Au sein de votre organisation, gère-t-on bien les projets? Ces derniers respectent-ils les contraintes de portée, d’échéancier et de coûts? Génèrent-ils les bénéfices attendus? Vos pratiques de gestion sont-elles uniformisées? Et s’adaptent-elles aux différents changements qui surviennent dans votre environnement interne et externe? Dans un contexte où plus de 65% des projets échouent1, il pourrait être souhaitable que vous évaluiez la maturité de vos pratiques en matière de gestion de projet.

Une telle évaluation permet de mesurer la capacité de votre organisation à s’adapter à son environnement, à apprendre et à atteindre – voire à dépasser – ses objectifs sur les plans économique, environnemental ou social. Il s’agit d’un processus à partir duquel les organisations peuvent obtenir un portrait de leur situation actuelle, revoir leur structure et leurs procédures, vérifier comment les projets contribuent à leur stratégie, proposer un plan d’action pour résoudre les problèmes ou profiter des occasions qui se présentent et documenter les progrès réalisés.

Ce processus d’amélioration continue repose sur le postulat selon lequel plus le degré de maturité d’une organisation est élevé, plus les résultats sont prévisibles et moins il y a de risques que des incidents ou des erreurs entraînent des pertes d’efficacité et d’efficience organisationnelle.

La plupart des modèles qui permettent d’évaluer la maturité organisationnelle sont inspirés du Capability Maturity Model (CMM), conçu par le Software Engineering Institute de l’Université Carnegie-Mellon entre 1986 et 1993 pour mesurer la capacité des organisations à gérer leurs systèmes d’information. Le CMM comprend une échelle qui compte cinq niveaux – initial, reproductible, défini, géré et d’optimisation –, chacun représentant un moyen, pour l’organisation, de prioriser et de planifier ses efforts d’amélioration. Précisons qu’une évaluation de la maturité peut s’appliquer de façon générale à toute l’organisation, mais peut aussi s’adapter à un domaine spécifique.

L’importance du cadre de référence

Le cadre de référence joue un rôle crucial dans l’évaluation, puisqu’il permet de structurer les éléments à considérer pour évaluer et renforcer la maturité. La gestion organisationnelle de projet (Organizational Project Management ou OPM en anglais) peut servir de référence pour évaluer l’ensemble des projets réalisés dans l’organisation. Elle comprend les pratiques de gestion qui permettent de coordonner et d’intégrer des activités principalement liées à la réalisation des projets, afin que ceux-ci puissent être en harmonie avec la stratégie organisationnelle et favoriser la création de valeur pour toutes les parties prenantes.

La gestion organisationnelle de projet couvre les activités de gestion à trois niveaux – projets, programme de projets et portefeuille de projets – ainsi que les capacités organisationnelles pour soutenir ces activités à l’intérieur de la structure de l’entreprise. Le Project Management Institute (PMI) propose le Project Management Maturity Model, axé sur un standard2 qui permet d’évaluer la maturité organisationnelle en matière de de gestion de projet en fonction des éléments suivants : la gouvernance pour tous les projets de l’organisation, les méthodologies adoptées pour les réaliser ainsi que les pratiques en matière de gestion des connaissances et des compétences humaines.

Cependant, si vous souhaitez évaluer la maturité d’un seul projet, vous devez considérer les pratiques de gestion de projet nécessaires pour augmenter la probabilité de succès de vos initiatives, et plus précisément la possibilité de générer de la valeur pour les parties prenantes. Dans ce contexte, vous pouvez utiliser comme cadre de référence du projet des modèles qui tiendront compte des éléments comme la définition du projet, sa gouvernance, sa livraison et le transfert des résultats obtenus vers les opérations. Ce sont tous des éléments qui permettent de créer de la valeur pour l’organisation3.

Quelle démarche faut-il suivre?

La démarche d’évaluation préconisée est fondée sur la recherche-action, dans laquelle la collaboration entre des intervenants externes (chercheurs ou experts dans le domaine) et des acteurs internes (responsable des projets, des programmes et des portefeuilles des projets) est primordiale pour dresser le bon portrait de la situation et établir un plan d’action qui respecte le contexte et les priorités de l’organisation. Une telle démarche collaborative est recommandée, car elle permet une certaine souplesse dans le déroulement de l’évaluation et la participation active des principales parties prenantes dans la mise en œuvre de solutions. Elle repose aussi sur une réflexion fondée à la fois sur la théorie et sur la pratique, et permet d’adopter une approche d’implantation progressive ajustée aux contextes organisationnels dynamiques.

