Lorsqu’on pense au mot «courage», on a spontanément en tête les héros que l’on admire et qui en portent fièrement le blason. Ceux qui accomplissent des exploits extraordinaires affrontent l’adversité, et ce, malgré les risques inhérents, contre vents et marées et parfois, au péril de leur vie. Le courage n’est pas que sur les champs de bataille, dans les films ou les dessins animés. Loin des Superman, James Bond ou Jeanne d’Arc, le courage s’applique également aux administrateurs de sociétés. Le courage d’assumer sa façon de voir, le courage de ne pas se laisser influencer, le courage d’affronter ses peurs, le courage d’être différent, etc.

Rappelons que l’administrateur a une obligation fiduciaire envers l’organisation. Cette obligation comporte celle d’agir avec prudence et diligence, ainsi qu’avec honnêteté et loyauté dans l’intérêt de l’organisation. Pour respecter son obligation de fiduciaire, l’administrateur devra parfois faire preuve d’indépendance.

Outre l’indépendance réglementaire, l’indépendance est aussi un état d’esprit qui indique avant tout que l’administrateur est capable d’exercer pleinement sa liberté de jugement et de savoir, si nécessaire, questionner, argumenter, s’opposer, etc. L’indépendance est une manière de concevoir et d’approcher ses propres responsabilités, donc une question d’éthique personnelle et de loyauté vis-à-vis de l’organisation et des autres administrateurs. L’indépendance d’esprit exige une dose de courage.

Le courage n’a pas de genre ni d’origine. Il propulse le comportement de ceux qui ont le sens du devoir. Le courage est cette force intrinsèque qui exhorte à faire fi de son intérêt personnel, de la critique, à sortir de sa zone de confort, à combattre ses craintes. Le courage impulse l’action. C’est là qu’il s’observe. La confiance en soi est une force motrice de son affirmation : d’audace, de volonté, de détermination, que l’administrateur mettra au service d’une finalité collective, soit celle de l’intérêt de l’organisation. Qu’en est-il du courage de l’administrateur?

Un administrateur courageux sait :

  • Vaincre sa timidité pour oser s’exprimer dans une réunion du conseil d’administration ou d’un comité;
  • Ne pas se laisser intimider par quiconque;
  • Dire sans hésitation et tout haut ce que les autres administrateurs pensent tout bas;
  • Dire franchement et honnêtement ce qu’il pense «vraiment» au risque de déplaire, de déranger, de faire sortir les autres administrateurs et la direction de leur zone de confort;
  • Prendre une position qui risque d’aller à contre-courant, même de ceux l’ayant nommé ou élu;
  • Affronter les défis et les difficultés avec assurance, efficacité et proactivité;
  • Oser faire preuve de créativité au risque de sortir des sentiers déjà foulés par l’organisation;
  • Reconnaître les bons coups du PDG, des membres de l’équipe de direction et des autres administrateurs, etc.;
  • Reconnaître les erreurs, les siennes et celles du conseil d’administration;
  • Donner une rétroaction sur le fonctionnement du conseil d’administration et de ses comités, ses pairs, sur la performance du PDG, etc.;
  • S’interroger sur la pertinence des options stratégiques envisagées et les risques inhérents;
  • Remettre en question une idée, une opinion, une recommandation, une façon de faire, et ce, même si :
    • elle existe depuis longtemps et qu’on a «toujours fait ça comme ça»;
    • les dirigeants la défendent avec vigueur;
    • elle est considérée comme l’incarnation des «meilleures pratiques» ou tendances;
    • elle est adoptée par des compétiteurs ou d’autres leaders;
  • Être solidaire aux décisions prises par le conseil d’administration et se rallier, et ce, même s’il est en désaccord;
  • Résoudre avec diligence une problématique qui envenime le fonctionnement du conseil d’administration ou de l’organisation;
  • Exprimer son ignorance ou son incompréhension à l’égard d’un sujet échangé au conseil d’administration ou dans un comité;
  • Affirmer qu’il a besoin d’informations additionnelles ou de plus de temps pour se prononcer sur une question;
  • Dénoncer une situation de conflits d’intérêts ou d’autres manquements éthiques;
  • Donner la parole aux gestes qu’il pose en faisant preuve d’exemplarité;
  • Faire preuve d’objectivité en recherchant le meilleur intérêt de l’organisation.

Sans nécessairement revêtir la cape de superhéros, un administrateur avisé fait preuve de courage dans l’exercice de ses fonctions. Sir Winston Churchill, ancien premier ministre du Royaume-Uni, affirmait : «Le succès n’est pas final, l’échec n’est pas fatal, c’est le courage de continuer qui compte.» Sur cette citation porteuse de sens, le courage de l’administrateur, c’est aussi ce qui permet de projeter l’organisation dans un avenir incertain, sans céder à la tentation du court-termisme.