constamment d’autres collègues ou supérieurs. Cela implique certaines compétences de même qu’un talent dans l’organisation du temps, la planification de différentes tâches et la capacité de jongler entre ses rôles comme employé et comme parent et/ou partenaire dans l’espace privé. Une discipline importante s’avère nécessaire pour créer des séparations physiques, temporelles et mentales entre les tâches professionnelles et les activités privées. De plus, le télétravailleur doit être en mesure d’entretenir une communication électronique très claire et de rendre compte de certains pro- grès ou problèmes.

Les entreprises participant au projet ont aussi exigé que les candidats au télétravail soient au service de l’organisation depuis au moins six mois à un an afin que leurs superviseurs puissent être en mesure de juger leurs performances et leurs compétences. Par ailleurs, avec ce minimum d’ancienneté, on fait en sorte qu’un candidat au télétravail ait eu la possibilité d’être «socialisé» dans l’organisation et d’y établir un réseau professionnel.

Les caractéristiques des organisations. L’organisation doit pouvoir, au besoin, adapter ses modes de gestion pour changer la culture organisationnelle, et plus particulièrement améliorer le climat de confiance et l’efficacité de la communication interne. Pour ce faire, le soutien et l’engagement explicites et concrets de la direction s’avèrent indispensables. Les gestionnaires directs, qui sont responsables de leurs équipes, doivent comprendre les enjeux et être outillés pour relever les défis, comme celui d’établir de nouvelles formes d’encadre- ment et d’évaluation.

En outre, le contrôle visuel doit faire place à une relation de gestion basée sur l’évaluation des objectifs ou des résultats, alors que s’imposent encore souvent les convictions traditionnelles de contrôle (Johnson, 2004). De même, le supérieur du télétravailleur doit lui offrir une rétroaction très précise et garder le contact avec lui de manière à réduire le risque d’isolement chez ce dernier.

Dans le cadre du projet réalisé, les gestionnaires devaient recevoir une formation sur la gestion par objectifs, afin d’évoluer vers une méthode fondée sur la confiance et l’atteinte de résultats, et ce, à l’égard aussi bien des télétravailleurs que de leurs collègues non-télétravailleurs. Une des entreprises participantes a tenté d’imposer aux télétravailleurs la tenue d’un rapport d’activités, ce qui a été perçu comme un manque de confiance et comme un traitement différent à leur endroit.

C’est pourquoi on a élaboré une charte ou une politique de télétravail, plus générale, qui clarifiait les droits et les devoirs des parties concernées, indiquait les modalités d’accessibilité du télétravailleur pendant certaines heures, la fréquence du télétravail et les conditions de changement de cette fréquence ou d’abandon du projet décidé par le télétravailleur ou le gestionnaire ainsi que les différentes initiatives de soutien, comme les formations et un centre d’assistance.

Les caractéristiques des familles des télétravailleurs. Diverses conditions doivent être remplies au domicile du télétravailleur. Ainsi, il faut à ce dernier un espace dédié au travail, respectant des règles de sécurité et d’ergonomie, de même qu’un soutien actif de son entourage dans cette nouvelle situation. Par exemple, les membres de sa famille doivent non seulement comprendre les avantages et les inconvénients de cette nouvelle situation, mais apporter leur appui afin que le télétravailleur puisse combiner différents rôles dans un même espace.

Le soutien familial est lié positivement à la qualité de vie perçue et à la satisfaction de l’employé en ce qui concerne son expérience de travail à domicile (Haines et al., 2002). D’autres chercheurs ont observé que les télétravailleurs à domicile étaient souvent interrompus par les membres de leur famille (Igbaria et Guimaraes, 1999) ou que des mères qui travaillent à domicile font face à des contradictions entre leur rôle d’employée et celui de mère (Hilbrecht et al., 2008).

Pour cette raison, les membres de la famille doivent être informés sur les possibilités et les limites durant le ou les jours de télétravail; de plus, il faut que des règles claires soient instituées en ce qui a trait au respect du temps et de l’espace de travail au domicile. L’établissement d’accords concernant la séparation du travail et des activités privées doit néanmoins se faire selon le caractère du télétravailleur.

