Depuis l'arrivée massive du télétravail dans nos vies, l’hyperconnectivité professionnelle s’est imposée comme un sujet chaud. Les tenants et les détracteurs du droit à la déconnexion ont amplement argumenté dans les médias et les partis politiques québécois ont débattu de la nécessité de légiférer en la matière. Prenons du recul sur les causes et les enjeux de ce bouleversement majeur.

Bien que le droit à la déconnexion soit un sujet important, il ne représente qu’un seul aspect de l’hyperconnectivité professionnelle. En effet, plusieurs études définissent cette hyperconnectivité comme une utilisation intensive ou inappropriée des technologies numériques liées au travail. Autrement dit, on pourrait être trop ou mal connecté pendant et après les heures de bureau.

Il semble donc aujourd’hui intéressant d'élargir le débat en explorant les causes et les conséquences qui en découlent pour les individus et les organisations.

L’hyperconnectivité en dehors des heures de bureau

Le droit à la déconnexion a suscité de nombreux débats au cours des dernières années. Cela parait tout à fait normal lorsqu’on sait que nous sommes de plus en plus connectés et que la multiplication des connexions professionnelles pendant les périodes de repos peut engendrer des effets néfastes pour les individus : frustrations, fatigue, empiètement du travail sur la vie personnelle, etc.

C’est précisément pour protéger le bien-être des travailleurs que des gouvernements ont légiféré en la matière. C’est notamment le cas en Ontario et dans différents pays européens.

Ces législations ne font cependant pas l’unanimité. En effet, plusieurs détracteurs affirment qu’on se trompe de cible en obligeant les organisations à adopter une politique de déconnexion. Selon eux, les employés sont assez matures pour décider par eux-mêmes s’ils désirent, ou non, se connecter en dehors des heures de bureau. Il serait donc plus judicieux de leur laisser la liberté de choisir plutôt que d’imposer des lois contraignantes aux organisations.

Or, cet argument est un peu réducteur. Des recherches sur l’hyperconnectivité professionnelle ont identifié différents facteurs organisationnels qui peuvent inciter les employés à se connecter pendant leurs temps libres alors qu’ils préféreraient faire autrement, que ce soit par les modes de communication adoptés, le style de leadership exercé, la façon de gérer les priorités, etc. Les organisations ont donc leur part de responsabilité puisqu’elles peuvent mettre en œuvre des stratégies pour aider les employés à décrocher du travail.

D’autres détracteurs déplorent que les gouvernements sortent l’artillerie lourde pour s’attaquer à un problème relativement banal. Après tout, répondre à des messages numériques ne requiert généralement que quelques minutes.

Or, le temps pour consulter et répondre à des messages numériques n’est pas la principale source du problème. Il s’agit plutôt de l’impact que ces messages peuvent avoir sur la psyché des individus. Par exemple, un courriel concernant un problème important peut demeurer dans la tête des gens pendant plusieurs heures. Dès lors que ce type de message se multiplie, il peut réduire les bienfaits des périodes de repos en les fragmentant par des épisodes de stress.

À la lumière des conséquences qu’elle engendre sur les individus, on pourrait croire que l’hyperconnectivité professionnelle concerne principalement les employés. Et pourtant, une réduction du bien-être des employés risque aussi d’entraîner des conséquences néfastes pour l’employeur et le bon fonctionnement des organisations : fatigue au travail, perte de productivité, absentéisme, etc.

L’hyperconnectivité pendant les heures de bureau

Bien que l’hyperconnectivité pendant le travail soulève moins de débats que le droit à la déconnexion, il faut savoir qu'on peut également être trop ou mal connecté au travail, c’est-à-dire pendant les heures de bureau. C’est notamment le cas lorsqu’il n’y a pas de code de communication bien défini au sein des organisations.

Par exemple, lors du départ précipité en télétravail durant la pandémie de COVID-19, beaucoup de gestionnaires ont eu de la difficulté à instaurer une stratégie de communication officielle dans un très court laps de temps. Les employés ont donc commencé à se connecter par l'entremise de divers outils numériques : des logiciels de vidéoconférence, des applications de messagerie texte, des plateformes de collaboration.

En l’absence d’un code de communication pour structurer ces échanges, plusieurs employés ont eu de la difficulté à déterminer quels outils de communication privilégier parmi ceux qui étaient utilisés par leurs collègues. Ils se sont donc retrouvés à consulter une grande quantité d’outils numériques de différentes natures au gré des multiples notifications qui survenaient çà et là.

Évidemment, ce type de situation peut engendrer beaucoup d’interruptions et de distractions. À un point tel que des individus ont commencé à éprouver des difficultés à demeurer suffisamment concentrés pour pouvoir performer adéquatement au travail.

À première vue, on pourrait croire que cette baisse de productivité concerne principalement les organisations. Après tout, ce sont elles qui en subissent ultimement les contrecoups. Or, plusieurs études relativisent cette présomption.

En effet, lorsqu’elles ont de la difficulté à performer à la hauteur de leurs espérances, certaines personnes ressentent de la culpabilité, de la frustration et du stress. Afin d’exorciser ces sensations désagréables, plusieurs employés ont tendance à se connecter sur leur temps personnel pour compenser cette baisse de productivité.

Ainsi, l’hyperconnectivité pendant les heures de travail peut alimenter l’hyperconnectivité en dehors des heures de bureau. Et, encore une fois, ce sont autant les employés que les organisations qui en payent le prix.

Un dialogue au sein des équipes

En somme, on peut donc être trop ou mal connecté pendant et après les heures de bureau. Bien que ces deux formes d’hyperconnectivité aient des causes et des conséquences distinctes, elles affectent le bien-être des individus et le bon fonctionnement des organisations.

Les employeurs et les employés auraient probablement intérêt à unir leurs forces pour minimiser les contrecoups négatifs de ces deux formes d’hyperconnectivité professionnelle. Mais, pour y parvenir, tout porte à croire qu'il faille s’éloigner des débats stériles qui cherchent à renvoyer la responsabilité sur l'autre partie.

En effet, bien avant d’être hyperconnectés avec notre travail, nous sommes d’abord et avant tout trop ou mal connectés avec nos collègues de travail. Il apparait donc plus fructueux d'ouvrir les discussions avec ces personnes, plutôt que de tenter de trouver qui pourrait porter le blâme.