Article publié dans l'édition Eté 2009 de Gestion

Le cas ci-dessous illustre la transformation que peut susciter le coaching compatissant. Loin de constituer un cas unique, cette transformation se répète fréquemment en réponse à ce type d’accompagnement.

En entrant dans le bureau du coach, François Germont1 n’attendait pas grand-chose des quelques heures à venir, mais il allait être surpris. Il avait demandé aux directeurs de ses trois principales divisions de retenir les services d’un coach et, par souci de crédibilité, avait décidé un peu à contrecœur d’en faire autant. François dirige des unités d’une entreprise qui faisait partie du Fortune 500 et qui a été démantelée au moment de l’acquisition de la société principale par un conglomérat allemand. Il est resté dans l’entreprise à titre de président-directeur général.

Or, le contexte dans lequel on dirige les grandes sociétés a changé. Des tensions se manifestent à bien des paliers. Les entreprises savent qu’elles s’orientent vers un cycle de récession de deux ans attribuable aux industries auxquelles elles vendent leurs produits. François se demande comment faire pour maintenir la motivation de ses employés et de ses clients, d’autant plus qu’il manque lui-même de motivation.

Le coach accueille François en souriant. Il lui pose d’entrée de jeu cette question : «Dans un monde idéal, quel genre de vie et de travail auriez-vous dans dix ou quinze ans?» François répond qu’il aurait probablement quitté l’entreprise et qu’il serait peut-être même à la retraite. Comme il n’a que 53 ans, le coach voit dans ces propos un fantasme de fuite. Il répète doucement la question en ajoutant : «Rêvez, François. Si l’existence était parfaite, à quoi ressemblerait votre vie dans dix ou quinze ans?» François sourit, s’enfonce dans son fauteuil et se met à parler de son fils. Il adorerait le regarder grandir et profiter au maximum de la vie. Il souhaiterait aussi aider de nouvelles entreprises du secteur et peut-être siéger au conseil d’administration de quelques sociétés sans but lucratif.

Le voilà maintenant détendu. Le coach l’interroge sur sa famille. Les impératifs constants du travail lui ont coûté cher. Sa conjointe s’investit dans ses propres activités sans trop compter sur lui. Lorsque le coach lui demande s’ils ont du plaisir ensemble, François grimace et avoue qu’ils n’en ont pas eu depuis longtemps. Lorsque la conversation s’oriente vers sa fille, il explique que celle-ci est plus près de sa mère.

Devenu un patron désengagé, un conjoint absent et un père distant, François constate que le travail au quotidien l’a usé, sur le plan personnel aussi bien que sur le plan professionnel. Ce stress chronique que lui-même, sa famille et l’entreprise subissent ne constitue pas un phénomène isolé chez les dirigeants. Ces derniers franchissent souvent la limite de la résistance humaine. Le coach espère que, en aidant François à examiner ses rêves et l’avenir qu’il souhaiterait connaître, il pourra l’amener à améliorer son état psychophysiologique.

Une autre heure a passé. Maintenant assis au bord de son fauteuil, François parle avec animation de son intention d’organiser une soirée avec sa conjointe. À la deuxième séance de coaching, il projette d’accompagner sa fille et son fils chaque semaine à des activités distinctes. Il a repéré dans sa communauté deux conseils d’administration d’organismes sans but lucratif qui s’adressent aux entrepreneurs. Il a même envisagé des moyens de rester en contact étroit avec ses principaux employés et de susciter leur enthousiasme pour les inciter à mener leur division respective vers un nouvel avenir.

Ce matin-là et à la suite des quelques autres séances, François quitte le bureau du coach aussi dynamisé que s’il avait bu plusieurs espressos ou respiré de l’oxygène pur. Mais rien de tel ne s’est produit : il a plutôt retrouvé des objectifs précis et une efficacité renouvelée relativement à son avenir à court et à long terme. Le coach n’est ni un magicien ni un hypnotiseur qui aurait créé chez François Germont une motivation artificielle. Non. François a simplement bénéficié d’un coaching compatissant.

