En 2022, Sollio Groupe Coopératif célébrait son 100anniversaire. Solidement enracinée au Québec, l’organisation de plus de 15 000 employés et de 123 000 membres demeure résolument tournée vers l’avenir. Quels enjeux à l’horizon? Entretien avec son chef de la direction, Pascal Houle.

Sollio Groupe Coopératif regroupe 3 divisions : Sollio Agriculture, Groupe BMR et Olymel. Le groupe affiche un chiffre d’affaires avoisinant les neuf milliards de dollars. Peu d’entreprises peuvent se targuer d’avoir atteint l’âge vénérable du centenaire. Et si Sollio est encore là aujourd’hui et est tout aussi pertinent, c’est parce que l’organisation est construite sur un modèle d’affaires solide, compétitif et agile.

Cela ne veut pas dire qu’il s’agit toujours d’un long fleuve tranquille. L’histoire de Sollio est d’ailleurs marquée de plusieurs soubresauts et les défis que lui réservent les prochaines années sont nombreux : «Nous évoluons dans des marchés marqués par plusieurs fluctuations. L’inflation, la guerre, la concurrence mondiale, la pénurie de main-d’œuvre et la crise climatique génèrent des répercussions directes sur nos activités», explique Pascal Houle.

Il cite la fermeture du marché chinois et son impact sur la viande porcine : «Face à ce défi, nous avons dû réorienter nos méthodes, nous concentrer sur le marché domestique et optimiser nos équipes de travail.»

L’essence d’un modèle basé sur la coopération

Le chef de la direction estime que la résilience et la capacité de Sollio d’agir à long terme forment les piliers de son développement. «Contrairement à plusieurs concurrents, notre succès est à l’abri des fluctuations du moment ou des cours de l’action. Il repose sur la qualité de nos services et de notre engagement à l’égard de nos membres et des générations futures.»

À son avis, la pertinence du modèle coopératif ne fait aucun doute. «C’est un modèle performant, parfaitement adapté à notre industrie. Même s’il ne date pas d’hier, son approche répond aux enjeux de la société actuelle, en encourageant la participation des membres propriétaires et une meilleure distribution de la richesse.» D’autant plus que l’essence même du modèle coopératif réside justement dans sa capacité à puiser sa force dans son réseau et à mettre à bien l’intelligence collective de l’ensemble du groupe. «Chez Sollio, les décisions se prennent ici, par des gens d’ici, et les retombées sont ici! Nous sommes proches des communautés dans lesquelles nous sommes implantés et nous avons un lien privilégié avec les producteurs et les consommateurs. C’est un grand avantage par rapport à la concurrence.»

Cultiver l’autonomie alimentaire

L’évolution des marchés et la récente pandémie ont propulsé le thème de l’autonomie alimentaire à l’avant-scène. Cible utopique ou réaliste? «Les consommateurs souhaitent s’approvisionner avec des produits de proximité et de qualité, dans un contexte où les changements climatiques nous incitent à réduire notre empreinte écologique», analyse Pascal Houle.

Selon lui, la recherche et l’innovation sont la clé pour concilier ces objectifs et aspirer à une certaine indépendance alimentaire tout en n’excluant pas l’exportation, qui est vitale à la prospérité de nos producteurs et bénéfique pour l’économie nationale. «La production locale prend de l’importance pour les nouvelles générations. Qu’elle soit intensive, familiale, nichée ou urbaine, tous les types d’agriculture sont nécessaires pour répondre aux attentes de chacun et relever le défi de nourrir une population croissante dans des conditions climatiques de plus en plus volatiles.»

Récolter les fruits du numérique

À propos du recours aux technologies, le chef de la direction note que les capacités numériques ont le potentiel de jouer un rôle crucial, «en aidant nos producteurs à être plus performants, tout en préservant l’environnement». Il cite à cet égard le succès du portail de gestion agricole AgConnexion, conçu pour optimiser les opérations des producteurs et des détaillants. «Sollio Agriculture a permis à plus de 20 000 fermes de se connecter à cette plateforme numérique pour accroître leur rentabilité. On parle de gains pouvant aller jusqu’à 10 %.»

En plus d’encourager des pratiques plus durables, la plateforme facilite le suivi des rendements en temps réel, amplifiant ainsi la prévisibilité des événements. «La demande pour de telles solutions est grandissante», assure Pascal Houle.

L’essor de l’agriculture de précision

Pour accompagner ses membres, Sollio mise aussi sur l’agriculture de précision, un principe de gestion visant la progression des rendements et des investissements. Cette approche implique les technologies de l’information et la communication par satellite pour optimiser certaines opérations : travail du sol, semis, fertilisation, irrigation et pulvérisation de pesticides.

La bonne nouvelle est que cette démarche se marie à la pratique d’une agriculture plus durable favorisant la conservation des sols, la réduction de l’érosion et la diminution de la pollution des cours d’eau.

Dans cet élan, Pascal Houle souligne que l’intégration de l’intelligence artificielle est bel et bien amorcée. «L’IA n’est pas une menace. En fait, elle devient une alliée précieuse dans les secteurs où la pénurie de main-d’œuvre est déjà notable.»

Comme un grand jardin

Au sujet de l’avenir de Sollio Groupe Coopératif, Pascal Houle précise que sa principale préoccupation est d’assurer la pérennité de l’organisation en créant de la valeur pour ses membres. «Même si la coopérative a plus de 100 ans, son modèle d’affaires, lui, en est un qui demeure tourné vers l’avenir et qui intègre des préoccupations ultramodernes. Nous sommes fiers de notre héritage et de ce que nous bâtissons chaque jour pour les générations futures».

Il rappelle que les membres ont le contrôle démocratique et évoluent dans une certaine paix d’esprit, sachant que l’entreprise ne sera jamais cédée. «Pour continuer d’être pertinents, nous devons perpétuer une culture organisationnelle forte. L’humain doit demeurer au cœur de nos actions, en accord avec nos valeurs de solidarité, d’équité, de responsabilité et d’honnêteté.»

Pour Pascal Houle, Sollio Groupe Coopératif «est comme un grand jardin. On le sème, on le cultive, puis on partage les récoltes. Tous ensemble.»