Dans le monde des affaires, le moindre bouleversement socioéconomique peut devenir l’équivalent d’un tremblement de terre de magnitude 9. Pour survivre, les entreprises chercheront à être plus agiles afin de s’adapter au contexte. Qu’est-ce que cela signifie dans le quotidien?

Pour Claude Emond, coach en performance organisationnelle et président de Quali-Scope, l’agilité, c’est la capacité et l’habileté d’une organisation à se transformer, à apprendre, à innover, à se réorganiser, à se redéfinir, à s’adapter rapidement et en continu, dans un environnement d’affaires en perpétuel changement. « C’est un mouvement de masse qui permet de bouger ensemble », précise l’expert.

Si cela semble être essentiel pour naviguer dans ce monde en perpétuel changement, peu d’entreprises y arrivent. Claude Emond cite son collègue Marcel JB Tardif, chargé de cours en management à HEC Montréal, qui sépare les entreprises en deux catégories : les fragiles (91 %) et les agiles (9 %). Ces dernières fonctionnent dans la transparence, la décentralisation, la reconnaissance, l’éthique, l’équité et l’imputabilité.

Pour atteindre cet idéal, l’intention doit venir du haut. « Les dirigeants doivent faire confiance à leurs employés pour aller vers l’agilité, affirme Claude Emond. Parce que les patrons ne décideront pas tout seuls. Grâce à la cocréation, au codéveloppement, ils trouveront le chemin ensemble, au fur et à mesure. »

Savez-vous où aller?

Avant de partir en mode agile, la haute direction doit donner une orientation claire à son équipe. Cette mission est souvent plus complexe qu’elle en a l’air. Si les entreprises ont généralement une planification stratégique qui comprend plusieurs grands axes, Claude Emond réalise que ces éléments n’ont souvent pas la même importance pour les différents membres de la haute direction.

« Le problème, c’est que les hauts dirigeants d’une entreprise tiennent pour acquis qu’ils ont les mêmes attentes, constate-t-il. Tant qu’ils ne sont pas capables de s’aligner sur les priorités stratégiques, ils ne pourront pas faire descendre cette direction dans l’organisation. »

Par contre, donner une orientation claire ne signifie pas tomber dans la microgestion. « Si on entre trop dans les détails, on perd son temps, déclare M. Emond. La haute direction doit dire où aller, mais elle ne connaît pas le chemin et ce n’est pas à elle de le trouver. Elle doit laisser les gens travailler une fois qu’ils ont l’orientation. »

Voulez-vous y aller?

Une fois que la direction est claire, encore faut-il que les employés veuillent la prendre. Cela demeure un défi pour les organisations. D’après Gallup, seulement 15 % des employés dans le monde sont engagés. Un élément crucial pour faire partie de ce maigre pourcentage est que les employés doivent voir le sens de leur travail.

Ce n’est pas dans toutes les organisations que le sens des efforts investis est évident. Prenons par exemple une entreprise de technologies de l’information qui travaille sur différents projets. « Il faut d’abord prendre le temps d’expliquer les projets aux employés pour qu’ils en aient une compréhension globale, puis leur demander sur lequel ils préféreraient travailler et ce qu’ils veulent en retirer comme expérience, explique Claude Emond. Ça ne coûte rien, mais ça fait toute une différence pour les employés. Ça leur permet de sentir qu’ils appartiennent à quelque chose. »

Voir le sens de son travail améliore d’ailleurs la productivité des employés. « De six fois, précise l’expert. C’est bien normal. Parce que s’ils ne savent pas ce qu’ils font là, qu’ils ne rentrent pas travailler avec leur cœur, ils ne feront qu’attendre la fin de la journée. Personne ne veut fournir un livrable sans en comprendre le sens. Le gestionnaire a la responsabilité de créer un environnement de travail mobilisateur.»

Avez-vous les ressources pour y aller?

Pour qu’une entreprise fonctionne bien en mode agile, il faut aussi s’assurer que les équipes ont les ressources nécessaires à court terme pour réaliser la première partie du chemin menant à la destination.

« Les dirigeants doivent faire confiance à leurs équipes et leur fournir les ressources demandées, soutient M. Emond. Sinon, cela créera un sentiment de colère, parce que le personnel se retrouvera incapable d’agir et pourrait avoir envie de se trouver un emploi ailleurs. »

Une partie importante de la responsabilité du gestionnaire d’une équipe agile est d’ailleurs de s’assurer que la haute direction lui fournit les ressources nécessaires.

Êtes-vous allé là où vous vouliez?

Une fois que l’équipe agile a ce dont elle a besoin pour travailler, il faut la laisser aller pour qu’elle réalise la première partie du projet. « Ça peut durer une semaine, deux semaines, un mois : c’est en fait la longueur de la certitude, de ce qu’on peut planifier », estime Claude Emond.

En mode agile, les gens sont capables de s’autogérer à 90 % du temps, évalue l’expert. « Mais, le gestionnaire est essentiel pour l’autre 10 % du temps », précise-t-il.

Une responsabilité cruciale du gestionnaire est de faire le bilan après un sprint de travail. « Il faut regarder ce qu’on a accompli versus ce qu’on voulait accomplir pour pouvoir s’ajuster, insiste M. Emond. L’objectif, c’est la vélocité, soit d’aller vite, mais dans le bon sens. Avec la méthode agile, on peut donc se casser la gueule de bonne heure pour apprendre rapidement de ses erreurs. »

L’agilité permet ainsi à l’organisation d’être plus performante. D’après une récente étude de McKinsey, cette méthode améliore l’engagement des employés de 20 à 30 points, la performance des opérations de 30 à 50 % et la satisfaction des clients de 10 à 30 points. Le tout permet d’augmenter la performance financière de l’organisation de 20 à 30 %.

Même si la méthode agile tient ses promesses, Claude Emond prévient qu’il ne faudrait pas tomber dans le piège de la recette. « Dans ce qu’on voit circuler actuellement sur la méthode agile, on en arrive presque à croire que c’est une religion, qu’il y a seulement une façon de faire, remarque-t-il. Mais l’agilité, c’est de s’adapter au contexte. Il n’y a pas une recette à suivre. »