En effet, certains télétravailleurs intègrent facilement le travail dans leur domicile et savent composer avec différents rôles. D’autres ont besoin de barrières physiques ou temporelles (Nippert-Eng, 1996). En outre, une séparation nette entre le travail et la vie de famille peut avoir des conséquences imprévues. Lautsch et al. (2009), par exemple, ont constaté, dans des situations où les gestionnaires préconisaient à leurs collaborateurs travaillant à domicile une séparation marquée entre le travail et la vie de famille, une diminution des conflits entre la vie familiale et la vie professionnelle.

Par contre, cette séparation avait également un effet négatif sur l’aide que les télétravailleurs apportaient à leurs collègues à l’occasion de crises internes ou après les heures traditionnelles de bureau. Cela pouvait entraîner davantage de conflits travail-famille ou une augmentation de la charge de travail pour les non-télétravailleurs.

Phase 2 : La définition des objectifs et l’établissement d’une équipe de projet

Après avoir analysé les avantages et les inconvénients du télétravail de même que ses facteurs de succès, les équipes de projet au sein des organisations étudiées doivent s’assurer que la direction de l’entreprise appuie fermement le projet.

La clarification des objectifs du projet pilote

Forte de cet appui de la direction, l’équipe de projet doit entamer la rédaction d’un plan de mise en œuvre. Ce plan décrit le type de télétravail à implanter, les objectifs poursuivis, les moyens nécessaires, les services concernés et les critères d’admissibilité des candidats télétravailleurs, la durée du projet, les périodes et les méthodes d’évaluation.

Il est essentiel de définir précisément les objectifs, de les rendre mesurables et de convenir d’une méthodologie afin d’observer les effets du télétravail. Les besoins à combler en vue de mener à bien le projet doivent être déterminés, les services et les personnes responsables des différentes tâches doivent être choisis. Il sera indispensable de se réserver les moyens nécessaires (financiers, techniques et de personnel) et d’établir un calendrier précis des différentes phases de préparation, d’introduction et d’évaluation du projet pilote.

La nomination d’un responsable ou d’un coordonnateur de l’équipe de projet

Un responsable ou un coordonnateur doit être nommé à la tête d’une équipe de projet multidisciplinaire. Cette équipe, d’une ampleur variable, est constituée idéalement de responsables des ressources humaines et de représentants du personnel, de techniciens, de juristes et de responsables de la communication. La rédaction du plan, l’analyse des coûts et des bénéfices de même que la mise en œuvre du télétravail doivent être coordonnées par le responsable du projet, qui en est le porte-parole. Ce dernier doit disposer du temps nécessaire pour préparer minutieusement l’opération et pour recueillir des informations sur l’expérience que possèdent d’autres organisations en matière de télétravail.

Le choix des services et des employés pour le projet pilote

L’introduction du télétravail peut se faire graduellement. Ainsi, les organisations participant à notre recherche ont d’abord lancé un projet pilote dans un ou plusieurs services afin de tester les possibilités et les limites du télétravail et de vérifier si les objectifs fixés étaient réalisables. Un autre avantage d’un projet pilote est qu’il permet de faire marche arrière plus facilement.

Quoi qu’il en soit, à cause des efforts d’adaptation que le projet requiert de la part des collaborateurs de l’entreprise, il est préférable de prévoir une période d’essai d’au moins six mois. Si, à la fin de cette période, le télétravail répond aux attentes, on pourra alors envisager de l’introduire à plus long terme et de façon plus étendue.

Afin de sélectionner les services et les employés qui participeront au projet pilote, les organisations étudiées ont adopté deux approches. Selon la première approche, certaines équipes de projet ont pris contact avec des responsables de services, les invitant à prendre connaissance des conditions du projet pilote et à indiquer dans quelles fonctions le télétravail en alternance pourrait être envisagé et quelles personnes pourraient être approchées pour faire partie du groupe test.

Cette méthode donne plus d’autonomie aux chefs de services et aux superviseurs quant à la sélection de personnes qui feront partie de leur équipe. Selon la seconde approche, un plus grand pouvoir de décision est accordé à l’équipe de pro- jet et un moins grand pouvoir au superviseur immédiat qui peut bloquer l’initiative. Ainsi, les candidats télétravailleurs pouvaient exprimer, par le biais d’un questionnaire en ligne, leur motivation face au projet, les raisons pour lesquelles ils pourraient bénéficier de cette forme de flexibilité, les fins qu’ils poursuivraient et la manière dont ils géreraient les éventuels inconvénients.

