Dominique Savoie est devenue la première femme à diriger la haute fonction publique québécoise lorsqu’elle a été nommée secrétaire générale et greffière du Conseil exécutif en 2023. Forte de plus de 30 ans d’expérience, la gestionnaire a bâti son leadership sur des valeurs comme la transparence et la confiance. Rencontre.

Pendant sa carrière, Dominique Savoie a dirigé plusieurs ministères d’importance, comme le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, des Transports ou encore de l’Énergie et des Ressources naturelles. En plein cœur de la pandémie, elle a été nommée sous-ministre de la Santé et des Services sociaux. Aux côtés du ministre Christian Dubé, elle a mené la plus grande campagne de vaccinations jamais déployée au Québec.

Des fonctions qu’elle a occupées dans un contexte sans précédent. «Les gens me demandaient comment je faisais pour dormir le soir, alors que j’avais cette responsabilité sur mes épaules, raconte-t-elle. Mais je ne me suis jamais sentie seule. J’étais soutenue par une dizaine de sous-ministres adjoints qui étaient super compétents. On se voyait souvent, on s’entendait sur les plans de match. Quand on gère une crise, il faut s’ajuster tous les jours, ce qui demande de l’agilité et de l’ouverture. C’est le message qu’il faut donner aux équipes.»

Elle admet qu’elle aurait peut-être décliné cette fonction si elle n’avait pas auparavant agi comme sous-ministre des Transports, un poste qu’elle a conservé de 2011 à 2016. «Nous avons dû gérer de multiples crises opérationnelles, comme l’incendie d’un pont au Saguenay, qui coupait littéralement la ville en deux. Dans de telles situations, il faut agir vite et prendre les bonnes décisions rapidement, en écoutant les équipes.» Un passage qui s’est déroulé en pleine commission Charbonneau, ajoute-t-elle.

Savoir s’entourer

Savoir bien s’entourer est d’ailleurs l’une des clés d’un bon leader, estime-t-elle. «Je n’ai jamais prétendu être une experte, mais je me fie sur les experts. Par contre, je sais poser les bonnes questions pour voir si on est sur la bonne voie, pour comprendre les choses en profondeur.» Or, s’il faut prendre le temps d’analyser la situation, il faut aussi être capable de poser des gestes, même quand ce n’est pas facile, précise-t-elle «On peut longtemps poser des questions et ne jamais prendre des décisions. Ça prend aussi une bonne dose de courage managérial.»

Dominique Savoie parle en connaissance de cause, alors qu’elle s’est retrouvée dans l’œil du cyclone pendant la pandémie. «On a passé des journées et des soirées à se demander ce qui allait rester ouvert ou être fermé, se rappelle-t-elle. C’était dur, parce qu’on savait que cela créerait de l’isolement. Annuler le jour de l’An et les fêtes de Noël, c’était aussi une décision très difficile.»

«En même temps, même si la pandémie a été dramatique, elle a aussi permis de faire les choses autrement.» Elle cite en exemple les vétérinaires, dentistes et autres professionnels ou futurs diplômés qui sont venus en renfort aux infirmières lors de la campagne de vaccination contre la COVID-19. Un décloisonnement qui aura permis au gouvernement du Québec d’atteindre ses objectifs.

Des périodes mouvementées, elle en a vécu d’autres durant sa carrière, notamment lorsque son travail de sous-ministre des Transports a été critiqué publiquement. «Il y avait tout ce qui se disait dans les médias, mais le soutien de mon réseau, que ce soit mon patron, mes collègues et ma famille, a adouci les choses selon moi. Et je n’avais rien à me reprocher, ce qui a été prouvé. Mais c’est sûr que c’était une période difficile. J’ai essayé de prendre du recul, et je me suis mise  sur les lignes de côté un petit bout de temps.»

L’ADN d’un bon leader

Savoir prendre de la distance, c’est une caractéristique des bons gestionnaires, juge-t-elle. «Même si certains trouvent que c’est un terme galvaudé, je pense aussi qu’un leader doit se montrer bienveillant. Cela signifie qu’il faut impliquer les gens, qu’il faut leur laisser de l’espace, les encourager. Il ne faut pas décider tout seul, mais il faut tracer la ligne. Cela donne le ton et les gens vont agir ainsi avec leurs propres équipes.» Pour Dominique Savoie, il est donc important que chacun puisse se sentir à l’aise de lever la main en cas de besoin.

À cela s’ajoute une bonne capacité d’écoute, du courage et de l’authenticité. «En tant que sous-ministre, on rencontre régulièrement les ministres pour des briefings et il y a souvent des décisions qui ne sont pas faciles à prendre. J’essaie toujours d’être transparente, de nommer les choses, de mettre la table. Je ne suis pas capable de faire croire que tout va bien si ce n’est pas le cas.» Une franchise qui lui sert aussi en tant que secrétaire générale, puisqu’elle doit diriger tous les sous-ministres pour s’assurer entre autres que les priorités du premier ministre seront respectées.  

Forger sa crédibilité

Aujourd’hui grande patronne de la fonction publique québécoise, Dominique Savoie n’a jamais senti qu’elle avait été freinée dans sa progression par le fait d’être une femme. Par contre, elle a dû faire ses preuves à cause de son âge, ayant obtenu son premier poste de gestionnaire à trente ans et de sous-ministre adjointe dans la quarantaine, ce qui est relativement jeune pour ce genre de fonctions. Heureusement, affirme-t-elle, ses patrons de l’époque ont toujours cru en ses capacités et l’ont poussée à sortir de sa zone de confort.

Elle conseille d’ailleurs aux jeunes femmes d’oser elles aussi. «Je trouve que les femmes en particulier attendent d’avoir toutes les conditions gagnantes avant de se lancer. Est-ce que je connais bien le dossier? Est-ce que je suis prête? Il faut parfois sauter dans le vide pour essayer quelque chose de nouveau, car c’est ainsi qu’on apprend. Si les gens nous offrent une opportunité, c’est qu’ils nous font confiance. Il faut donc se faire confiance nous aussi.»

Si elle s’était posé trop de questions, Dominique Savoie n’aurait jamais accepté de devenir sous-ministre des Transports, confie-t-elle. «Je ne regrette tellement pas d’avoir accepté, même si cela n’a pas toujours été facile. Ce n’était pas un arc-en-ciel chaque jour, mais ce sont les obstacles qui nous permettent de grandir!»

Aujourd’hui, Dominique Savoie est particulièrement fière d’être la première femme secrétaire générale et greffière du Conseil exécutif. «J’ai reçu plusieurs témoignages, particulièrement de la part de femmes qui étaient touchées par ma nomination.» Un parcours qui a d’ailleurs été salué par le prix «Réalisations» remis lors du gala du Prix Femmes d'affaires du Québec 2023, organisé par le Réseau des Femmes d'affaires du Québec.