Dans cet article, nous examinons le concept du coaching compatissant et étudions les caractéristiques qui distinguent ce dernier des autres formes de coaching. Nous mettons en lumière les avantages de cette approche, tant sur le plan de la santé que sur celui du rendement, et mentionnons au passage les processus physiologiques sous-jacents à l’origine de ces bienfaits. Nous confirmons ensuite, preuves à l’appui, l’efficacité du coaching compatissant. En conclusion, nous en exposons les répercussions et formulons des recommandations destinées aux personnes et aux organisations.

Qu’est-ce que le coaching compatissant ?

Si, dans le cas relaté précédemment, le coach n’avait mis l’accent que sur le déroulement des activités au sein de l’entreprise et sur les correctifs à apporter, François se serait limité à parler de ses principaux employés et de leur besoin de changement, des problèmes relatifs aux dirigeants et des obstacles au changement qu’ils représentent. Mais il serait vraisemblablement resté dans cet état de brouillard où il s’était peu à peu enlisé.


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En d’autres termes, certaines méthodes de coaching visent surtout à amener une personne à se plier à la volonté d’un supérieur hiérarchique, ce qui oblige celle-ci à obéir, accroît son stress et réduit son ouverture d’esprit ainsi que son potentiel d’apprentissage. En revanche, le coaching compatissant favorise l’apprentissage, le changement, l’adaptation et procure un sentiment de mieux-être (Boyatzis et al., 2006; Smith et al., 2009). Voilà pourquoi il a permis à François de vivre une telle expérience de transformation. Cette approche a produit sur lui l’effet psychophysiologique typique qu’elle a sur les gens, même sur ceux qui subissent depuis des années un stress chronique.

Le coaching compatissant peut être défini de la manière suivante : «aider les autres dans leurs efforts en vue de changer (afin de concrétiser leurs rêves, leurs aspirations ou de modifier leur façon de penser, de sentir ou d’agir)» (Boyatzis et al., 2006; traduction libre). Centré sur la croissance et le développement personnels, le coaching compatissant diffère des approches de coaching organisationnel et se révèle souvent d’une efficacité supérieure, ces dernières approches étant axées strictement sur les intérêts de l’entreprise établis par un gestionnaire ou un professionnel des ressources humaines.

La compassion telle que la définissent Boyatzis et al. (2006) comporte trois composantes : l’empathie, ou le fait de comprendre les sentiments de l’autre ; le souci de l’autre, comme l’éveil de l’affiliation ; et la volonté d’agir en réponse aux sentiments de l’autre. L’éveil de la compassion que nous décrivons ici ne présuppose ni réciprocité, ni échange égal, ni approche transactionnelle dans le cadre de la relation. En d’autres termes, la manifestation d’une compassion véritable se caractérise par l’absence d’attente d’un quelconque avantage présent ou futur obtenu en retour2.

Il importe de préciser que le coaching n’implique pas forcément la compassion (Ragins et Kram, 2008). Il devient un coaching organisationnel lorsque le coach propose ou apporte son aide pour un motif autre que le désir de croissance de l’interlocuteur (par exemple, pour aider la personne à modifier son comportement afin de répondre aux exigences de l’organisation).

Or, le coaching peut à la fois favoriser la croissance personnelle et répondre aux besoins de l’entreprise. En pareil cas, l’utilité du coaching n’exclut pas nécessairement la manifestation de la compassion. Mais si le coaching s’effectue sans le souci de favoriser la croissance, il ne fait pas appel à la compassion et, partant, il ne saurait ni susciter la réaction psychophysiologique bénéfique agissant tel un antidote au stress chronique, ni offrir les avantages relatifs à l’apprentissage et à la santé dont il sera question plus loin.