Des questions étaient également posées sur certaines compétences qu’ils possédaient et sur la possibilité matérielle de travailler partiellement à leur domicile. Cette approche de sélection des candidats accorde plus d’autonomie à l’équipe de projet dans le choix des candidatures, qui doit aussi tenir compte des raisons majeures que le supérieur immédiat du candidat serait susceptible de donner pour s’opposer à sa participation au télétravail.

Peu importe le mode de sélection retenu, les critères d’admissibilité au télétravail doivent être clairement établis et communiqués. Les candidats qui ont essuyé un refus doivent pouvoir comprendre quels aspects exactement ont influé sur cette décision. En effet, si les non-télétravailleurs perçoivent leurs collègues télétravailleurs comme faisant partie d’une «classe» d’employés qui jouissent de privilèges sans que des critères objectifs aient été pris en considération dans leur sélection, la collaboration entre eux sera compromise.

L’établissement d’une charte ou d’une politique sur le télétravail

Les représentants syndicaux sont préoccupés non seulement par les critères de sélection des télétravailleurs, mais également par l’application de l’équité dans l’évaluation des travailleurs, indépendamment du lieu où ils effectuent leur travail. En Belgique, on observe que les pourparlers entre les syndicats et les employeurs concernant les droits et les obligations des télétravailleurs ont été simplifiés depuis la transposition de l’accord-cadre européen sur le télétravail en 2002 dans la Convention collective de travail concernant le télétravail (2005).

Cette convention est perçue, aussi bien par les gestionnaires que par les télétravailleurs qui ont participé à notre projet, comme un cadre clair permettant d’établir une charte sur le télétravail tenant compte des droits et des devoirs des télétravailleurs, de leur gestionnaire et de leur employeur. Cette charte ou cette politique, qui peut être annexée au contrat des employés télétravailleurs, est de nature à inclure plusieurs aspects qui sont listés dans le tableau 3.

La définition des rôles et des responsabilités des services concernés

Dans le cadre du plan de mise en œuvre du télétravail, chaque service représenté dans l’équipe de projet sera responsable de tâches particulières qu’il accomplira à l’interne ou confiera à des tiers (tableau 4). Dans certains cas, ces initiatives nécessiteront de la part de certains gestionnaires et collaborateurs un changement réel de mentalité et l’acquisition de compétences particulières.

Le rôle du service des ressources humaines se concentrera sur l’encadrement des divers protagonistes au moyen de formations et de la préparation de brochures d’information et de sensibilisation en vue de réduire les effets négatifs du télétravail et de trouver un équilibre dans la répartition des avantages entre l’employé et son employeur. Afin de suivre l’évolution du projet pilote, il est conseillé d’élaborer des instruments capables de mesurer les critères primordiaux, comme la productivité, la motivation, la communication interne ou l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle.

Le rôle du service de l’informatique est primordial. Ce service peut mettre au point des outils technologiques visant à faciliter la collaboration à distance et à appliquer l’équité entre les télétravailleurs et les non-télétravailleurs. Il doit également être à l’écoute des parties concernées et traduire la nécessité de la collaboration et de la communication à distance par des outils fiables et faciles d’utilisation.

Par exemple, l’utilisation de systèmes de gestion électronique de processus (workflow management systems) et l’intégration d’instruments de communication et de gestion de documents peuvent faciliter la collaboration, indépendamment du lieu où les membres de l’équipe se trouvent. De plus, les différentes étapes dans un projet et la division équitable des tâches peuvent être observées (Limburg et Jackson, 2007).

La charte ou la politique sur le télétravail sera élaborée en concertation avec le service juridique. De plus, il importe de clarifier les conditions d’utilisation des technologies mises à la disposition des télétravailleurs par l’employeur.

Phase 3 : La préparation du projet pilote

Au cours de cette phase, il s’agira de mettre au point les responsabilités des différents services de l’entreprise et de sélectionner les services et les collaborateurs qui participeront à l’opération. En fonction des motivations qui fondent l’introduction du télétravail, l’équipe de projet multidisciplinaire définira les objectifs de même que les tâches respectives qui permettront d’atteindre ceux-ci.

