Avec le développement de nouvelles technologies apparaissent également de nouveaux maux. Gestionnaires, professeurs et parents reçoivent fréquemment le conseil de limiter l’utilisation des téléphones intelligents par leurs employés, étudiants ou enfants. Mais le remède étant parfois pire que le mal, cette privation pourrait générer du stress chez certaines personnes. Aperçu de ce qu’est la nomophobie.

Le terme nomophobie nous vient de l’expression anglaise no mobile-phone phobia et désigne la peur de ne pas pouvoir utiliser son téléphone intelligent et les services qu’il offre. Cette phobie liée à la perte de l'accès à l'information, de la connectivité et de la capacité de communication a justement été étudiée par Pierre-Majorique Léger, Renaud Legoux et Stefan Tams1, professeurs à HEC Montréal et chercheurs membres du Tech3Lab, laboratoire de recherche appliquée en sciences de la gestion.

Menée auprès de 270 jeunes professionnels et recréant le contexte d’une réunion, leur étude montre que la nomophobie conduit au stress en générant un sentiment de menace sociale, les employés craignant d’être moins disponibles pour les autres et moins réactifs s’ils n’ont pas accès à leur téléphone intelligent.  

Les conséquences de la nomophobie

« Le fait d’enlever la capacité d’interagir avec le téléphone lors des réunions a un côté sombre », explique Pierre-Majorique Léger, professeur titulaire au Département de technologies de l’information de HEC Montréal et codirecteur du Tech3Lab. « En voulant rendre les gens plus attentifs, on les rend plus anxieux », ajoute-t-il.

La nomophobie, comme le stress en général relié à la technologie, peut générer des pertes de productivité importantes pour les entreprises, selon Stefan Tams, professeur agrégé au Département de technologies de l’information de HEC Montréal. L’explication en est simple : si l’employé est trop anxieux ou qu’il est stressé, il n’est pas attentif lors des réunions, ce qui peut miner sa performance.  « Nous nous sommes alors demandé ce qu’un gestionnaire pouvait faire pour tenter de minimiser ce stress », souligne Pierre-Majorique Léger.


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Comment gérer la nomophobie?

Combattre une phobie est un processus long et complexe. Stefan Tams souligne qu’il est beaucoup plus évident et rapide pour un gestionnaire de changer sa manière de gérer l’utilisation des téléphones intelligents par ses employés que d’imposer à ces derniers le fardeau de surmonter leur phobie.

De la recherche effectuée par les professeurs découlent des conseils pratiques qui permettent de « concevoir des espaces et des temps de travail ne générant pas de stress menant à la nomophobie, tout en créant un environnement qui est productif », explique Renaud Legoux, professeur titulaire au Département de marketing de HEC Montréal. Les chercheurs concluent que les gestionnaires peuvent aider leurs employés nomophobes en suivant ces deux conseils précis :

1. Réduisez l’incertitude

« D’abord, spécifiez la durée du retrait », conseille Pierre-Majorique Léger. Précisez pendant combien de temps les employés ne pourront pas utiliser leur téléphone intelligent et tenez parole. Ils auront alors confiance en vous, ce qui permettra de réduire leur sentiment d'incertitude.


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2. Permettez à vos employés d’exercer du contrôle

« Il faut que les travailleurs aient l’impression qu’ils ont un contrôle sur la situation », énonce Renaud Legoux. Ils éprouveront ainsi le « sentiment qu’ils ont davantage la capacité de contrôler l’anxiété qui est générée par le retrait du téléphone », explique Pierre-Majorique Léger.

Concrètement, vous pouvez indiquer à vos employés qu’ils peuvent sortir de la salle de réunion s’ils doivent absolument passer un appel. Vous pouvez aussi prévoir des pauses à des heures précises pour leur permettre de consulter leur téléphone. 

Stefan Tams rappelle que d’accorder plus de contrôle aux employés n’a pas que des avantages liés à la gestion de la nomophobie. « De manière générale, plus les employés ont du contrôle sur leur travail, moins ils seront stressés », précise-t-il.

N’attendez pas de constater que vos employés souffrent de nomophobie avant de mettre en œuvre ces deux conseils. « Il serait naïf de penser que personne dans une équipe n’est affecté par la nomophobie. On a tous besoin de garder le lien avec notre communauté, que ce soit par les réseaux sociaux, les courriels ou les textos », indique Pierre-Majorique Léger. « Comme il est difficile de savoir qui souffre de ce problème, il vaut mieux être proactif », conclut Stefan Tams.


Note

1 Stefan Tams, Renaud Legoux, Pierre-Majorique Léger, Smartphone withdrawal creates stress : A moderated mediation model of nomophobia, social threat and phone withdrawal context, Computers in Human Behavior, Volume 81, Avril 2018