Avec le retour du printemps, alors que la sève se remet à couler dans les érables et que les chalumeaux rendent le précieux liquide qui servira à la fabrication de tous les produits de l'érable, plusieurs producteurs acéricoles du Québec s'inquiètent de la montée en force des Américains dans ce domaine d'affaires précis.

À tous points de vue, le Québec domine lourdement la production canadienne de produits de l'érable. De fait, 85% de la valeur brute des produits de l'érable est générée par les érablières de la Belle Province. Toutefois, comme le signalait la journaliste Ariane Krol dans La Presse, cette situation a priori avantageuse cache peut-être une réalité moins dorée.  De fait, un rapport de la firme de consultants Forest Lavoie Conseil portant sur le développement de l'industrie acéricole nord-américaine révélait dernièrement que la part mondiale de marché pour les produits québécois de l'érable avait fondu, passant de 80% au début de la décennie 2000 à 78% (2002-2006), puis à 69% pour la période 2010-2013. Somme toute, comme le souligne ce même rapport: "Les parts de marché du Québec ont donc diminué de 1,2 % par année en moyenne dans la dernière décennie principalement au profit des États-Unis et, dans une moindre mesure, du Nouveau-Brunswick." Notons toutefois que si ces parts de marché diminuent, les ventes augmentent de près de 10% annuellement depuis cinq ans, aux dires de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec. C'est principalement la menace américaine qui explique cette situation, et qui inquiète également.  Et devant cette dernière, deux clans semblent se dessiner.  D'un côté, la Fédération tient mordicus au système de contrôle de la production et de stabilisation des prix du sirop d'érable.  Ce système, mis en place en 2003, aura permis de garantir aux producteurs des revenus moins soumis aux aléas de la météo ou de la conjoncture économique. D'autre part, en contrôlant davantage le jeu de l'offre et de la demande pour ses produits, la Fédération a ainsi pu faire tripler le prix de la livre de sirop depuis 2000, au plus grand bonheur de ses membres. Toutefois, certains acériculteurs s'élèvent contre ce monopole d'exploitation de la Fédération, et pointent du doigt cette dernière, en lien avec la hausse des parts de marché des produits américains de l'érable.  Ainsi, pour Benoît Girouard, le président de l'Union paysanne, le contrôle du prix élevé du sirop d'érable par la Fédération est en voie de rendre un très mauvais service aux producteurs québécois, à l'égard des marchés d'exportation: "C'est un non-sens économique de cartelliser un système avec un produit d'exportation. Vos concurrents vont saisir l'occasion de marché, alors que vous limitez la production». Du même élan, il rajoute: "(...) notre sirop coûte plus cher parce qu'il y a des prélevés, un contingentement et un prix lié à la réglementation. Ce n'est pas le cas aux États-Unis et au Nouveau-Brunswick." Querelle idéologique ou pas, la bataille de l'érable se livrera sur les marchés de l'exportation, avec la conquête du Japon (les Japonais raffolent des produits de l'érable, selon L'Actualité!) et du marché européen.

Le Québec saura-t-il encore tirer son épingle dans ce domaine d'affaires sucré?  Qu'en pensez-vous?