Une enquête ou un sondage mené auprès du personnel

Avant de passer à l’implantation du télétravail, il est préférable de s’enquérir des attentes, des opinions et des appréhensions des télétravailleurs potentiels. Il est conseillé de ne pas limiter cette enquête aux télétravailleurs qui ont été approchés pour prendre part au projet, mais de s’adresser aussi à leurs collègues de travail et à leurs supérieurs.

Au sein des organisations étudiées, les thèmes récurrents des enquêtes ou des sondages effectués auprès de leur personnel étaient les nouvelles méthodes de supervision et de contrôle du travailleur à distance, l’accessibilité des télétravailleurs, leur participation aux activités (formelles et informelles) de leur équipe et les méthodes d’évaluation du travail accompli. Le tableau 5 énumère les sujets qui peuvent faire l’objet de cette enquête ou de ce sondage. Un tel outil peut s’appuyer sur des entrevues ou encore sur un questionnaire à remplir sur l’intranet, par exemple.


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Ces consultations permettent de recueillir des informations précieuses sur les doutes ou les craintes d’employés et de leurs gestionnaires. Ainsi, l’équipe de projet peut déterminer si les attentes des télétravailleurs potentiels sont réalistes et si elles s’insèrent dans les objectifs du projet pilote. L’information permet également de relever des aspects sensibles sur le plan culturel et sur celui des valeurs.

Par exemple, on peut découvrir l’existence de préjugés contre lesquels il faudra lutter en menant une action de communication appropriée dans les médias internes. On peut aussi prêter attention aux collègues et aux supérieurs des télétravailleurs qui ont des attentes particulières et peut-être des préjugés à l’égard du télétravail. Ainsi, les supérieurs peuvent sonder l’accessibilité et la disponibilité des télétravailleurs.

 Pendant la période de rodage, il peut s’avérer utile d’effectuer un nouveau sondage auprès du personnel sur certains points qu’on estime importants afin de vérifier si des progrès sont enregistrés par rapport aux objectifs finaux. Si des éléments négatifs apparaissent, l’équipe de projet peut mener une enquête plus approfondie pour apporter les corrections nécessaires.

La sélection des participants au projet pilote

L’équipe de projet a la charge de sélectionner les collaborateurs qui prendront part au projet pilote. Ces derniers doivent satisfaire à un certain nombre de critères préétablis qui ont été acceptés par les parties concernées. En plus de tenir compte de la nature du poste et de l’emploi du candidat télétravailleur, il faut considérer la présence de certaines caractéristiques personnelles et comportementales (comme l’autonomie et la discipline). Il faut aussi envisager l’éventualité d’offrir des formations afin de contribuer à développer ou à améliorer certaines compétences.

Les entreprises participant à l’enquête ont indiqué que les critères suivants sont importants. Ainsi, la fonction, et plus particulièrement certaines tâches, doit être exécutée à distance avec une grande indépendance, sans nécessiter une supervision ou une assistance intensive. La fonction consiste à exercer des activités ayant un rendement concret et mesurable. Le télétravailleur a accès, notamment par voie électronique, aux sources nécessaires afin de mener à bien sa mission.

De plus, il doit posséder des caractéristiques qui facilitent le télétravail, c’est-à-dire une certaine autodiscipline, une habileté à agir de façon proactive et à résoudre des problèmes par lui-même, à faire une distinction claire entre le temps consacré aux activités professionnelles et le temps consacré à la vie privée et familiale.

La communication auprès du personnel

L’équipe de projet doit présenter clairement les critères objectifs qui auront conduit à sélectionner des services et des personnes. Sa communication doit être transparente de manière à prévenir les spéculations et les rumeurs. Elle justifiera les autorisations et les refus, ce qui évitera les tensions.

Pendant la communication qui accompagnera le démarrage du projet, il sera judicieux d’insister sur les solutions qui visent à atténuer les effets négatifs potentiels du télétravail. Ces explications permettront de limiter les réticences tout en précisant les objectifs que le projet cherche à atteindre.

