L’arrivée du printemps peut se révéler propice à une réflexion sur de nouvelles formes de travail[1]. Le bureau vert, qu’on appelle plus couramment «green desking», est l’une des solutions de rechange au travail traditionnel, permettant aux travailleurs à domicile de sortir de chez eux pour télétravailler autrement. S’il est mis en place avec les précautions requises, il contribue même dans certains cas à une amélioration de la productivité.

Une nouvelle tendance pour se démarquer

En français, l’expression «se mettre au vert» sert notamment à définir le fait de partir à la campagne, de fuir la vie citadine ou encore d’être au calme. Or le bureau vert répond justement aux mêmes attentes. La pratique a pris forme en Amérique du Nord au milieu des années 2010 et tend à se développer depuis la pandémie de COVID-19 alors que le marché du travail souhaite se réinventer. Néanmoins, le concept même du bureau en plein air est plus ancien puisque les premiers du genre sont apparus aux États-Unis dès le milieu des années 2000. À cet égard, une étude de l’Université de l’Oregon a mis de l’avant, dès 2011, les bienfaits de l’éclairage naturel et de la proximité avec la nature, tant pour la santé mentale que pour la concentration et l’implication des employés qui peuvent en profiter.

Le bureau vert s’inscrit dans la même lignée que le télétravail, le cotravail rural ou les bureaux flexibles (flex offices en anglais). Le but est d’améliorer le bien-être des travailleurs et de se démarquer en tant qu’employeur dans un contexte concurrentiel de pénurie de main-d’œuvre. Ainsi, l’employeur permet à son personnel de travailler dans un environnement bordé de verdure et de nature. Le bureau vert prend la forme d’un télétravail effectué à l’extérieur et en pleine nature, ou à domicile sur son balcon ou sa terrasse. Il peut aussi s’agir de travailler dans son bureau, mais entouré de plantes.

Une telle pratique permet de créer un lieu de travail harmonieux et apaisant où la nature est présente. Elle peut simplement s’étendre sur quelques heures par jour ou tous les jours de la semaine à certaines périodes de l’année. Il y a moyen de la mettre en place à la campagne ou alors en ville, que l’on habite une maison ou un appartement, et que l’on soit en extérieur ou au bureau. Il faut retenir que le «green desking» repose essentiellement sur certains éléments fondamentaux : le calme, la verdure et la lumière.

Avantages et bienfaits

On s’en doute, le bureau dit «vert» possède de nombreux avantages et bienfaits tels que la diminution du stress par un contact prolongé avec la nature. Comme il se trouve au calme, un bureau de ce genre est à la fois propice au repos et à la concentration, stimulant la créativité et la productivité des travailleurs et leur permettant de sortir de leur routine pour communier avec la nature. La proximité de la nature, de l’air frais, du soleil et d’un lieu décloisonné combinée au fait d’être entouré de certaines couleurs précises (tels le vert, le bleu et le marron) réduisent le stress et apaisent les gens, comme le souligne un rapport Interface paru en 2015. En outre, lorsque le bureau se situe à l’extérieur, il est aussi susceptible de faciliter les rencontres, le réseautage et la socialisation, améliorant ainsi les échanges, le partage et la communication.

Défis et limites

Néanmoins, certains écueils sont à éviter au moment de mettre en place un tel espace de travail. Le bureau vert se heurte en effet à certains défis techniques, comme la nécessité de se trouver dans un lieu où la connexion Internet est suffisamment stable et performante. Il est nécessaire d’être proche d’une zone d’électricité, ou, à tout le moins, de prévoir que ses appareils électroniques soient assez chargés. En outre, les employés doivent être en possession d’équipement informatique nomade (tablettes, téléphone intelligent, ordinateur portable, etc.).

Sur le plan ergonomique, le bureau vert doit offrir un certain confort pour la santé physique des employés qui adoptent cette formule. Travailler sur une table de pique-nique dans un parc ou contre un arbre en forêt a, disons-le, ses limites!

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le bureau vert en extérieur est dépendant du temps qu’il fait dehors (pluie, canicule…) ou des nuisances sonores à proximité (circulation intense de véhicules, travaux dans la rue, etc.). Également, selon les pays et régions où l’on se situe, le bureau vert pourra s’inscrire sur une période plus ou moins longue à l’intérieur d’une même année de travail.

Les risques et les limites semblent s’atténuer davantage lorsque le bureau vert s’organise à l’intérieur, mais l’originalité de la pratique et la communion avec la nature s’en trouvent réduits par la même occasion.

Quelques exemples inspirants

En Allemagne, l’entreprise Outside loue un espace mobile qu’elle implante dans différents sites en pleine nature en vue de stimuler l’inspiration de ses employés pour une ou plusieurs journées de travail consécutives. Le bureau vert devient alors mobile et créé par l’employeur au profit du personnel.

En Californie, l’entreprise Denizen loue quant à elle des espaces de travail déjà aménagés dans les bois. Ces lieux, situés en plein cœur de la forêt, prennent la forme de petites cabanes qui sont meublées de façon ergonomique et qui bénéficient d’un réseau Internet à haute vitesse.

Les îlots d’été à Montréal

En matière de bureaux verts, la Ville de Montréal donne l’exemple. Les premiers espaces de travail en plein air ont été mis en place dès 2017 dans le Mile End par l’organisme à but non lucratif Îlot 84, qui a alors implanté un réseau de stations de travail extérieures gratuites, le but étant d’améliorer l’expérience urbaine des travailleurs montréalais.

À l’été 2022 – et jusqu’au mois d’octobre de la même année –, un réseau d’Îlots d’été s’est développé dans plusieurs quartiers de Montréal. À ces espaces formés de cabines de travail se sont aussi ajoutées des aires ouvertes extérieures composées de plusieurs stations de travail et de salles de réunion en plein air. L’objectif d’une telle initiative : revitaliser le centre-ville après une période pandémique difficile. Le résultat a été probant puisqu’en quelques mois seulement, 400 réservations ont été faites et quelque 10 000 visiteurs se sont essayés à ces bureaux verts. Devant un tel succès, l’expérience sera reconduite au printemps 2023.

En résumé, bien que le «green desking» puisse être perçu par certains employeurs comme un effet de mode, la dernière décennie démontre bel et bien les bienfaits de la pratique sur la productivité. Certaines séquelles postpandémie sont encore présentes chez les employés; la période semble donc idéale pour une ouverture vers des pratiques de travail propices à plus de liberté et d’évasion.


Note

[1] Scaillerez, A., «Hybridité du travail : une idée nouvelle pouvant conduire à d’anciennes pratiques», rubrique Regards croisés – Travail et organisation hybrides en question(s), Question(s) de management, no 40, septembre 2022, p. 121-152.