Inauguré en grande pompe en 1976 avec de belles promesses d’avenir à l’horizon, l’aéroport de Mirabel a finalement mis fin, 40 ans plus tard, à sa vocation de transporter des passagers. Que s’est-il donc passé? Qui est responsable de ce gâchis? Aurait-on pu agir autrement? Qu’en est-il aujourd’hui de l’aéroport de Dorval, devenu Montréal-Trudeau?

Voilà autant de questions auxquelles répond Jacques Roy, professeur titulaire au Département de gestion des opérations et de la logistique à HEC Montréal, dans ce livre qui permet aussi de tirer des leçons de cette longue saga ayant maintes fois fait les manchettes au fil des ans.

«La principale erreur dans le cas de Mirabel a été de construire la moitié d’un aéroport, consacré uniquement au trafic international, et ensuite de ne pas en compléter les accès routiers et ferroviaires», constate Jacques Roy.

Roy, J., La saga des aéroports de Mirabel et Dorval, JFD éditions, 2023, 170 pages.

L’auteur explique que cet échec repose sur une suite de mauvaises décisions, de prévisions erronées et de tergiversations. Après des débuts modestes, au début des années 1940, l’aéroport de Montréal avait pris son envol pour devenir, 20 ans plus tard, la seule porte d’entrée des vols en provenance d’Europe, de même qu’une plaque tournante internationale en sol canadien.

Or l’augmentation anticipée du trafic à l’aéroport de Montréal, qui avait servi de justification à la construction d’un deuxième aéroport, ne s’est jamais concrétisée. En effet, il a fallu attendre 2016 pour que l’aéroport de Montréal atteigne finalement le seuil annuel des 16 millions de passagers qu’il prévoyait accueillir en 1985, soit 30 ans plus tôt. Ces prévisions, trop optimistes et irréalistes, ont ainsi entraîné l’abandon de l’aéroport de Mirabel.

Autre zone de turbulence à souligner : le choix controversé du site, alors que Vaudreuil était en première position devant Mirabel et deux autres emplacements à l’étude (Saint-Jean-sur-Richelieu et Saint-Hyacinthe–Drummondville).

Le poids économique et démographique grandissant de Toronto, jumelé aux changements technologiques qui permettaient aux nouveaux avions d’étendre leur rayon d’action et de survoler Montréal, devait sonner le glas d’un aéroport «mort-né». D’autant que le gouvernement fédéral a contribué au déclin de Mirabel en octroyant largement aux transporteurs européens des droits d’atterrissage directs à Toronto, et ce, dès 1972.

Les événements qui ont suivi le rapatriement des vols réguliers internationaux à Dorval, en 1997, ont également mis en évidence les déficiences dans la gouvernance et la transparence de l’organisme Aéroports de Montréal (ADM), arrivé en scène en 1992 pour assurer l’exploitation des aéroports de Dorval et Mirabel. Le cumul de postes à la présidence et à la direction générale témoigne d’un problème de gestion déficiente.

Une autre saga : la navette ferroviaire

Le livre se penche enfin sur la capacité des installations, laquelle mine l’aéroport Montréal-Trudeau depuis plusieurs années déjà, et ce, malgré les centaines de millions de dollars investis. Ajoutons à cela une autre saga : celle de la navette ferroviaire, qui a fait l’objet de dizaines de projets et d’études ces 20 dernières années sans jamais voir le jour. Comme le souligne Jacques Roy – qui fait notamment allusion aux projets de troisième lien et de train à grande vitesse (TGV) –, l’histoire nous enseigne qu’il vaut mieux faire preuve d’une certaine prudence quand des projets d’envergure coûteux en matière de transport sont sur la table. Il s’agit en fait de répondre à une seule question, toute simple : en a-t-on vraiment besoin?