Par ailleurs, il est important que l’entreprise fournisse de l’information à l’ensemble du personnel au sujet des non- télétravailleurs. En effet, le fait que les télétravailleurs ne soient pas présents dans les locaux de l’entreprise peut être associé à une absence de travail. À cause de cela, les télétravailleurs risqueraient de se sentir rejetés par leurs collègues (Taskin, 2007).

Des incertitudes concernant les effets du télétravail sur la charge de travail des non-télétravailleurs peuvent ruiner l’esprit d’équipe et compromettre la collaboration entre ses membres. Il faut envoyer des signaux clairs à propos de l’accessibilité des télétravailleurs, des critères d’évaluation et des mesures prises afin d’empêcher la discrimination à l’endroit aussi bien des télétravailleurs que des non-télétravailleurs.

D’une part, on doit prévenir une situation dans laquelle les non-télétravailleurs ne reçoivent pas assez de soutien de la part des télétravailleurs, ce qui entraîne une charge de travail plus importante pour les employés travaillant dans les locaux de l’entreprise, car ils sont plus accessibles pour accomplir des tâches de dernière minute ou résoudre des situations de crise.

D’autre part, les télétravailleurs peuvent être traités d’une façon non équitable lorsque leur gestionnaire direct scrute leurs faits et gestes en multipliant les courriels et les appels téléphoniques. Ces diverses situations peuvent créer des tensions entre les membres d’une équipe constituée de télétravailleurs et de non-télétravailleurs, mais aussi dans les familles. Pour cette raison, la répartition des tâches entre les membres de l’équipe et leur accessibilité en cas de crise ou de demandes urgentes doivent être clarifiées (Lautsch et al., 2009).

Phase 4 : Le lancement du projet pilote

La tenue d’une réunion de démarrage constitue une bonne formule pour présenter aux futurs télétravailleurs et à leurs supérieurs les étapes du projet, les moyens qui seront mis en œuvre, les mesures de soutien ainsi que les instruments d’évaluation du projet. Cette réunion, qui devra enthousiasmer les participants au projet, leur signalera leurs droits et leurs obligations de même que les pièges à éviter.

Pour obtenir plus d’informations, les participants pourront se référer à une section de l’intranet dédiée au projet pilote, qui regroupera les renseignements pratiques et donnera à ces derniers la possibilité de mettre l’équipe de projet au courant de l’évolution du projet et de problèmes à résoudre. Une «boîte à outils» sur le télétravail comprendra des conseils sur l’ergonomie du bureau et les mesures de sécurité, des astuces concernant la gestion du temps, la communication électronique ainsi que l’équilibre entre les tâches professionnelles et les activités personnelles. On y trouvera enfin les devoirs et les droits des télétravailleurs résumés dans la charte sur le télétravail.

Au moment du lancement officiel du projet pilote, des témoins pourront parler de leur expérience. Il s’agira, par exemple, d’individus qui, dans une fonction précédente ou une autre division de l’entreprise, ont déjà fait du télétravail. Ils pourront s’exprimer sur leur vision initiale du télétravail, leurs attentes, les occasions que le télétravail a créées pour eux et les difficultés qu’ils ont dû résoudre. Ainsi, une entreprise a instauré un système de parrainage : des télétravailleurs chevronnés d’une autre division ont accompagné des néophytes afin de leurs donner des conseils pratiques pour déjouer les pièges du travail à domicile.

Toutefois, la communication ne s’arrête pas à cette réunion de lancement. Certains télétravailleurs, leurs collègues et leurs supérieurs se poseront sûrement des questions tout au long du projet. C’est ainsi qu’il faudra prévoir un point de contact (en ligne) central qui saura répondre aux questions et remédier aux problèmes susceptibles de se présenter.

Offrir une assistance en ligne ou téléphonique aux télétravailleurs et à leurs superviseurs

Pour soutenir les télétravailleurs et les gestionnaires tout au long du projet pilote, un centre d’assistance en ligne ou téléphonique s’avère indispensable. Malheureusement, un tel centre se borne souvent à régler des problèmes techniques. Il est important de désigner aussi une personne de confiance à qui les faits positifs et négatifs entourant le projet pourront être signalés.

