Au cours de l’année 2022, le contexte économique a profondément changé. La pandémie s’est estompée. Mais d’autres enjeux préoccupants ont émergé. La forte poussée de l’inflation, que les banques centrales du monde tentent de juguler avec des augmentations successives de taux d’intérêt, pèse sur l’économie. La crise du coût de la vie a d’ailleurs été au centre de la dernière campagne électorale au Québec. Mais qu’en est-il des entreprises, comment font-elles face à la situation? C’est ce que nous avons essayé de savoir lors d’un entretien avec Mme Karine Eid, chef des services bancaires aux entreprises pour le Québec et l’Est du Canada chez BMO.

Nous sommes dans des montagnes russes. Au début 2020, avec l’éclatement de la pandémie, l’activité économique a plongé, pour ensuite rebondir avec force en 2021. Des fluctuations importantes dans la demande de certains produits ont contribué à désorganiser les chaînes d’approvisionnement, créant des raretés et des délais. Au début 2022, l’éclatement de la guerre en Ukraine a ajouté à la déstabilisation de l’économie, affectant des marchés clés comme les céréales, l’énergie, les matières premières, tandis que sur le plan des opérations, les entreprises sont confrontées à des pénuries de main-d’œuvre quasi généralisées. Tous ces phénomènes se sont combinés dans une flambée de l’inflation.

Toutes les entreprises sont touchées

Même si l’économie canadienne est demeurée en croissance en 2022, menée par la solide performance du Québec, les hausses de taux agissent et le ralentissement de l’économie est amorcé. La situation devient plus difficile et toutes les entreprises sont touchées, bien que de façon variable.

Il faut aussi se rappeler qu’environ le tiers des entreprises, toutes tailles et tous secteurs confondus, ne se sont pas complètement remises du choc de la pandémie. Alors, évidemment, il y a de l’inquiétude. «Le premier conseil que nous donnons aux propriétaires d’entreprises, c’est de faire un examen très rigoureux de leurs opérations, de la concurrence, de l’évolution des besoins de leur clientèle», affirme Karine Eid. «Ils doivent se donner des stratégies pour tenter de contenir la croissance des coûts et pour diminuer leur vulnérabilité, notamment en cherchant des fournisseurs alternatifs pour éviter les carences des chaînes d’approvisionnement.» 

Ces stratégies vont varier selon les secteurs d’activité et la situation propre à chaque organisation. La taille des entreprises va aussi influencer les actions à prendre. Les grandes entreprises, par exemple, ont une plus grande capacité d’endettement que les PME, et peuvent aussi avoir un plus grand pouvoir de négociation auprès de leurs fournisseurs et clients; ces éléments vont influencer la capacité à contrôler les hausses de coûts.

Pour les PME, l’approche sera différente. Elles n’ont pas la masse des grandes entreprises, mais elles ont aussi des atouts : «Les PME sont menées par des entrepreneurs déterminés, très engagés dans leur entreprise avec des équipes soudées. Ces dynamiques favorisent l’innovation. Pour ces entreprises, faire autrement sera souvent la meilleure solution.»

«Mais, quelle que soit la taille des entreprises, il y a des règles qui devraient guider les propriétaires», rappelle Karine Eid. «D’abord, ne pas hésiter à aller chercher des conseils. Parfois, il faut un regard extérieur pour trouver les bonnes solutions. Les banques et les firmes d’experts-conseils sont là pour aider les organisations à réfléchir. Puis, ne pas attendre. Il faut adopter une gestion préventive, anticiper les difficultés, prévoir différents scénarios pour être prêt à agir au bon moment, avant que la situation ne soit déjà fâcheuse.»

Les pénuries de main-d’œuvre préoccupent davantage

Le contexte actuel est certes préoccupant. Les perspectives économiques se sont assombries et le risque d’une récession au début 2023 est bien présent. Mais le Québec, qui a dominé le palmarès canadien au chapitre de la performance économique en 2021 et 2022, est bien positionné. En effet, la province possède des entrepreneurs de talents, des ressources stratégiques ainsi qu’un système financier solide et bien déployé. De plus, elle  a une économie très diversifiée, présente dans tous les secteurs d’activité, avec des leaders en pleine ascension dans tous les secteurs de pointe comme les technologies, les sciences de la vie, la fabrication, les énergies renouvelables.

D’ailleurs, pour les propriétaires d’entreprises, le défi numéro un n’est pas le ralentissement de l’économie, mais le recrutement et la rétention de la main-d’œuvre, souligne Karine Eid : «Cela signifie que les propriétaires d’entreprises gardent confiance et estiment que le ralentissement sera passager. Cela nous dit également que la stratégie des entreprises pour faire face aux prochains mois devra aussi comporter un volet expérience employé permettant aux entreprises de se démarquer.»

Le ralentissement économique qui se dessine se présente ainsi de manière particulière. Cela pourrait être un repli sans réel recul de l’emploi. Les propriétaires d’entreprises doivent néanmoins être vigilants, se donner des stratégies adaptées à leur réalité, ne pas hésiter à demander conseil et agir de manière préventive.