Diagnostic publié dans l'édition automne 2018 de Gestion

Pour contrer l’oubli provoqué par la succession ininterrompue des nouvelles quotidiennes, Gestion décortique les enjeux qui se cachent derrière les grands titres.

À l’automne 2017,  la chaîne d’épiceries Metro a fait l’acquisition du Groupe Jean Coutu pour 4,5 milliards de dollars. Après cette transaction, d’aucuns ont soutenu que ce nouveau « géant du commerce de détail » serait vulnérable à des offres d’achat hostiles. Metro, contrairement à Jean Coutu, n’a pas d’actionnaire majoritaire. En fait, près de 80 % de son capital disponible est détenu par un actionnariat à propriété diffuse (moins de 5 % de participation par actionnaire), d’où sa fragilité à une éventuelle offre d’achat. Si, dans l’absolu, cet argument semble convaincant, il est très peu plausible à mes yeux, et ce, pour plusieurs raisons.


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Il s’agit tout d’abord d’une question de taille. Beaucoup semblent impressionnés par ce nouveau « géant ». Pourtant, la somme de deux petits joueurs ne crée pas pour autant une énorme entité. Par rapport aux Walmart et aux Carrefour de ce monde, Metro reste un poids plume dans sa catégorie : je ne pense pas que les grosses pointures s’y intéressent beaucoup.

Des motifs d’ordre sentimental jouent aussi : après tout, il s’agit ici de l’union de deux fleurons québécois. Peut-on imaginer qu’un tiers étranger, voire canadien-anglais, se porte acquéreur de cette nouvelle entreprise sans que personne réagisse au Québec ? C’est impensable à l’heure actuelle. Le rachat de RONA par l’américain Lowe’s a laissé des marques. Et ce sont précisément ces stigmates qui pousseront le gouvernement du Québec à agir.

Il ne faut surtout pas sous-estimer le pouvoir administratif et politique : les marchés financiers ne sont pas aussi libres et indépendants qu’on pourrait le croire. Si le gouvernement décide d’empêcher une transaction ou de lui nuire, il en a largement les moyens : refus de délivrance de permis, retard dans le traitement du dossier, etc. Et, en l’espèce, il n’a aucune envie d’être tenu responsable du départ d’un tel fleuron du giron québécois.