Démarche d'évaluation de la maturité organisationnelle4

La démarche préconisée s’inspire d’une stratégie en six étapes (voir le graphique ci-dessous), soit la collecte de données, l’analyse, le retour sur l’analyse, la planification des actions, leur implantation et leur évaluation.

Cette démarche n’est pas linéaire. En effet, il est possible de revenir à une étape antérieure, pour aller chercher certaines informations manquantes ou pour adapter les actions au contexte et à la qualité de la collaboration entre les évaluateurs et les professionnels.

Cette démarche est aussi de nature cyclique, car elle doit être répétée tous les deux à trois ans en vue d’assurer une amélioration continue de la maturité en matière de gestion organisationnelle de projet et de gestion de projet.

Les 5 facteurs clés de succès

1 - Bien préparer sa démarche

Préparer la démarche pour évaluer la maturité d’une organisation en matière de gestion de projet est une étape cruciale, car elle entraîne généralement des changements organisationnels, tant dans les pratiques que dans la structure de gouvernance et de gestion, voire dans la culture de l’entreprise. Pour faciliter une telle démarche, il faut bien comprendre le contexte au sein de l’entreprise, identifier quels sont les directions organisationnelles et les participants qu’il faut engager dans le processus, et constituer une équipe apte à réaliser une bonne évaluation.

2 - Favoriser l’engagement de tous les acteurs

Pour qu’une démarche d’évaluation de la maturité réussisse, l’engagement de toute l’organisation est nécessaire. Les personnes impliquées directement et indirectement dans la gestion de projet doivent également être mobilisées. Cependant, elles peuvent parfois douter du besoin d’évaluer la maturité et de l’améliorer. Il est donc important de les sensibiliser aux objectifs de ce processus en amont et de les rassurer quant à son déploiement, en leur rappelant que l’évaluation se concentrera sur l’organisation d’une façon globale et non sur les individus.

3 - Évaluer la faisabilité organisationnelle

Plusieurs actions peuvent être proposées dans le cadre d’une démarche d’évaluation, mais il faut toujours considérer la faisabilité organisationnelle par rapport à leur mise en application. Les organisations ont une capacité limitée pour réaliser des projets de transformation organisationnelle, surtout quand ces changements exigent des investissements. Les environnements des organisations évoluant constamment, une réévaluation périodique des actions est nécessaire.

4 - Déterminer la stratégie de gestion de changement à adopter

Il est primordial de réfléchir à la stratégie que l’organisation doit mettre en œuvre pour déployer les bonnes actions. En ce sens, il faut déterminer quels sont les avantages liés à chacune des recommandations, entre autres afin de maintenir l’engagement des différents acteurs.

5 - Évaluer les progrès réalisés

Cette étape est essentielle pour contrer toute opposition des personnes employées qui risque de se manifester. Il est important de communiquer les résultats des actions entreprises et de leur donner ainsi une certaine forme de visibilité afin de maintenir l’élan dans l’organisation et de déterminer les nouvelles actions à entreprendre.

Article publié dans l’édition Hiver 2024 de Gestion


Notes

1- Nieto-Rodriguez, A., «The project economy has arrived», Harvard Business Review, vol. 99, n° 6, 2021, p. 38-45.
2- Project Management Institute (PMI), The Standard for Organizational Project Management, Newtown Square, Project Management Institute, 2018, 91 pages. 
3- Romero-Torres, A., et Brunet, M., «Creating effective efforts: Managing stakeholder value», Handbook of Engineering Systems Design, 2022, p. 1-25.Project Management Institute (PMI), The Standard for Organizational Project Management, Newtown Square, Project Management Institute, 2018, 91 pages.
4- Romero-Torres, A., Brunet, M., Lalonde, B., et Aubry, M., La maturité en gestion de projet : améliorer la performance organisationnelle, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2023,192 pages.