Comprendre le processus de coaching compatissant

Le coaching compatissant a pour but d’aider une personne à se développer et à croître, ou à maintenir les caractéristiques et le comportement souhaités. Le point de départ consiste souvent à aider cette personne à élaborer ou à exprimer clairement une vision personnelle – le moi idéal – qui englobe ses aspirations les plus profondes à l’égard de sa carrière et de sa vie (Boyatzis, 2006). Boyatzis et Akrivou (2006) relèvent qu’en pratique cette vision revêt plusieurs formes. Ils affirment que le moi idéal comporte théoriquement trois grandes composantes.

Comme dans d’autres approches fondées sur les forces (Roberts et al., 2006), la personne doit avoir conscience de ses points forts. Boyatzis et Akrivou (2006) appellent ce phénomène l’identité de base (core identity). Ils ajoutent que, pour être efficace, la vision personnelle doit également comporter l’image de l’avenir désiré et l’espoir que celui-ci se concrétisera.

Comme le démontre la psychologie du sport (Loehr et Schwartz, 2003; Roffe et al., 2005), la visualisation positive constitue une technique importante pour créer de nouveaux circuits neuronaux qui contribueront à orienter le comportement futur. Celle-ci semble faire naître l’espoir (Groopman, 2004; Curry et al., 1997) et accroître l’ouverture d’esprit, la capacité cognitive et la souplesse. Le coaching compatissant a permis à François d’élaborer une vision nouvelle et enthousiasmante de la décennie à venir et de constater qu’il avait mieux à faire que d’attendre la retraite et le divorce.

Ironiquement, les coachs connaissent en général l’importance du moi idéal, mais ils prennent rarement le temps de préciser ce concept. Lorsqu’un coach (ou un parent, un conjoint, un patron) demande à une personne de modifier certains comportements, il décrit la personne qu’il souhaite trouver. Le moi tel qu’il devrait être (ought self ) entre fréquemment en conflit avec le moi idéal (Higgins, 1987).

Résultat : les gens ont tendance à devenir insensibles à leurs rêves et à perdre de vue leur moi idéal profond. Le fait d’explorer son moi idéal, d’articuler sa vision personnelle et de discuter de ce sujet amène la personne coachée vers un état de compassion renouvelée et l’aide à demeurer dans cet état jusqu’à ce qu’elle soit prête à affronter le stress de l’adaptation et du changement.

En manifestant un intérêt sincère à aider la personne coachée, le coach établit avec elle un lien de confiance et lui offre un espace où elle peut réfléchir et rêver en toute liberté. Les coachs, les professeurs, les consultants et même les amis peuvent jouer ce rôle d’interprète, proposer une rétroaction ou un soutien et autoriser l’individu à changer et à apprendre.

Par leurs observations et leur rétroaction, mais surtout grâce à leur soutien, ils permettront à la personne d’acquérir un sentiment de sécurité qui la conduira à explorer des pensées et des comportements nouveaux et lui donneront la confiance nécessaire pour s’orienter vers la concrétisation de son idéal.

Cet appui pourra aussi représenter la principale source de protection contre d’éventuelles rechutes ou contre un retour à des formes de comportement antérieures (Boyatzis, 2006).

Le coaching compatissant : la voie vers des habitudes de travail et de vie plus saines

François s’attendait à ce que le coach mette l’accent sur ses faiblesses et sur la façon dont il « devrait » changer. Mais il a constaté que le coaching constituait une expérience énergisante.

Qu’est-ce qui, dans cette démarche, a engendré du dynamisme plutôt que du stress ? Quatre situations en particulier sont reconnues comme facteurs de stress : les situations perçues comme incontrôlables ; celles qui comportent une évaluation sociale (l’observation et le jugement des autres); celles dans lesquelles la réalisation de tâches ou d’objectifs importants représente un engagement majeur; celles où l’anticipation d’événements faisant naître les perceptions ou les sentiments précédents semble plus stressante que d’autres types de situations (Dickerson et Kemeny, 2004; Sapolsky, 2004). Or, il s’agit là du pain quotidien des cadres et des dirigeants.

