Dans un climat incertain et complexe pour les organisations, il est important de savoir garder le cap tout en saisissant les occasions. Caroline Ménard et Céline Huot détaillent ici quatre grandes pistes à suivre en 2024.

Les mois à venir s’annoncent riches de promesses autant que de perturbations, entraînant un climat incertain et complexe dans les organisations. Incertain parce que les perturbations des chaînes d’approvisionnement et la pénurie de main-d’œuvre continuent de se faire sentir. Complexe, aussi, car une révolution technologique rapide est enclenchée. Pour retrouver le nord, une règle d’or est à suivre : écouter votre petite voix intérieure. Voici quatre grandes occasions à saisir en 2024.

1. Intelligence artificielle et technologies émergentes : vous mettre en mouvement

L’intelligence artificielle (IA) est de plus en plus accessible, mais vous vous questionnez peut-être sur les bonnes pratiques et les précautions à prendre à son sujet. Sachez que vous n’êtes pas seul : selon l’entreprise américaine de conseil et de recherche Gartner[1], d’ici 2025, 70% des entreprises évoqueront l’usage éthique et durable de l’IA parmi leurs principales préoccupations, alors que plus de 80% des leaders d’affaires voient l’adoption de technologies émergentes comme un levier de transformation.[2]

Les applications de l’IA, de même que ses limites en lien avec l’éthique et la sécurité, font office de sujet chaud au rayon des innovations technologiques, et elles constituent probablement la technologie qui présente la croissance la plus rapide des dernières années. C’est pourquoi il importe de garder à l’esprit les quatre points suivants.

1- Il n’est pas question ici de «taille unique» (one size fits all).L’IA gagne du terrain dans de nombreuses applications (développement de produits, automatisation, génération de contenu, analytique, etc.); il importe donc de revenir aux priorités stratégiques et aux besoins de votre organisation pour tirer le maximum des promesses de ce type d’intelligence tout en conservant la pertinence de son utilisation.

2- Tout dépend de la donnée. La valeur des réponses obtenues par des technologies (comme des moteurs de recommandations ou ChatGPT) dépend de la qualité des données. Afin de réduire le risque d’erreur, il est crucial d’accorder une attention particulière à votre stratégie ainsi qu’à votre gouvernance de données.

3- La sécurité d’abord. Vous gagnez à considérer les limites et les risques associés à l’IA du point de vue de la sécurité et de la confidentialité, mais aussi en ce qui a trait à l’éthique et à la propriété intellectuelle. Vos équipes devraient être sensibilisées aux bonnes pratiques afin de réduire les risques de fuite ou d’utilisation malicieuse de cette forme d’intelligence.

4- Ne pas oublier l’humain. Les constats et prédictions démontrent que l’IA crée davantage d’emplois qu’elle en remplace. Il est essentiel d’évaluer le potentiel d’évolution des métiers (upskilling) en misant sur le rehaussement des compétences numériques.

Certes, l’arrivée rapide de l’IA dans nos vies professionnelles et personnelles peut donner un sentiment de vertige. Or, plus vous vous informez à son sujet – en la considérant comme un outil et non comme une solution miracle –, plus vous obtiendrez le recul nécessaire pour prendre les bonnes décisions organisationnelles.

2. Efficacité organisationnelle : faire mieux avec ce que vous avez

L’efficacité organisationnelle ne signifie pas de couper partout! Elle se veut d’abord un levier stratégique dans un contexte d’optimisation des coûts et de pénurie de main-d’œuvre qui encourage les organisations à aller au-delà de la réduction des coûts pour optimiser ce qui est déjà en place. Délais, qualité, sécurité, satisfaction (de la clientèle et des employés) : vous fixer des cibles inspirantes et alignées avec la vision organisationnelle plutôt que viser des économies de bout de chandelle semble ici la voie à privilégier.

La première étape consiste à vous pencher sur votre chaîne de valeur pour identifier les activités et les processus les plus profitables et les plus utiles pour votre organisation. Cela semble évident, mais il faut savoir que seulement 4% des entreprises mesurent et gèrent leurs processus[3]!

