Le défi du président Joko Widodo est à la mesure du pays : immense et complexe!

Démographie et Économie Indonésie comparée au CanadaDans le palmarès des pays les plus populeux de la planète, il en est un qui passe probablement inaperçu, et qui ne devrait toutefois pas : l'Indonésie. Le détenteur de la quatrième place de ce palmarès est un véritable casse-tête en soi : 256 millions d'habitants entassés sur les 13 500 îles et îlots de cet immense archipel, une population jeune, et une économie qui émerge peu à peu, mais dont l'élan est encore freiné par le lourd héritage des décennies de dictature, par le dirigisme économique d'alors et par la corruption.

Si la description de tâche semble bien peu attrayante, cela n'aura pas empêché Joko Widodo, l'ancien gouverneur de la région administrative de Jakarta, qui comprend la capitale du même nom, de déposer sa candidature à la présidence du pays, candidature qui fut plébiscitée par les Indonésiennes et les Indonésiens en octobre 2014.

Ce dernier aura fort à faire, et c'est un euphémisme! Le président Widodo, dont l'image d'homme simple et près du peuple passe bien auprès de la population, doit d'abord s'attaquer à la croissance économique du pays, qui peine à atteindre le niveau espéré. Tel que mentionné dans l'article « Roll out the welcome mat », faisant partie du dossier spécial consacré récemment à l'Indonésie par The Economist, le Groupe de la Banque mondiale estime que le PIB du pays devra obligatoirement surpasser les 8 % si le pays entend absorber les 2,5 millions de jeunes qui viennent joindre la population active du pays à chaque année! Mais on est loin du compte à l'heure actuelle.


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À cet égard, le président Widodo a rapidement compris que les assises économiques de l'Indonésie devaient évoluer, et plus tôt que tard. Cela concerne notamment la structure de l'économie, encore trop axée sur l'extraction des matières premières, telles l'huile de palme (premier producteur mondial), le caoutchouc (second producteur mondial), l'étain (idem) et le pétrole brut (vingt-deuxième producteur mondial), alors que le prix de ces matières connaît une baisse généralisée depuis deux ou trois années. Le président veut voir l'économie indonésienne se diversifier davantage et cherche à accroître la part du secteur manufacturier et celui des services dans le PIB national.

Mais pour y parvenir, l'Indonésie aura un sérieux rattrapage à faire quant à la facilité à y faire des affaires et quant à l'ouverture de son marché à l'investissement étranger. Toujours selon des données du Groupe de la Banque mondiale, l'Indonésie se classe au 109e rang au chapitre de la facilité à faire des affaires (ease of doing business), et ne fait guère mieux quant à la corruption, l'archipel se classant au 107e échelon, sur 174 pays, du Corruption Perceptions Index 2014 de l'organisation Transparency International. Rien pour aider ce pays qui, historiquement, s'est toujours montré hostile à la présence d’entreprises étrangères sur son territoire. « On n'attire pas les mouches avec du vinaigre », dit le proverbe... Et si on pouvait le faire, encore faudrait-il pouvoir, pour attirer ces investissements étrangers, compter sur des infrastructures de transport adéquates. Et, à ce titre, le défi que constitue la construction et l'entretien de telles infrastructures, surtout maritimes, pour cet archipel, le plus grand du globe, est de taille sidérale! Les installations portuaires, trop peu nombreuses, sont vétustes et non efficientes, empêchant le pays de profiter de sa position géographique envieuse, notamment en raison de la présence du détroit de Malacca, l'une des plus importantes routes maritimes au monde. Le manque à gagner à ce chapitre est colossal : une étude de la firme McKinsey estime que le pays devrait investir au moins 600 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie afin de mettre ses infrastructures de transport à jour. C'est tout dire!

Quoi qu'il en soit, l'Indonésie, sous la gouverne de Joko Widodo, entend résolument faire entrer son pays, la plus grosse économie de l'Asie du Sud-Est, dans le giron des grandes nations développées. Son intention déclarée de joindre le Partenariat transpacifique, cet accord de libre-échange dont le Canada est signataire avec onze autres pays, est une autre marque de cette volonté ferme. Occasion, donc, pour ce pays remarquable de s'insérer dans le club des grands. Occasion aussi pour nous, si cette entrée de l’Indonésie au sein du Partenariat transpacifique devait se concrétiser, d'accéder à cet immense marché!