On qualifie de stress chronique le déclenchement répété du stress, auquel s’ajoutent parfois des épisodes plus aigus. Il ne s’agit pas seulement ici de l’épisode occasionnel de stress intense durant lequel on « s’arrache les cheveux », mais aussi de la somme de moments ennuyeux, source de contrariétés de toutes sortes. À l’image de bien des dirigeants, François emmagasinait le stress comme un aspirateur emmagasine la poussière. À la maison comme au travail, sa vie devenait dissonante.

Cette combinaison de facteurs de stress risque d’entraîner un ensemble de conséquences néfastes : hypertension, infarctus du myocarde, infections chroniques, ulcère à l’estomac, maladie auto-immune, obésité, influenza, arythmie ou insuffisance cardiaque, diabète, prédisposition au cancer, etc. (Dickerson et Kemeny, 2004; Segerstrom et Miller, 2004).

Outre ces effets négatifs bien documentés du stress chronique sur la santé et le fonctionnement, les circuits neuronaux se trouvent en pareil cas réaffectés, dans la mesure où le cerveau semble se centrer sur les circuits qu’il juge nécessaires à la survie tout en coupant les autres circuits neuronaux. Il a été démontré que, en plus de ces effets physiologiques, le stress chronique se rattache à des émotions telles que la crainte et le dégoût (Davidson et al., 1990), la déprime, l’anxiété et le sentiment d’avoir des obligations désagréables à l’égard du milieu (Tomarken et al., 1992).

Toutefois, dans le cadre du coaching, l’aspect le plus redoutable du stress chronique tient au fait que le niveau de perception se trouve réduit et l’ouverture aux idées et aux émotions nouvelles ou différentes, limitée. Le fonctionnement cognitif est restreint et le potentiel de renouvellement du tissu nerveux est entravé, ce qui diminue la capacité d’apprentissage. C’était le cas de François qui, avant le coaching, se sentait coincé en voyant s’évanouir ses espoirs d’avenir.

Si la capacité du corps à réagir rapidement et efficacement à la provocation physique ou émotionnelle relève du système nerveux autonome, le système nerveux parasympathique assure quant à lui la récupération qui s’ensuit et maintient le fonctionnement du corps au niveau de base (c’est-à-dire au repos) (McEwen, 1998; Sapolsky, 2004). L’expérience de la compassion éveille le système nerveux parasympathique (Boyatzis et al., 2006; Goleman, 2003).

Lorsque ce dernier se trouve en éveil et que des sécrétions endocrines circulent dans le sang, la personne ressent une perception accrue à l’égard des autres ainsi que des idées et des émotions nouvelles. Elle accède à un plus grand nombre de ses circuits neuronaux et se trouve dans un état de grand calme, voire d’exultation : son système immunitaire fonctionne adéquatement et son corps est nourri. Quand une personne atteint un tel état, une neurogenèse se produit dans son cerveau et engendre de nouveaux neurones grâce auxquels elle peut franchir d’autres paliers d’apprentissage.

Lorsque ses neurones-miroirs s’activent, elle ressent les mêmes émotions que les personnes avec lesquelles elle se trouve en interaction (Goleman et Boyatzis, 2008). Il en résulte une contagion émotionnelle, que ces émotions soient constructives ou destructrices. Dans l’optique plus particulière du coaching, cet état permet aux gens d’examiner et d’envisager le changement, les idées et les émotions nouvelles, l’ouverture aux autres et l’apprentissage3. Il suscite donc une contagion émotionnelle positive qui agit à la fois sur le coach et sur la personne coachée, de même que sur leur entourage.

L’aspect « interaction sociale » du coaching peut également aider une personne en constituant un antidote au stress chronique (Sapolsky, 2004). Le fait de manifester de la bienveillance ou d’en recevoir est associé à une tension artérielle plus basse, à une immunité accrue, à un meilleur état de santé général (Insel, 1997; Sapolsky, 2004) ainsi qu’à un sentiment de gratitude (Fredrickson, 2009).

