Serions-nous tout près d’assister à la chute brutale de l’un des pans les plus solides de l’american way of life? Voilà que la voiture, ou plus précisément la possession d’un véhicule automobile, symbole d’aisance financière, marqueur du statut social et synonyme de liberté et de conquête des grands espaces, pourrait connaître une fin prématurée, si l’on en croit Adam Jonas, analyste chez Morgan Stanley.

Dans une note aux clients de la célèbre firme de courtage, et rapportée par de nombreux médias (lire l'article du site Internet Bloomberg, par exemple), l’analyste y va d’une prédiction-choc en affirmant que le modèle d’affaires quasi centenaire des constructeurs automobiles, basé sur l’achat et la possession d’un véhicule muni d’un moteur à explosion et conduite par un humain, sera remis en question dans quelques années par l'arrivée sur le marché d’un tout nouveau modèle d’affaires où l’automobile sera partagée, électrique et autonome. Et devinez qui est le mieux placé pour élaborer et concrétiser ce modèle nouveau modèle d’affaires à venir? On vous le donne en mille, Elon Musk et Tesla, dont nous vous avons parlé à maintes reprises au cours des dernières semaines1.

Une fois de plus, le jeune milliardaire d’origine sud-africaine et sa marque automobile sont au cœur de la réflexion d’Adam Jonas. Non pas tant pour le fait qu’un nombre toujours plus grand de voitures seront électriques : même si Tesla possède une notoriété certaine dans ce créneau particulier, elle n’est pas la seule à y œuvrer. Non pas, également, en raison de l’arrivée éventuelle de la voiture autonome : Tesla, Apple, Google, de même que quelques constructeurs (BMW, Toyota) planchent déjà là-dessus. En fait, c’est surtout en raison de la troisième variable du nouveau modèle d’affaires entrevu, celle relative à l’automobile partagée, qu’il faudra surveiller Elon Musk et Tesla, aux dires d’Adam Jonas. Pour ce dernier, il ne fait aucun doute qu’Elon Musk va frapper un autre de ces grands coups d’ici douze à dix-huit mois. L’idée de l’auto-partage, couplée à la voiture électrique et autonome, devrait se concrétiser par la création de Tesla Mobility, une nouvelle filiale de la marque californienne. Bien que la chose soit loin d’être confirmée par le principal intéressé, il n'y a jamais de fumée sans feu! Avec l'arrivée éventuelle de Tesla Mobility, on peut facilement imaginer une flotte de voitures Tesla roulant dans nos rues et sur nos routes, et que l’on pourrait héler, comme on le fait pour un simple taxi. Un nouveau Uber, mais sans chauffeur, quoi!  La formule employée par Adam Jonas pour résumer le nouveau modèle d'affaires entrevu illustre bien la chose : « [...] selling miles in addition to selling cars ». La croissance entrevue pour Tesla (et pour l'industrie automobile en général, qui sait?) reposerait dans le futur non plus sur la vente de voitures, mais sur le nombre de kilomètres parcourus.

On le voit bien, c’est ici tout un mode de vie, toute une façon de penser qui est remise en cause par l’arrivée probable de Tesla Mobility. Voilà un excellent exemple d’un modèle d’affaires innovant2 et qui pourrait semer les germes d’un changement non seulement économique, mais également social majeur, notamment en Amérique du Nord, où l'attachement à la voiture est puissant. Bref, Tesla Mobility pourrait tripler les revenus de la marque assez rapidement, et positionner cette dernière comme meneur dans ce domaine d’affaires particulier. Tout cela mène Adam Jonas à prédire une hausse considérable de la valeur de l’action de Tesla, qui oscillait, au cours des derniers jours, autour de 280 $. Selon l’expert, cette valeur devrait atteindre 465 $ au cours des mois à venir, si évidemment l’annonce qu’il entrevoit concernant Tesla Mobility se matérialise enfin. Investisseurs, soyez avisés!

Notes

1. Lire nos articles « Le dernier coup d'éclat d'Elon Musk et Tesla » et « Innover en décrochant la lune ». 

2. Voir notre dossier spécial sur les modèles d'affaires dans l'édition du printemps 2015 de Gestion (volume 40, numéro 1), de même que l'article « Modèles d'affaires à surveiller », dans ce même dossier.