L'argent est-il l'unique ingrédient au succès d'un club?

Pour les centaines de millions d'amateurs du ballon rond, la présente édition de la Ligue des Champions de l'Union européenne de football association (UEFA), tout comme les précédentes éditions, est l'occasion de voir à l'œoeuvre les meilleurs clubs des ligues européennes. Ce tournoi annuel, sans doute le plus relevé en son genre, permet également aux spectateurs et aux téléspectateurs de voir évoluer sur la surface gazonnée la crème de la crème en matière de joueurs. L'Europe attirant les plus grands, la masse salariale représentée par les 22 joueurs sur le terrain lors des phases finales de la Ligue des Champions peut aisément se calculer en centaines de millions d'euros.

Un sport... et une industrie!

Car s'il est encore question de courir après un ballon et d'enfiler ce dernier dans le but adverse, on serait naïf de croire que l'honneur cède le pas aux gros sous! De fait, comme le signalent Jürgen Gerhards et Michael Mutz dans leur article¹ sur le sujet, les grands clubs de football se sont peu à peu mercantilisés et, du même coup, internationalisés au cours des dernières années. On en voudra pour preuve l'existence de l'indice STOXX Europe Football, qui regroupe les 22 clubs cotés dans l'une des bourses du continent européen. Rappelons également que le mythique club anglais Manchester United voit ses actions s'échanger sur Wall Street depuis le mois d'août 2012². Pourquoi cette décision, pour ces clubs, de tâter les marchés financiers? Bien des raisons motivent une telle initiative, et l'une des raisons a notamment trait à la capacité financière d'un club d'attirer avec des capitaux frais les grands joueurs, et ceux qui feront parler d'eux dans un avenir plus ou moins lointain.Bref, gros sous + grands joueurs = la palme au terme du championnat?

L'argent, l'ingrédient du succès?

Bon nombre de clubs se sont lancés dans de coûteuses surenchères afin de se doter d'un alignement tout étoiles. Mais cette dynamique est-elle garante de succès? La composition d'une équipe où évoluent une quantité de stars signifie-t-elle la victoire pour autant? D'autres facteurs entrent-ils en jeu dans l'équation? Les professeurs Gerhards et Mutz ont voulu en avoir le cœoeur net, et ont scruté le déroulement des douze meilleures ligues européennes au terme de la saison 2011-2012³. La performance de 1074 clubs a ainsi été suivie durant les cinq saisons suivant la campagne 2011-2012. Les chercheurs ont ainsi porté leur regard sur cinq facteurs pouvant expliquer le succès d'un club évoluant dans son championnat national, à savoir la valeur marchande des joueurs dans l'alignement, la dispersion des salaires au sein du club, le degré de diversité culturelle présent et, finalement, le taux de roulement des joueurs dans l'alignement.

Les résultats obtenus par les professeurs Gerhards et Mutz sont on ne peut plus clairs à cet égard : dans le cas du football européen, la valeur marchande est le meilleur prédicteur des résultats à venir pour un club dans un championnat donné. Comme l'illustre de manière éloquente le tableau ci-contre, les clubs possédant les meilleures valeurs marchandes sont généralement bien positionnés pour remporter leur championnat respectif. Seule exception notable, le Leicester City FC, dont nous relations dernièrement l'improbable conquête du championnat anglais. Les autres facteurs considérés ne contribuent que très marginalement, quand ce n'est pas du tout, aux chances de succès d'un club.


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Attention, danger!

Car il y a bel et bien un danger à cette spirale financière dans laquelle bien des clubs de football sont pris. Évidemment, pour ces équipes, le spectre de l'endettement n'est jamais bien loin. Mais surtout, et d'un point de vue macro-économique, les consommateurs souhaitent évoluer au sein de marchés économiques où règne encore une part d'aléatoire, où rien ne semble joué ni fixé d'avance. Et dans le cas précis du marché du football européen, l'intérêt des dizaines de millions de fans pourrait chuter si rien n'est fait pour équilibrer la donne au départ. Quel intérêt y a-t-il à suivre un championnat national comme La Liga espagnole, qui a couronné soit le FC Barcelone (8) ou le Real Madrid (4) au cours des quinze dernières années? Plafond salarial en vue?


NOTES

¹ Gerhards, J., & Mutz, M. (2016). « Who wins the championship? Market value and team composition as predictors of success in the top European football leagues ». European Societies, 1-20. (article publié en ligne)

² Valeur de l'action à la fermeture aujourd'hui, 28 février 2017 : 16,85 USD. Avis aux boursicoteurs!

³ Nommément les ligues d'Angleterre (Premier League), d'Espagne (Primera Division), d'Allemagne (1. Bundesliga), d'Italie (Serie A), du Portugal (Primeira Liga), de France (Ligue 1), de Russie (Premier Liga), des Pays-Bas (Eredivisie), d'Ukraine (Premier Liga), de Grèce (Super League), de Turquie (Süper Lig), et de Belgique (Jupiler Pro League).