Des études ont montré que les réseaux sociaux et le capital social contribuent à abaisser le taux de mortalité de personnes en raison du soutien qu’ils apportent (Berkman et al., 1999). À la fin de la première heure passée en compagnie du coach, François a senti que celui-ci se souciait de lui, de sa vie et de son travail. Des possibilités d’avenir lui ont traversé l’esprit à plusieurs reprises au cours du coaching et enclenché chez lui une réaction émotionnelle positive. François a alors ressenti la compassion et son pouvoir régénérateur.

Le coaching compatissant : un moyen de réduire l’ambition démesurée

Le coaching compatissant présente un autre avantage : il pousse la personne qui assure le coaching à être moins centrée sur elle-même (Boyatzis et McKee, 2005). Cet amoindrissement de la préoccupation envers soi-même contribue à alléger la tendance à l’ambition démesurée, qui va de pair avec le pouvoir associé aux postes de direction, de gestion ou de conseil.

Un coaching compatissant constitue jusqu’à un certain point un antidote au narcissisme en ce qu’il permet aux personnes occupant des postes de responsabilité de se centrer véritablement sur les autres. Parallèlement, une relation de meilleure qualité pourrait faciliter l’expérience des réactions de déni, négatives ou même critiques.

En termes positifs, le coaching compatissant est de nature à inciter le coach et la personne coachée à témoigner une plus grande ouverture aux autres et à leurs idées. Il permet ou appelle une conscience de soi accrue en amenant les gens dans un univers relationnel où ils obtiennent une rétroaction sur laquelle ils sont tenus de se pencher.

Le coaching compatissant fonctionne-t-il vraiment ?

Comme nous le soulignions précédemment, il y a lieu de croire que l’expérience de la compassion éveille des circuits neuronaux qui favorisent une plus grande ouverture d’esprit et une meilleure santé (Goleman, 2003). Dans leur étude, Boyatzis et al. (2010) ont étayé ce point de vue au moyen de scintigraphies du cerveau recourant à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle.

Durant plusieurs jours, à la suite d’une séance de 30 minutes de coaching compatissant, on a observé chez les sujets l’éveil de régions du cerveau associées à l’ouverture cognitive, perceptive et émotionnelle, de même qu’un indéniable sentiment de bien-être. Dans l’intervalle, leur réaction à des questions sur leur situation actuelle et future relevant en général d’un coaching organisationnel a indiqué un éveil sensiblement différent dans des régions du cerveau associées aux effets néfastes du stress chronique.

Qui plus est, un ensemble d’études longitudinales réalisées à la Weatherhead School of Management de la Case Western Reserve University a permis de mettre en lumière un exemple quantifiable des effets du coaching compatissant.

Menées auprès d’étudiants à temps plein et à temps partiel au MBA, au programme de MBA pour cadres ainsi qu’auprès de cadres supérieurs inscrits à un programme Professional Fellows (pour un groupe d’âge de 45 à 55 ans), ces études ont révélé, chez les personnes qui recevaient un coaching compatissant, une amélioration marquée des compétences liées à l’intelligence émotionnelle, sociale et cognitive qui distinguent les dirigeants hors du commun4.

Enfin, nous avons aussi constaté directement les effets bénéfiques du coaching compatissant. Les auteurs ayant coaché des centaines de cadres et de dirigeants selon cette approche, nous avons observé à maintes reprises le pouvoir de transformation qui réside dans le fait d’aider une personne à tirer parti de ses rêves et de sa vision de l’avenir désiré pour élaborer un plan qui lui permettra d’apprendre, de croître et de changer en s’orientant vers la concrétisation de cette vision.

À l’instar de François Germont, quantité de gens sont passés d’une existence stressante qui se limitait à satisfaire aux exigences et aux attentes qu’on leur imposait à une vie plus dynamique et remplie d’espoir fondée sur la mise en œuvre de changements durables et souhaités sur les plans personnel et professionnel.