Dans cet esprit, une organisation participante offre un centre d’assistance en ligne et téléphonique pour des questions et des problèmes liés à la gestion du télétravail. Les spécialistes du service des ressources humaines ont alors la possibilité de conseiller les télétravailleurs et les gestionnaires et d’être mis au courant de problèmes à résoudre.

Des initiatives visant À prévenir l’isolement social des télétravailleurs

Pendant le projet pilote, il est nécessaire de prendre des initiatives afin de prévenir l’isolement social des télétravailleurs. Plusieurs études ont indiqué que cet isolement est un des effets négatifs qui sont le plus souvent rapportés et redoutés par les télétravailleurs7. Il y a divers motifs à cette crainte. Tout d’abord, les conversations en face à face sont perçues comme étant indispensables afin d’être accepté comme un membre à part entière d’une équipe.

De plus, il est possible d’aborder plus franchement les sujets délicats et les décisions ardues dans les contacts directs que par voie électronique où des malentendus peuvent naître facilement. Les télétravailleurs craignent aussi que l’information soit partagée de façon informelle dans l’entreprise. Ils pensent également que les promotions sont accordées aux personnes qui sont visibles et qui ont établi un réseau important. C’est pourquoi ils doivent s’assurer que le fruit de leur travail est visible et désirent participer à des réunions formelles et informelles afin de créer des liens sociaux.

Étant donné que les gestionnaires appréhendent eux aussi ce risque d’isolement, la fréquence de télétravail est souvent réduite à un ou deux jours par semaine. Certaines organisations étudiées ont instauré des pauses-café «virtuelles» où les télétravailleurs et les collègues peuvent avoir des échanges informels. D’autres organisations ont fixé les réunions et les formations pour des jours précis où la présence des télétravailleurs et de leurs collègues est requise. Ces initiatives sont autant d’occasions de discuter des progrès à accomplir et de consolider les relations personnelles.

Phase 5 : l’évaluation du projet de télétravail

Au moment du lancement du projet pilote, il faut également préciser comment seront recueillies les réactions des télétravailleurs. Tout au long du projet, des sondages périodiques en ligne, des entretiens au sujet du fonctionnement ou d’autres types d’évaluation seront planifiés. On affinera ainsi le diagnostic en temps utile pour éviter que des problèmes de communication interne ou que des manquements techniques ne ralentissent ou ne mettent à mal le projet.

Des entretiens sur Les raisons de L’abandon du télétravail

Des entretiens sur les raisons d’un désistement ou d’une démission peuvent s’avérer très instructifs : les télétravailleurs qui quittent le projet (volontairement ou à la suite de la décision de leur gestionnaire) sont susceptibles d’informer les responsables du projet de certaines lacunes ou autres problèmes.

Dans le cas des entreprises participant au projet de formation au télétravail, nous avons constaté que les télétravailleurs quittant le projet se plaignaient d’un manque de données ou d’autre matériel essentiel pour pouvoir travailler à leur domicile. D’autres ont avoué qu’ils ne parvenaient pas à associer leur rôle professionnel avec leur rôle privé dans un même espace de vie.

Une comparaison des mesures et des indicateurs

Comme ces évaluations fournissent des informations précieuses qui permettront d’apporter des améliorations au projet ou de l’étendre à d’autres services, les variables qu’on veut évaluer doivent être déterminées avec rigueur et être mesurables. Par exemple, si l’on organise un projet pilote, il doit durer assez longtemps pour pouvoir déboucher sur une évaluation finale fiable. En effet, dans les premiers mois, l’instauration du télétravail peut bénéficier d’un état de grâce. Mais il se peut aussi que cette période requière une adaptation difficile de la part des télétravailleurs qui devront acquérir de nouvelles compétences. Et il ne faut pas oublier les éventuelles maladies de jeunesse du système informatique qui devront être soignées...

On pourra suivre l’évolution du projet en se reportant à la mesure de référence prise avant la phase de test. Voici d’autres signaux importants pour l’équipe de projet : les demandes et les plaintes qui parviendront au centre d’assistance et les raisons des abandons (qui seront recueillies au cours des entretiens).

À l’occasion, on procédera à une enquête auprès d’un groupe de contrôle qui ne fait pas de télétravail afin de préciser la valeur et la signification des mesures effectuées auprès des télétravailleurs. La comparaison de la productivité entre les télétravailleurs et leurs collègues peut être délicate car elle nécessite entre autres l’analyse du contexte dans lequel opèrent les télétravailleurs et les non-télétravailleurs qui occupent une fonction similaire.

