L’écart salarial entre les hommes et les femmes demeure un sujet récurrent et un enjeu d’actualité, même en 2023, puisqu’il subsiste malgré toutes les politiques et initiatives mises de l’avant par les gouvernements et les entreprises privées. En parallèle, d’autres personnes souffrent tout autant d’écarts ayant moins de visibilité médiatique : c’est le cas des personnes transgenres.

La firme McKinsey & Company rapportait en 2021 dans son rapport Being transgender at work que «les employés cisgenres gagnent 32% d’argent de plus par an que les employés transgenres, même lorsque ces derniers ont des niveaux d’éducation similaires ou supérieurs». Les gestionnaires ont, tout comme les entreprises, un rôle à jouer face à cette problématique — rôle qui ne peut être accompli sans une maîtrise des concepts et une compréhension des responsabilités légales qui concernent les personnes transgenres.

Comprendre les concepts relatifs à la transidentité

Selon le guide Intégrer les personnes trans en milieu de travail rédigé par la Fondation Émergence en partenariat avec Aide aux Trans du Québec (ATQ), deux organismes de référence au Québec, une personne trans se définit comme suit : «il s’agit d’une personne qui ne se sent pas en harmonie avec l’identité de genre [...] qu’on lui a attribuée à la naissance». Cette personne peut alors être qualifiée de transgenre. Si elle avait été en harmonie avec l’identité de genre attribuée à la naissance, on l’aurait plutôt qualifiée de personne cisgenre.

Il convient aussi de préciser la différence entre l’identité de genre, l’expression de genre et le sexe biologique. D’abord, on notera que l’identité est un sentiment intérieur et intime, comme se sentir homme ou bien ne se sentir ni homme ni femme (non binaire), tandis que l’expression de genre est plutôt ce qu’une personne affiche par ses comportements, son apparence physique, ses pronoms et son prénom d’usage. Ainsi, une personne s’appelant Marc, ayant un style vestimentaire traditionnellement masculin et une barbe aurait une expression de genre masculine. Finalement, lorsqu’on réfère au sexe d’une personne, il s’agit de ce que la biologie définit comme mâle, femelle ou intersexe d’après de nombreux critères comme les organes reproducteurs, les hormones et les chromosomes.

L’importance de respecter les pronoms des personnes

Deux décisions rendues en 2021 par le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) et par son homonyme de la Colombie-Britannique, le B.C. Human Rights Tribunal (BCHRT), ont réaffirmé que de ne pas utiliser les bons pronoms d’une personne constituait de la discrimination. Pour sa part, le BCHRT a statué que «les employés transgenres ont droit à la reconnaissance et au respect de leur identité et de leur expression de genre, ce qui commence par l’utilisation correcte de leur nom et de leurs pronoms».

Dans les faits, l’usage d’un pronom neutre remonte à aussi loin que 1205, année où le poète médiéval André de Coutances utilisa le terme «aol» dans son texte Li Romanz des Franceis! Aujourd’hui, les pronoms neutres existent sous des formes multiples et variées — les plus connues étant le «iel» (il + elle) et le «ceuzes» (ceux + celles). En plus de respecter les pronoms des personnes, des astuces simples peuvent contribuer au maintien d’une ambiance de travail inclusive :

  • Lorsque vous vous présentez, dites votre nom ainsi que vos pronoms, par exemple : «Je m’appelle Loïc et mes pronoms sont il/lui». Ce faisant, vous invitez la personne respectueusement et avec tact à vous exprimer sa préférence;
  • Dans vos échanges électroniques et même sur certains réseaux sociaux comme LinkedIn, indiquez vos pronoms pour montrer que vous êtes conscients du sujet et que vous désirez mener par l’exemple;
  • Intégrez le langage épicène dans vos salutations, en préférant les terminologies qui évacuent le genre, telles que «Bonjour l’équipe» ou «Salut tout le monde», par opposition à «Bonjour mesdames/messieurs».

Les principales responsabilités légales envers les personnes trans

Outre l’utilisation adéquate du prénom et des pronoms d’une personne, d’autres responsabilités légales incombent à l’employeur. L’une d’entre elles est de donner à la personne trans le choix de son vestiaire ou de sa toilette, tout en maintenant son intégrité physique et sa santé si une situation conflictuelle venait à se produire. Malgré le fait que la jurisprudence soit plus rare sur ce sujet spécifique, un événement de 2016 où une personne transgenre avait été expulsée des toilettes d’un bar par la force a permis de rappeler ce droit fondamental. En effet, le TDPO avait alors tranché en faveur de la personne trans et ordonné au propriétaire du bar de la dédommager financièrement.

Dans le même ordre d’idées, au Québec, la Charte des droits et libertés de la personne prévoit qu’un employeur a le devoir d’accommoder, si nécessaire, son personnel transgenre. Conséquemment, à titre d’employeur et de gestionnaire, il vaudra mieux être proactif que réactif dans le cas d’une personne effectuant une transition sociale, telle qu’un changement de nom, ou médicale, comme une thérapie hormonale. L’Autre Cercle, une association française de référence pour l’inclusion LGBTQ+ en milieu de travail, propose d’ailleurs un guide étayant les bonnes pratiques à adopter dans ce contexte. Une autre de ces responsabilités se rattache au contexte de l’embauche ou de la promotion, où l’employeur a l’obligation de faire abstraction de l’identité et de l’expression de genre afin de prendre sa décision. Enfin, le droit à la vie privée et à la confidentialité est d’autant plus important pour les personnes trans : la transidentité ne doit donc pas être divulguée sans le consentement explicite de celles-ci.

Ainsi, pour réduire les écarts entre collègues transgenres et cisgenres en milieu de travail, un climat d’ouverture et de respect s’avère une base solide sur laquelle bâtir le changement.

Cet article a été rédigé avec l’appui de l’experte en inclusion LGBTQ+ en milieu de travail Olivia Baker de la Fondation Émergence.