Implications et recommandations

Le coaching est souvent perçu comme un processus visant à « réformer » une personne ou à l’amener à modifier son comportement en fonction d’exigences imposées de l’extérieur.

Cependant, le coaching compatissant s’inscrit davantage dans une démarche allant de l’intérieur vers l’extérieur, dans laquelle le rôle du coach consiste à faciliter la découverte de soi et à appuyer les efforts de la personne coachée en vue du changement.

Une telle démarche peut conduire, avec le temps, non seulement à un meilleur rendement, mais également à une meilleure santé et à la probabilité accrue d’une efficacité durable.

À l’intention des cadres et des dirigeants

Certains pourraient craindre que le fait d’aider une personne à cerner et à réaliser ses rêves et sa vision personnelle dans le cadre d’un processus de coaching compatissant pousse cette personne à négliger, voire à abandonner, son rôle au sein de l’entreprise pour concrétiser sa vision personnelle.

Or, dans la plupart des cas, les individus sont en mesure (souvent avec l’aide d’un coach) d’établir des liens entre leur vision personnelle et leur rôle au sein de l’organisation : ils peuvent ainsi exceller dans l’exercice de leurs fonctions tout en travaillant à la réalisation de leur vision. Toutefois, lorsque ces deux aspects se trouvent nettement dissociés, la personne et l’organisation ont généralement tout intérêt à reconnaître ce fait et à prendre les mesures qui s’imposent pour remédier à la situation.

Il peut s’agir de reformuler la façon dont la personne conçoit ou aborde son rôle dans l’organisation. Ou de trouver, au sein de l’entreprise, un nouveau rôle qui cadre davantage avec les champs d’intérêt et les aspirations de la personne.

Dans certains cas, il peut s’agir tout simplement de préparer la personne à quitter l’entreprise, ou même à réorienter son cheminement de carrière. Quoi qu’il en soit, l’individu comme l’organisation bénéficient à long terme de cet engagement actif de la personne dans un processus d’apprentissage et de croissance qui facilite la recherche de ses passions et de sa vision personnelle de l’avenir.

Aux organisations il est recommandé surtout de distinguer l’aspect «croissance» (c’est-à-dire le désir d’aider les gens à se développer) des aspects «évaluation et gestion de la performance». Chacun de ces aspects importe et peut faire l’objet d’un coaching, mais diffère passablement des autres quant aux visées et aux processus. Pour favoriser un développement véritable, la démarche doit être centrée sur la personne coachée et non sur ce que l’organisation attend d’elle.

Bien que cette approche puisse frustrer les gens qui cherchent des solutions efficaces ou rapides aux problèmes de rendement, le fait de séparer les activités liées au développement de celles qui ont trait à la gestion de la performance accroît les possibilités de réussite des unes et des autres. Le coaching peut favoriser la croissance et le changement durable, mais il nécessite de la compassion, du temps et de la patience.

Si un cadre, un professionnel ou un dirigeant souhaite entreprendre une telle démarche, il devrait exiger que toute personne choisie comme coach – que celle-ci soit rémunérée ou non et qu’elle travaille à l’interne ou à l’externe – suive un processus qui l’aidera à s’enthousiasmer pour son avenir. Mettre l’accent sur les faiblesses ne constitue pas un moyen efficace de favoriser la croissance.


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Au mieux, une telle approche permet de composer à court terme avec les événements, mais ses effets se dissipent rapidement. Il faut trouver un coach tourné vers l’avenir et les possibilités. Il ne s’agit pas d’éviter d’aborder les faiblesses, mais bien de ne pas se centrer sur elles. On doit choisir un coach capable d’établir avec la personne coachée une relation positive qui suscitera son enthousiasme devant l’avenir et les idées nouvelles.  Cela obligera peut-être cette dernière à changer de coach, mais elle en a parfaitement le droit.

