Point de vue publié dans l'édition automne 2018 de Gestion

À l’approche des élections provinciales, il est important d’avoir un portrait clair des finances publiques du Québec. Or, les travaux de l’Institut du Québec (IdQ) démontrent que l’équilibre budgétaire demeure vulnérable.

mia hamsy

Mia Homsy, directrice de l'Institut du Québec


Il est toutefois possible d’agir concrètement pour le consolider à moyen et à long terme et, surtout, pour limiter les répercussions des cycles économiques et électoraux sur les services publics et sur le fardeau fiscal des Québécois.

Des finances en bon ordre

Le premier ministre Philippe Couillard s’est fait élire en 2014 en promettant notamment de revenir à l’équilibre budgétaire et de réduire la dette publique. Pour y parvenir, son gouvernement a avant tout ralenti la croissance des dépenses de programmes. Résultat : en 2015-2016 et en 2016-2017, le gouvernement québécois a dégagé des surplus de plus de deux milliards de dollars après avoir versé successivement 1,6 G$ et 2 G$ au Fonds des générations, qui a pour but de réduire l’endettement public. D’autres surplus sont prévus pour 2017-2018. Cela constitue donc un revirement significatif par rapport à la tendance qui avait cours depuis près d’une décennie au Québec.

« Quel serait l'effet sur les finances publiques québécoises d'une récession d'ampleur moyenne au Québec ? »


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Les plus récentes prévisions indiquent aussi que le gouvernement est en voie d’atteindre et même de devancer ses objectifs pour 2025-2026, qui consistent à limiter la dette brute du Québec à 45 % du PIB et la dette des déficits cumulés à 17 % du PIB. Si cela se concrétise, la réduction du poids de la dette permettra au gouvernement d’avoir une certaine marge de manœuvre lorsque l’économie tournera au ralenti.

Au cours des prochaines années, le gouvernement prévoit maintenir un budget équilibré en limitant la croissance annuelle des dépenses de missions entre 2,5 et 3 % et en ayant recours à la réserve de stabilisation, un fonds théorique constitué des surplus antérieurs. C’est d’ailleurs l’usage de cette réserve qui, pour l’année 2018-2019, permet de financer une croissance des dépenses supérieure à celle des revenus, et ce, en période de croissance économique. Les surplus des dernières années démontrent que le cadre budgétaire est prudent et il faut poursuivre sur la même voie. En effet, le vieillissement de la population limitera le potentiel de croissance des revenus et accentuera la pression sur les coûts des soins de santé.

L’effet d’une récession sur les finances publiques

L’IdQ a donc tenté de prévoir l’effet, sur les finances publiques québécoises, d’une récession d’ampleur moyenne au Québec. Un tel scénario type pourrait entraîner un déficit supplémentaire de 2 G$ l’année même du déclenchement de ce ralentissement économique. Si aucun ajustement n’était apporté à la croissance des dépenses ou au fardeau fiscal, le manque à gagner s’élèverait à 13,1 G$ sur cinq ans et à 20,5 G$ sur sept ans.

« Il faut profiter de l'embellie actuelle pour accroître la capacité d'emprunt du Québec et pour assurer un contrôle serré de la croissance des dépenses publiques »


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Deux scénarios

En posant l’hypothèse d’un fardeau fiscal stable, l’IdQ a modélisé deux portraits des répercussions d’une récession sur les services publics et sur l’endettement de l'État.

Scénario 1 : retour à l’équilibre budgétaire sur une période de cinq ans (conformément à la Loi sur l’équilibre budgétaire). Le déficit accumulé sur cinq ans serait alors de l’ordre de 10 G$ après contribution au Fonds des générations. (Il s’élèverait à 3 G$ si on excluait ces versements.)

Par ailleurs, la croissance des dépenses de programmes devrait être nettement moins élevée que l’augmentation des clientèles des services publics et que l’inflation.

Scénario 2 : retour à l’équilibre budgétaire en sept ans. Le déficit accumulé serait alors de l’ordre de 16 G$ après contribution au Fonds des générations (ou de 3,7 G$ si on excluait ces versements). La hausse des dépenses de programmes suivrait une trajectoire décroissante mais serait légèrement moins abrupte que dans le scénario 1.

Les résultats de ces simulations sont sans équivoque : des compressions dans les dépenses de programmes ou une hausse significative du fardeau fiscal, voire les deux à la fois, seraient inévitables pour retrouver l’équilibre. Par ailleurs, plus l’endettement sera faible, plus le gouvernement sera capable de tolérer les déficits et d’effectuer un retour à l’équilibre de façon graduelle.

La prudence reste de mise

L’économie québécoise est présentement en bonne posture, mais nous devons nous préparer en vue de la prochaine récession. Il nous faut donc agir dès maintenant, tout d’abord en profitant de l’embellie actuelle pour accroître la capacité d’emprunt du Québec et pour assurer un contrôle serré de la croissance des dépenses publiques. Autrement dit, nous devons à la fois libérer de l’espace sur la carte de crédit du Québec afin de préserver notre capacité d’emprunt en prévision des mauvais jours et éviter d’accroître les dépenses publiques de façon marquée alors que l’économie tourne à plein régime. Une telle stratégie à long terme constitue le meilleur moyen de limiter les répercussions des ralentissements économiques sur les services publics et sur la fiscalité des Québécois.

Il est impératif de plafonner à 2 G$ le solde de la réserve de stabilisation, qui s’élève à plus de 5 G$ en ce moment, et de mieux en baliser l’utilisation. Cette réserve devrait servir uniquement à court terme lors des imprévus et des ralentissements économiques légers. Au-delà de 2 G$, les surplus devraient avant tout servir à rembourser la dette.

Il peut être tentant pour des élus de profiter d’une embellie économique pour multiplier les engagements électoraux coûteux. Or, c’est exactement l’inverse qu’il faut faire : on doit rembourser la dette publique quand tout va bien mais protéger les services à la population et stimuler l’économie quand ça va mal.