Comment reconquérir le cœur d'un client qui nous a quitté?

Avant d'offrir, comme Jacques Brel l'a si joliment écrit dans Ne me quitte pas, « Des perles de pluie / Venues de pays / Où il ne pleut pas » à ces clients qui nous ont quittés, il y a sûrement quelque chose de plus simple à faire!

C'est, à tout le moins, ce que prétendent les professeurs Kumar, Bhagwat et Zhang dans un récent article scientifique¹ mentionné dans la dernière parution de la Harvard Business Review (lire « Winning Back Lost Customers »). Les trois universitaires se sont intéressés, dans le cadre de leur recherche, aux motivations et aux comportements de quelque 53 000 clients ayant déserté les rangs d'une entreprise de télécoms sur une période de sept ans, question de voir si le jeu de (re)séduction en valait vraiment la chandelle.

Pourquoi s'acharner?

Acquérir un nouveau client est largement plus coûteux que de travailler afin d'en conserver un, nous le savons. Toutefois, tenter de reconquérir un ancien client, une action qui constitue somme toute un entre-deux, est-il avantageux? À cette interrogation, notre trio d'universitaires répond par l’affirmative! De fait, trois raisons devraient motiver les entreprises à conter à nouveau fleurette à leurs anciens clients. Primo, ceux-ci ont démontré par le passé le besoin d'acquérir le bien ou le service offert par l'entreprise. Donc, pas de stratégie de conviction à déployer de nouveau. Secundo, ces clients infidèles connaissent déjà relativement bien l'entreprise et son offre. À nouveau, peu ou pas d'éducation à faire à ce chapitre. Tertio, les mégadonnées (big data) permettent aujourd'hui de mieux cibler le profil de ces déserteurs. L'entreprise peut dès lors mieux préparer sa riposte.

Jumeler le bon client avec le bon argument

Ce que l'étude nous apprend au passage, c'est que certaines motivations à abandonner l'entreprise sont certes plus « molles » que d'autres, et que cette dernière peut y voir. Il appert en effet que les clients qui ont référé une personne à l'entreprise, qui ne se sont jamais plaints ou qui ont vu leur plainte prise en considération et dont le problème a été résolu à satisfaction sont les plus enclins à rétablir la relation commerciale avec l'entreprise. Et gare aux relations que vous entretenez avec vos clients actuels! Le prix de vos produits ou de vos services pourrait inciter ceux-ci à revenir s'ils venaient éventuellement à vous quitter, mais vous aurez moins de chances de les récupérer s'ils ont fait les frais d'un mauvais service chez vous. À retenir, donc!

Sortir l'artillerie lourde?

La tentation sera peut-être grande pour une entreprise donnée de déployer une panoplie de ressources afin de ramener au bercail les brebis égarées. Est-ce une bonne tactique? Probablement pas, si l'on se fie aux résultats d'un test mené par les professeurs Kumar, Bhagwat et Zhang. Ceux-ci, avec la complicité de l'entreprise de télécoms citée dans leur étude, ont présenté aux clients infidèles quatre offres (un rabais, un rehaussement, une offre combinée ou une offre sur mesure) s'échelonnant de 105 dollars à 225 dollars. Malgré le fait que le prix de ces propositions allait du simple au double, l'écart entre les taux de « raccrochage » de ces mêmes clients était, quant à lui, beaucoup plus restreint, de 41 % à 47 %. Difficile de déterminer la stratégie la plus efficace... À moins, comme nous le suggèrent les auteurs de l'étude, de « pousser » davantage pour une offre générant un meilleur retour sur l'investissement. Dans le cas du test ci-haut mentionné, l'offre du rehaussement a été celle qui a connu le taux de « raccrochage » le plus bas (41 %), mais elle aura généré un retour de près de huit fois l'investissement initial pour l'entreprise. À l'inverse, l'offre ayant connu le plus grand succès (47 %) est celle qui offrait un retour le plus modeste, soit seulement trois fois l'investissement de départ.

La meilleure solution afin de ne pas perdre de clients demeure toujours de les satisfaire, ça va de soi! Mais si une telle chose devait survenir, rien n'est définitivement joué et tentez, avec les bons arguments, de les reconquérir!


¹ Kumar, V., Bhagwat, Y., & Zhang, X. (2015). « Regaining “Lost” Customers: The Predictive Power of First-Lifetime Behavior, the Reason for Defection, and the Nature of the Win-Back Offer ». Journal of Marketing, 79(4), pp. 34-55.