Par ailleurs, vos équipes devraient être activement impliquées dans la résolution de problèmes. La participation des membres à cette réflexion constitue un levier de mobilisation et d’innovation. Ensuite, à partir d’une vision commune du succès, vous définissez des indicateurs pour mesurer l’atteinte des objectifs. Mettre en place des mécanismes de mesure et de suivi de ces indicateurs appuiera l’identification et la résolution des problèmes, et elle vous permettra de vous ajuster en continu.

Si vous avez le sentiment d’être sans cesse en mode «pompier» pour gérer des urgences et que vous sentez la pression extérieure de revoir vos façons de faire, vos employés sont la clé. C’est un fait : les meilleures solutions viennent souvent du terrain!

3. Collaboration transversale : aller plus loin ensemble

Aussi appelée «gestion matricielle», la collaboration transversale est un mode de fonctionnement au sein duquel des équipes ou des individus se rapportent à plus d’un leader et collaborent de façon permanente ou temporaire en vue d’atteindre un objectif commun. Aucune refonte complète de votre structure organisationnelle n’est nécessaire ici; il s’agit plutôt d’un état d’esprit collectif.

Vous devez donc commencer petit! Définissez d’abord les objectifs, la portée, le degré d’autonomie, les redditions de comptes, les mesures de succès, le niveau d’implication des contributeurs, la gouvernance… Il vous faut viser la clarté du cadre de collaboration d’abord et avant tout.

Vous aurez ensuite à adapter certains de vos processus organisationnels pour soutenir la collaboration – pensons ici à la gestion de la performance individuelle, à l’allocation des ressources, à la détermination des priorités… –, en plus de miser sur le rôle déterminant des leaders fonctionnels (qui « prêtent » leurs ressources) et matriciels (qui pilotent l’initiative transversale). Leur exemplarité est l’un des gages de réussite de la collaboration.

Bien au-delà de la structure organisationnelle, la collaboration transversale s’incarne dans une évolution culturelle et individuelle qui nécessitera une grande ouverture ainsi qu’une évolution de la posture des leaders impliqués.

4. Le leader-coach: mobiliser les talents au quotidien

Peut-être avez-vous entendu cette statistique inquiétante : 59% des employés dans le monde sont démobilisés et prennent part au mouvement de désengagement discret (qu’on appelle en anglais le quiet quitting)[4]. La mobilisation est un défi majeur alors que l’incertitude et la complexité ambiantes portent atteinte à la motivation des employés et augmentent leur quête de sens. Dans ce contexte, le rôle du leader se révèle d’autant plus essentiel.

Pour trouver du sens et sa place dans l’organisation, votre équipe a besoin d’un leader nouveau genre. En regroupant vos équipes autour d’une vision et de valeurs claires et concrètes, vous leur offrirez les outils nécessaires pour naviguer dans un contexte de changement constant. Par exemple :

1- Plutôt que de donner des solutions, un bon leader accompagne ses collaborateurs. C’est ainsi qu’il les fait grandir et qu’il peut tirer profit de l’intelligence collective afin de trouver des solutions aux problèmes ponctuels.

2- Un leader positif établit des rituels de communication bidirectionnelle. Sonder régulièrement le pouls des équipes s’avère indispensable dans un contexte hybride pour aborder en temps réel les préoccupations et garder les troupes mobilisées.

3- Une culture d’adaptation et d’apprentissage continus doit être instaurée. De nouveaux défis surgissent, et il faut y répondre non seulement avec les bons outils, mais aussi (et surtout) avec le bon état d’esprit de leader, c’est-à-dire qu’il faut avoir l’ouverture et l’humilité d’apprendre avec les autres à partir des réussites, soit, mais également des erreurs et des failles.

La tendance est de plus en plus marquée : les anciens modes de gouvernance sont dépassés. Les employés ont aussi leur mot à dire dans la prise de décisions, et les équipes les plus performantes sont celles qui travaillent en mode collaboratif plutôt qu’avec une approche descendante (top down) ou en silos.

Et puisqu’une année passe une journée à la fois, nous vous invitons à privilégier les pas simples et concrets pour viser l’atteinte de vos ambitions. Après tout, c’est toujours le premier pas qui se veut le plus difficile à faire.


Notes

[1] Gartner, What Generative AI Means for Business.

[2] World Economic Forum, Jobs of Tomorrow (décembre 2023).

[3] Solutions Review, Business Process Management Statistics.

[4] Gallup, State of the Global Workplace: 2023 Report.