Les données de l’Institut Canadien d’Information sur la Santé montrent que la croissance annuelle moyenne des dépenses publiques de santé au Canada est passée de 5% entre les années 2000 et 2010, et à 0,1% de 2010 à 2015.

Cette bonne performance est essentiellement due au fait que notre système de santé est orienté sur le contrôle des coûts. Un tel système est aussi mené par un objectif d’accroissement de volume de soins pour améliorer l’accessibilité aux services. Une telle structure de gouverne crée des pressions sur les budgets en plus de rendre le contrôle de la qualité plus difficile¹. Ces systèmes sont historiquement organisés par fonction et une offre de services des établissements qui aspire à être exhaustive. La mesure de la performance est focalisée davantage sur les activités que sur les résultats patients et un financement par budget. Le meilleur moyen de contrôler les budgets dans un tel contexte est de centraliser la prise de décision.

Une bonne nouvelle pour le Canada

La croissance exponentielle des coûts de santé des pays industrialisés a longtemps inquiété les gouvernements et continue de les alarmer. L’inflexion de cette tendance est une bonne nouvelle pour le Canada; la contrepartie a cependant son lot de désavantages, dont celui de minimiser ou de prévenir le rendement sur nos investissements en recherche et développement en santé engendrant, ainsi, un environnement peu propice à l’innovation.


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En effet, sans une décentralisation de la prise de décision, il est difficile de responsabiliser les prestataires face aux résultats des patients; sans transparence et mesure de la performance axée sur ces résultats, il est difficile d’identifier les traitements et pratiques les plus pertinentes pour les patients. Sans incitatifs adéquats – monétaires ou non – favorisant la responsabilisation et la collaboration, les objectifs des parties prenantes sont désalignés et il est difficile de procurer aux patients une offre de soins intégrés. Un système de santé propice à l’amélioration pérenne de l’efficience est sans équivoque un système orienté sur la valeur (Value-Based Healthcare). En effet, la valeur en santé étant définie comme le ratio entre les résultats de santé obtenus et les dollars dépensés, un système axé sur la valeur cherche à l’accroître en améliorant en priorité les résultats de santé. De ce fait, l’amélioration de la qualité conduit nécessairement à une réduction des coûts à long terme puisque la non qualité, qu’elle soit liée aux erreurs, aux sur-diagnostics ou aux difficultés d’accès, a un coût élevé.

Trois principes de base

Les pays qui adoptent les innovations en santé sont ceux qui ont entamé leur transformation vers un système orienté sur la valeur. Cette transformation, comme le souligne le World Economic Forum², repose sur trois principes de base:

  1. La mesure systématique des résultats de santé axés sur le patient et des coûts associés à l’ensemble du parcours de soins;
  2. L'identification de groupes de populations spécifiques (par exemple les populations vulnérables) partageant les mêmes conditions et le même profil de risque ainsi que des cibles quant aux résultats de santé et aux coûts associées à chacun des groupes identifiés;
  3. Le développement de parcours de soins personnalisés spécifiques à chaque groupe de population pour améliorer in fine la valeur pour chacun des groupes identifiés.

Pour réussir cette transformation, les systèmes de santé doivent s’appuyer entre autres sur un système informatique solide permettant de collecter et de partager l’information pertinente sur les résultats de santé par groupe et sur le coût des parcours de soins.

Mettre en place des balises

Le gouvernement du Québec a commencé à mettre en place les balises d’un système orienté sur la valeur: déploiement de trajectoires de soins spécifiques pour placer le patient au centre du système; déploiement des salles de pilotage stratégiques pour instaurer une véritable culture de la mesure; déploiement d’une technologie permettant l’évaluation du coût par parcours de soins. À l’heure actuelle, aucun système de santé n’a complété sa transformation et ne peut se prévaloir de posséder un système orientée vers la valeur. Cependant, pour chaque axe de la transformation, il est possible d’identifier des juridictions qui se distinguent. Si le Québec accuse certes un retard par rapport au reste du monde, il a l’avantage de bénéficier des apprentissages faits par les autres dans cette transformation extrêmement complexe et de pouvoir ainsi prendre le recul nécessaire pour arrimer ses réformes de façon cohérentes.

Article publié au départ en août 2017


1. Porter, M. E., Olmsted Teisberg E., Redefining Health Care, Creating Value-Based Competition on Results, Harvard Business School Press, 2005 ,  World Economic Forum (2017),

2. “Value in Healthcare: laying the foundation for Health System Transformation” 39p.