Comme exemple de cette complexité, relatons l’expérience d’une des organisations participant à la formation sur le télétravail. Cette chaîne de télévision a intégré la moitié de l’équipe des sous-titreurs dans son projet de télétravail à domicile. Le résultat fut que la majorité de ces derniers avaient doublé leur productivité. Ils confirmaient le fait qu’à leur domicile ils avaient la possibilité de travailler dans une atmosphère plus calme que dans les bureaux de l’entreprise. Par contre, les collègues non-télétravailleurs se sont plaints qu’ils étaient souvent réquisitionnés pour accomplir des tâches de dernière minute, soit des reportages du journal télévisé qu’il fallait vite sous-titrer. La proximité des sous-titreurs basés dans l’entreprise facilitait ces demandes. Ces résultats mitigés ont conduit à l’instauration du télétravail à mi-temps pour les sous-titreurs avec un système de répartition des demandes de dernière minute.

La satisfaction des personnes engagées dans le projet, leur productivité de même que l’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle sont importants. Par ailleurs, il faudra mesurer les investissements et les éventuelles économies (entre autres, l’espace de bureau et les frais de transport) que peut engendrer le télétravail.

Finalement, les entreprises qui le souhaitent pourront évaluer les effets du télétravail à long terme. La flexibilité offerte par le télétravail, ainsi que d’autres occasions offertes, peut notamment motiver certains employés à rester loyaux à l’entreprise. Cette rétention de talents précieux est de nature à augmenter la stabilité du capital humain de l’entreprise (Illegems et Verbeke, 2004).

Quelques conseils clés

En guise de conclusion, nous relèverons certains points sur lesquels les organisations ont mis l’accent lors des différentes étapes de l’introduction du télétravail dans leur entreprise et qui peuvent être utiles aux organisations désirant implanter le télétravail.

Déterminer avec soin les attentes et les objectifs du télétravail et ses incidences sur l’aménagement des Lieux de travail

Aussi bien les gestionnaires que les télétravailleurs estiment qu’il faut trouver des buts communs afin que le projet de télétravail soit porté simultanément par les gestionnaires et les employés. En outre, ils soulignent l’importance d’une réflexion sur les motifs incitant à intégrer le télétravail dans l’entreprise, à définir des objectifs à atteindre ainsi que les droits et les devoirs des télétravailleurs et de leurs supérieurs. Par conséquent, une communication interne efficace qui inclut toutes les parties concernées est indispensable pour maximiser les avantages du télétravail et minimiser les malentendus ou les dérives.

Dans la majorité des organisations étudiées, ce sont surtout des problèmes liés à la mobilité et au manque d’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale qui ont amené les gestionnaires et leurs collaborateurs à mesurer l’impact favorable que le télétravail pourrait avoir. Les parties concernées voient dans le télétravail un gain de temps, une diminution du stress lié aux déplacements, une éventuelle augmentation de la productivité grâce à ce gain de temps mais également la possibilité de travailler de façon plus concentrée dans un environnement serein.

Ce dernier argument est surtout soulevé par les personnes travaillant dans des bureaux, où il est parfois difficile de faire un travail dans un calme complet. Cette discussion a aussi poussé certains directeurs de l’aménagement à reconsidérer l’architecture des bureaux ouverts en y intégrant des zones favorisant les discussions informelles ou les réunions formelles ainsi que des locaux individuels permettant d’effectuer des tâches nécessitant le silence.

Certains responsables de projets de télétravail qui n’ont pas encore de bureaux ouverts ont envisagé de combiner le projet de télétravail avec l’innovation de l’infrastructure du siège central. Ainsi, ces entreprises peuvent économiser en créant des bureaux ouverts qui utilisent moins d’espace dans leurs locaux, lesquels se situent souvent dans de grandes vil- les ou des zones industrielles où les coûts de location au mètre carré sont élevés. Ces économies sont de nature à permettre, entre autres, un investissement plus important dans l’infrastructure numérique qui est indispensable pour le télétravail individuel de même que pour le travail en équipe par voie électronique.

