Les travailleurs à bas salaire luttent pour une hausse du salaire minimum à ce niveau.

La question de la hausse du salaire minimum suscite invariablement des débats houleux, débats qui prennent d'ailleurs assez rapidement une teinte idéologique bien marquée. Pour la gauche, le salaire minimum, peu importe le pays dans lequel on se trouve, ne permet pas aux travailleurs d'accéder à un niveau de vie décent. Pour la droite, et notamment pour les associations représentant les propriétaires de petites et moyennes entreprises, toute hausse du salaire minimum ne fait que réduire davantage la mince marge de manœuvre que ces derniers possèdent, et ne peut conduire in fine qu'à des mises à pied.

Un vent qui tourne

Qui dit vrai? Comme dans tout bon débat idéologique, la vérité se trouve probablement à mi-chemin entre ces deux positions en apparence irréconciliables. Il y a toutefois fort à parier que cette discussion s'inscrit aussi dans le débat plus large entourant la question du revenu minimal garanti qui agite l'Europe au cours des derniers mois. Le vent serait-il en train de tourner en faveur des moins bien nantis? À tout le moins, on sent un intérêt et une mobilisation de plus en plus marqués pour la cause. À l'automne dernier, les travailleurs des chaînes de restauration rapide McDonald’s, Wendy’s, Burger King et KFC de quelque 270 villes américaines étaient descendus dans la rue afin de faire valoir leur point de vue, au nom des 64 millions d'employés (environ 40 % de la population active américaine) travaillant au salaire minimum de 7,25 dollars américains garantis par l'État fédéral. 


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Des appuis de taille

Quoi qu'il en soit, la cause commence à recevoir des appuis de la classe politique, et certes pas les moindres. Le mouvement Fight for $15, qui, comme son nom l'indique, coordonne la lutte nationale pour l'atteinte des 15 dollars minimaux à l'échelle des États-Unis, a reçu aux cours des dernières semaines et des derniers mois des appuis de taille. Le gouverneur de l'État de New York, le démocrate Andrew Cuomo, a fait de la lutte pour les 15 dollars son cheval de bataille et entend aussi faire de l'État qu'il dirige le plus avancé en matière de salaire minimum. En janvier dernier, le gouverneur Cuomo annonçait en effet qu'il allait hausser la rémunération des travailleurs au salaire minimum graduellement à 15 dollars pour tous les employés travaillant dans la Grosse Pomme d'ici 2018, et pour tous les travailleurs de l'État dans la même situation d'ici 2021. Ce faisant, New York deviendrait ainsi l'État possédant le salaire minimum le plus élevé. Proposition audacieuse, mais qui a quand même reçu l'aval de l'actuel vice-président des États-Unis, Joe Biden. Opportunisme ou pas en cette année d'élection présidentielle, la lutte pour les 15 dollars se fait voir et entendre, et c'est sans doute une bonne chose!

À quel niveau se situe le « minimum »?

Salaire minimum de certains pays de l'OCDE

Source : OCDE


Si la proposition du gouverneur Cuomo venait à être adoptée, celle-ci étant comprise dans le budget de l'État à être approuvé en avril prochain, l'État de New York se placerait loin devant le meneur des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Luxembourg, qui offre un généreux 12,40 dollars américains pour ses travailleurs à bas salaires qui, au demeurant, ne doivent pas être si nombreux dans le Grand-Duché qui compte à peine un demi-million d'habitants et une bonne poignée de millionnaires! Quant au Canada, comme le montre le graphique ci-contre, il se situe au bas du tiers supérieur des pays de l'OCDE.

Bref, il fait quand même bon de sentir que les moins bien nantis, notamment les femmes et les membres des minorités visibles, qui forment le gros du contingent des travailleurs au salaire minimum, sont écoutés et même reconnus, dans une certaine mesure. Et si la classe politique, surtout celle orientée à gauche, accorde son appui à la bataille menée pour les 15 dollars, certaines réalités économiques sont aussi peut-être en voie de convaincre quelques titans du capitalisme. Ainsi, en réponse au bas taux de chômage aux État-Unis et devant la rareté de la main-d'oeuvre, certains entreprises telles Walmart ou Costco ont récemment annoncé qu'ils allaient hausser le salaire de leurs travailleurs (lire l’article de Marie-Ève Fournier intitulé « Costco augmentera ses salaires, déjà élevés dans l'industrie », sur le site Internet de La Presse). À défaut du cœur, la raison, essentiellement économique, pourra sans doute aider à rétablir un peu plus de cette justice recherchée pour les travailleurs à bas salaire.