Développer de nouvelles compétences, acquérir des connaissances, tester son savoir : l’apprentissage tout au long de la carrière est aujourd’hui essentiel. Comment ouvrir ses horizons en matière de perfectionnement? Comment déjouer certains réflexes et ses propres biais? Voici quelques pistes de réflexion.

Avez-vous déjà entendu parler de l’effet Dunning-Kruger? Selon cette théorie, moins une personne en sait sur un sujet, plus elle surestime ses capacités. À l’inverse, plus on devient expert, plus on sait à quel point il y a encore à apprendre. «Ce biais peut avoir un impact sur l'apprentissage dans la mesure où, si on surestime ses capacités, il n’y a pas de déclencheur qui nous pousse à apprendre», explique Pierre-Marc Leblanc, candidat au doctorat à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal et chargé de cours.

Pour déjouer cet effet «gérant d’estrade», les gestionnaires ont un rôle important à jouer, en offrant de la rétroaction constructive à leurs troupes, en aidant les travailleurs à identifier leurs lacunes et à les corriger ou encore en leur offrant des formations ciblées pour développer leurs compétences, illustre-t-il. Pour les travailleurs, le simple fait de savoir qu’une telle déformation de l’esprit existe peut les aider à modifier le regard qu’ils posent sur leur performance.

Sachant cela, il est possible d’aller chercher de la rétroaction auprès de collègues plus expérimentés ou de son supérieur, ajoute Pierre-Marc Leblanc. «On pourrait aller voir son gestionnaire et lui dire : ``cela fait deux mois que je travaille ici, j’aimerais avoir une discussion avec toi pour savoir que tu penses de mon travail jusqu’à maintenant``. Évidemment, cela prend une certaine carapace. Plusieurs n’osent pas aborder cette question, parce qu’ils ont peur de la réponse.» Or, cette discussion permettra de clarifier les attentes et de voir s’il est possible de se perfectionner.

Tout commence par une bonne connaissance de soi

Autrement dit, une bonne dose d’introspection est utile en matière de formation, croit Alexandre Rousseau, avocat, chargé de cours en management à HEC Montréal et consultant d'affaires. «En leadership, on parle de beaucoup de l'importance de bien se connaître, mais je pense que la connaissance de soi est aussi fort utile dans le domaine des apprentissages. Cela permet de reconnaître qu'on a des forces, des faiblesses, des champs d'intérêt naturels ou des sujets qui nous intéressent moins. C’est ce qui nous permet d’identifier nos angles morts et de cerner ce qu’on doit approfondir.»

Selon lui, certains outils peuvent être utiles en ce sens, comme VIA Character Strengths, un test disponible gratuitement sur Internet qui a une valeur scientifique permettant de définir ses forces de caractère. Il est aussi possible de dresser le bilan de ses compétences, précise Pénélope Codello, professeure agrégée au Département de management de HEC Montréal et responsable de la formation continue créditée, un service offert entre autres par les conseillers en orientation, ainsi que par certains coachs ou spécialistes des ressources humaines.

Pour savoir sur quoi concentrer ses efforts, Alexandre Rousseau suggère aussi de réfléchir à long terme. «On pourrait dresser un parallèle avec la stratégie d’une organisation, mais en l’appliquant à son développement. Où souhaite-t-on aller? Quelles sont nos forces, nos faiblesses? Car si l’environnement est important, il est plus facile d’avoir le contrôle sur son développement que de tenter de réagir continuellement aux changements.» C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les compétences qu’on dit du futur sont beaucoup plus humaines que techniques, affirme-t-il.

Viser dans le mile

Les travailleurs qui cherchent à évoluer dans leur organisation en se perfectionnant ont tout avantage à en discuter ouvertement avec leur gestionnaire, juge Pénélope Codello. «Les entretiens annuels d’évaluation peuvent être de bons moments pour aborder ces questions. On pourrait expliquer qu’on a envie de se développer, de poursuivre une formation, mais qu’on voudrait que ce soit gagnant pour soi comme pour l’entreprise. Qu’est-ce que je devrais aller chercher comme savoirs, comme compétences?»

Les services de formation continue des universités constituent aussi une bonne source pour cibler les formations les plus pertinentes. «Nous suivons les enjeux de société et nous adaptons les contenus en fonction de ces réalités», souligne Pénélope Codello. Associations professionnelles et collègues peuvent aussi alimenter la réflexion.

De plus, le simple fait de se former nous nourrit, même si ce n’est pas directement lié au travail, ajoute-t-elle. Sans compter qu’être exposé à des idées nouvelles peut nous aider à évoluer. D’où l’importance de mettre à l’horaire des formations, des webinaires, des balados ou même des lectures sur des sujets qui pourraient ébranler nos certitudes et, qui sait, nous mener vers des pistes inexplorées. «C’est intéressant d’aller vers ce qu’on ne connaît pas, ce à quoi on est peu exposé et même ce qui nous fait peur pour apprendre», explique Alexandre Rousseau.

Bref, il n’y a pas de chemin unique. L’important est de bien se connaître et de choisir la route qui a le plus de sens pour nous. «Quand l’envie d’apprendre vient de soi, qu’on a identifié ce qui était important pour nous et pourquoi, on va s’investir dans nos apprentissages, précise le chargé de cours. On sera naturellement porté à faire des efforts.»