Des entreprises de Chine s'établissent aux États-Unis en raison... des coûts moins élevés de sa main d'oeuvre!

Au cours des trois ou quatre dernières décennies, on a vu beaucoup d'emplois, essentiellement dans le secteur manufacturier, se perdre au profit des pays du Sud-Est asiatique. Ce phénomène d'ampleur a touché nombre de nos entreprises au Québec, au Canada et également aux États-Unis. Dure application des lois du marché, surtout lorsque des personnes, des familles et des communautés entières sont frappées de plein fouet.

Est-ce à dire, toutefois, que ces mêmes lois ne sont appelées qu'à fonctionner dans une seule direction? Certes pas, et un récent article du Wall Street Journal en a fait l'éloquente démonstration hier. Cet article du journaliste économique Bob Davis (lire « This Chinese Company Moved Production to South Carolina to Save Money ») nous apprend en effet que de plus en plus d'entreprises chinoises s'implantent désormais aux États-Unis, pratiquement pour les mêmes raisons évoquées par bon nombre d'entreprises qui avaient auparavant déserté l'Oncle Sam.

Cap sur l'Occident!

Pourquoi cet intérêt relativement soudain des entreprises chinoises pour les États-Unis? Une foule de facteurs macroéconomiques ont contribué à piquer la curiosité des hommes d'affaires de l'Empire du Milieu. Aux prises avec le ralentissement économique dû à la crise financière de 2008-2009, Beijing avait à l'époque fortement incité ses entreprises à s'établir sous d'autres cieux, histoire d'écouler les surplus de production de son infrastructure industrielle. Il s'agit là d'une invitation que le groupe Keer, établi à Hanghzou, à 200 kilomètres au sud-ouest de Shanghai, a saisi sans demander son reste! D'autant que pour cette entreprise, le contexte chinois était de moins en moins favorable à l'industrie cotonnière, du fait notamment de la croissance des salaires des ouvriers chinois et des coûts reliés à l'énergie. Mais encore fallait-il trouver la destination de rêve! Pour les dirigeants du groupe Keer, la Caroline du Sud s'est avérée être cette destination. Mais ce choix n'était pas évident au départ, et certains obstacles ont initialement rebuté le groupe Keer : faible niveau d'éducation de la main-d'oeuvre, tensions raciales, absence d'une communauté chinoise établie, entre autres choses...

Savoir persuader

Mais les instances politiques de cet état américain de près de cinq millions d'habitants ont su se montrer convaincantes. Il faut dire que la situation économique précaire de la Caroline du Sud appelait sans doute à certaines concessions. De fait, le gouvernement de l'état a déroulé le tapis rouge devant Keer en accordant au groupe de généreux congés fiscaux et des aides substantielles. Ajoutons à cela la présence d'infrastructures modernes et fiables, de l'énergie abondante et peu chère, du coton tout aussi abondant, de même que des travailleuses et des travailleurs prêts à accepter des salaires relativement bas : tout était dès lors en place afin d'accueillir Keer en terre d'Amérique. En contrepartie, l'entreprise s'est engagée à construire une usine de transformation de coton et à investir jusqu'à 218 millions de dollars dans ses activités industrielles américaines, et ce sur une période de cinq années. Sans compter les centaines d'emplois qui seront ainsi créés...

Serions-nous en présence du syndrome de l'arroseur arrosé? La hausse du niveau de vie des Chinoises et des Chinois a eu des effets surprenants, dont celui de voir nombre d'entreprises chinoises s'établir en Inde, au Bangladesh ou au Vietnam, dans ces contrées où les coûts de production sont moins élevés qu'en Chine elle-même! Tout est affaire de contexte et, on le voit bien avec le cas de la Caroline du Sud, les faiblesses d'hier peuvent devenir les atouts de demain!