Accorder beaucoup d’attention au processus de sélection des télétravailleurs

Dans certaines entreprises, le télétravail est déjà instauré de façon informelle où, malheureusement, le gestionnaire choisit les futurs télétravailleurs non sur la base de critères objectifs, mais selon son bon vouloir, «à la tête de l’employé». La réflexion menée conjointement par les gestionnaires, les représentants des employés et certains experts (comme des experts juridiques) remet en cause cette méthode informelle et stimule les parties concernées à élaborer un certain nombre de critères afin de décider quelles fonctions et quelles personnes sont aptes à s’engager dans un projet de télétravail.


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En élaborant une liste commune de critères d’admissibilité d’une fonction et d’une personne, le gestionnaire a la possibilité d’expliquer aux collaborateurs les caractéristiques selon les- quelles une personne est autorisée à travailler à distance. Ces critères objectifs communiqués d’une façon claire aux télétravailleurs et aux non-télétravailleurs peuvent prévenir les spéculations et les rumeurs. Ils justifieront les autorisations et les refus et pourront ainsi éviter des tensions.

En ce qui concerne la responsabilité de la sélection des participants au projet pilote, les entreprises utilisent différentes stratégies. Certaines entreprises délèguent cette responsabilité au comité d’accompagnement du projet de télétravail. Cette équipe pluridisciplinaire, qui est informée sur les demandes et les motivations des candidats au télétravail, écoute également le gestionnaire direct de ces candidats avant de motiver sa décision. D’autres entreprises délèguent cette décision aux responsables de services. Ils reçoivent une liste de critères décidés par le comité d’accompagnement du projet et une demande de communiquer les fonctions et éventuellement les personnes qui pourraient convenir au télétravail. Le choix d’une de ces approches réside dans le degré d’autonomie de l’équipe de projet et dans l’appui que manifestent les gestionnaires directs au projet de télétravail.

Rédiger une charte sur le télétravail

Les entreprises qui ont testé le télétravail à travers un projet pilote ont témoigné de l’importance d’une charte sur le télétravail. Ils soulignent que des accords précis, par exemple sur les heures auxquelles les télétravailleurs doivent être accessibles, sont essentiels si l’on veut éviter les malentendus entre les télétravailleurs, les travailleurs occupés dans les locaux de l’entreprise et leurs gestionnaires. De même, l’utilisation de médias internes (intranet, blogues, brochures, etc.) afin de communiquer les possibilités et les limites du projet de télétravail peut rassurer les parties concernées et couper court aux rumeurs.

Procéder à des évaluations continues des résultats auprès du personnel

Afin de suivre l’évolution du projet pilote, la majorité des entreprises interrogées procèdent régulièrement à des évaluations. Cela prend la forme d’une enquête par intranet dans laquelle les télétravailleurs, leurs collègues et les gestionnaires peuvent s’exprimer sur les avantages et les inconvénients du projet. L’organisation d’une telle enquête (ou de groupes de discussion, d’interviews) permet de déceler certains problèmes et d’y remédier. Les résultats de l’enquête sont analysés par le comité d’accompagnement du projet, qui compile les résultats dans un rapport à la fin du projet pilote.


Notes

1 Voir entre autres huws et O’Regan (2001), Taskin et Vendramin (2004), Vandenbrande et al. (2003), Walrave et De bie (2005).

2 Voir http://www.mvunited.be.

3 Voir Illegems et Verbeke (2004), Ireton (2003), nilles (1998), Topi (2004).

4 Voir baruch (2000), crandall et Gao (2005), Lim et al. (2009), nilles (1998), Taskin et Vendramin (2004), Tremblay (2001), Walrave et Dens (2003).

5 Voir Illegems et Verbeke (2003), nilles (1998), Taskin (2007), Topi (2004).

6 Voir bélanger et collins (1996), Gray et al. (1995), nilles (1998).

7 Voir cascio (2000), mann et holdsworth (2003), Tremblay (2002), Walrave et De bie (2005).

Références

Baruch, y. (2000), «Teleworking: benefits and pitfalls as perceived by professionals and managers», New Technology, Work and Employment, vol. 15, n° 1, p. 34-49.

Bélanger, f., collins, R.W. (1996)