L’efficacité économique cherche à minimiser les effets de substitution. Pour ce faire, elle demande de suivre le principe suivant : pour obtenir une recette donnée, il est recommandé de réduire le taux de taxation tout en augmentant l’assiette de la taxe. Si l’objectif de l’efficacité économique vise ainsi à réduire le gaspillage, n’en découle-t-il pas que ses enseignements devraient être suivis par les gouvernements sensibles aux pertes inutiles ?

Au cours des dernières décennies, d’importantes réformes se rapportant à différentes sources de recettes ont en effet suivi l’enseignement de la morale économique. Il s’agit d’en dresser une image globale pour les trois principales taxes que sont :

  • l’impôt sur le revenu des particuliers,
  • les taxes sur la consommation,
  • l’impôt sur le revenu des sociétés.

Une tâche colossale

Pour dépenser plus de 40 % de la production, comme c’est le cas au Canada (40,3% du PIB en 2015) et encore davantage au Québec, les gouvernements sont obligés de recourir à de hauts taux marginaux explicites ou implicites de taxation, même pour les personnes à faible revenu. Il ne peut en être autrement, puisque les riches ont le défaut d’être peu nombreux.

L’impôt sur le revenu des particuliers, un impôt général sur la consommation ?

Au milieu des années 80, les deux recommandations suivantes étaient partagées par la majorité des économistes en fiscalité :

  1. La consommation est plus appropriée que le revenu comme base de la fiscalité directe.
  2. Les taux d’imposition hautement progressifs devraient être évités.

Plusieurs réformes de l‘impôt sur le revenu des particuliers ont suivi ces recommandations. En raison du traitement fiscal de l’avoir dans la résidence principale, de l’épargne retraite et des comptes d’épargne libre d’impôt, l’impôt sur le revenu des particuliers devrait changer de nom.


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En effet, pour la majorité des contribuables, son assiette se limite aux dépenses de consommation. Il devient ainsi une forme de taxe sur la consommation avec la même incidence que les taxes de vente. Il ne modifie pas le taux de rendement obtenu sur l’épargne.  Au sortir de la guerre, le taux marginal de taxation le plus élevé atteignait 84%. En 1978, le contribuable québécois affrontait 13 taux différents au fédéral et 21 au Québec avec un taux maximal combiné de 68,91 %. En 2017, le fédéral a 5 taux différents contre 4 pour le Québec où le taux maximal combiné s’élève à 53.31 %, soit une baisse de 15,6 unités de pourcentage avec 1978. Les taux marginaux mentionnés sont des taux d’imposition apparents qui doivent être distingués des taux effectifs qui tiennent compte de la baisse des prestations en espèces ou en nature dépendant du revenu. Le taux marginal effectif d’imposition (TEMI) peut être arbitraire et élevé pour des revenus modestes, comme l’illustre le cas suivant : en 2014, pour un couple ayant deux enfants de 7 ans et de 9 ans et deux revenus de travail égaux, le TEMI atteignait 90,9 % à un revenu total de 40 000 $. (Finances Québec, 2014 : 65) Dès 1844, Jules Dupuit avait présenté une démonstration graphique de la proposition suivante : « si on triple l’impôt, l’utilité perdue devient neuf fois plus considérable… Plus les taxes sont fortes, moins elles produisent relativement. L’utilité perdue croît comme le carré de la taxe ». (p. 281) Cette conclusion, encore utilisée aujourd’hui, indique les coûts élevés d’une forte progressivité de l’impôt.

Une base élargie pour les taxes à la consommation

En se limitant à l’aspect taxation, l’efficacité économique demande que l’assiette de la taxe soit la plus englobante possible. C’est précisément ce qu’ont réalisé les réformes de 1991 des taxes fédérale et québécoise : elles venaient taxer les services qui totalisent une part croissante des dépenses de consommation. La taxe fédérale sur les produits et services remplaçait la taxe au niveau des fabricants dont le taux avant la réforme était de 13,5 %. La taxe de vente du Québec est aussi une taxe sur la valeur ajoutée qui se substituait à une taxe de vente au niveau du détail qui exemptait presque tous les services.

Vers une intégration de l’impôt sur le revenu des sociétés

Les profits économiques, qui sont une forme de rente, ne sont pas la base de l’impôt sur le revenu des sociétés ; ce sont plutôt les profits comptables qui incluent le rendement normal sur l’avoir des actionnaires. Au cours des années, deux mesures ont diminué le coût d’efficacité de cette taxe. D’abord, les taux fédéraux ont considérablement baissé : le taux général est passé de 36 % en 1987 à 15 % aujourd’hui. Pour le contribuable recevant directement un dividende d’une société canadienne, il y a une intégration entre la fiscalité des particuliers et celui des sociétés. Le dividende devient ainsi imposé à un taux similaire à celui d’une autre source de revenu. De plus, la taxation de seulement la moitié du gain de capital sur les actions peut être perçue comme une forme d’intégration des deux impôts.   Ces exemples montrent que réformes fiscales des dernières décennies ont suivi des prescriptions de la morale économique en taxation. Il faut s’en féliciter. Qu’en est-il des revers dans l’application de cette morale ? Pour ne pas gâter la satisfaction, ce sujet attendra.