À l’intention des coachs

Notre premier conseil à l’intention des coachs est qu’ils entreprennent des relations et des processus de coaching compatissant. Dans cette perspective, le coach doit mettre l’accent sur ce que la personne coachée aimerait faire dans la vie, sur l’être qu’elle aimerait devenir. En lui permettant de sonder et de formuler sa vision personnelle, le coach l’amènera à passer à un état émotionnel positif ou enthousiaste et à s’ouvrir davantage aux possibilités, à l’apprentissage et au changement.

Un coach devrait éviter de céder à l’impulsion – et ce, même à la demande du client – de « consulter les données » d’entrée de jeu, sinon la personne coachée sera plongée inévitablement dans un état émotionnel négatif ou sera sur la défensive et se fermera aux possibilités. En fait, le coach se trouvera ainsi à réduire les chances de voir s’opérer un changement chez cette personne. Voilà qui conduit à un second conseil : le coach doit aussi être en mesure de surveiller de près son propre état émotionnel. Le coaching compatissant exige que le coach puisse mettre en veilleuse ses propres préoccupations et anxiétés.

Pour terminer, le tableau 1 propose un guide du coaching compatissant qui comporte des questions à prendre en considération avant, pendant et après la séance de coaching.

Tableau 1 :  Guide à l’intention du coach désirant établir une relation de coaching compatissant

Avant la relation de coaching avec la personne

1. Est-ce que je connais des caractéristiques du moi idéal et de la vision personnelle de la personne, c’est-à-dire :

  • ses valeurs?
  • sa philosophie de fonctionnement?
  • l’étape de sa vie ou de sa carrière à laquelle elle se trouve?
  • traverse-t-elle une période de crise?
  • ses rêves, ses désirs et ses aspirations?
  • ce qu’elle estime être sa passion et sa «vocation»?
  • ce qu’elle considère comme ses points forts?
  • son niveau d’optimisme?
  • son niveau d’efficacité personnelle?
2. Est-ce que je me soucie ou me préoccupe de cette personne?

3. Suis-je à l’écoute de la façon dont cette personne se sent aujourd’hui?

Pendant la relation de coaching avec la personne, avons-nous discuté…

4. … de ses rêves d’avenir ?
5. … de sa vision personnelle ou des éléments de son moi idéal ?

6. … de ce qu’elle estime qui l’a le plus aidée à devenir ce qu’elle est ou à arriver là où elle se trouve ?

7. … de ses points forts susceptibles de l’aider à se rapprocher de son moi idéal ou à le conserver ?

8. … des faiblesses susceptibles de freiner ce mouvement et de celles qui sont sur le point de s’accentuer ?

Après la relation de coaching, la personne

9. ... a-t-elle davantage conscience de son moi idéal ou de sa vision personnelle ?

10. ... a-t-elle été en mesure d’effectuer des choix ou d’établir des priorités en cernant les éléments les plus pertinents ?

11. ... a-t-elle discuté de sujets pertinents liés à sa vie personnelle et professionnelle?

Lorsque les gens établissent ce type de relation fondée sur la compassion, le coaching peut se révéler très efficace et donner lieu à un changement souhaité et durable, ainsi qu’à une meilleure santé et à un mieux-être général.


Notes

1 Par souci de confidentialité, nous avons modifié le nom de la personne. Le coaching a été mené par l’un des auteurs.

2 Notons que cette définition de la compassion se rapproche davantage de la notion d’expression émotionnelle liée à la vertu de la bienveillance issue de la philosophie confucéenne (Van N orden, 1998) et en particulier au concept du «sens de l’humain». L’expérience de la douleur ou de la souffrance chez l’autre ne constitue donc pas une condition nécessaire à la manifestation de la compassion telle que nous l’entendons ici.

3 Les études réalisées sur des femmes indiquent une réaction au stress légèrement différente, mais qui implique néanmoins l’éveil du système nerveux autonome (Taylor et al., 2002). Toutefois, les effets positifs de l’éveil du système nerveux parasympathique sont similaires chez les hommes et chez les femmes.

4 Voir Ballou et al. (1999), Boyatzis et al. (2002), Goleman et al. (2002).

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