Le faire soi-même? Impartir? Se regrouper pour acheter? Des interrogations pertinentes pour le domaine de la santé...

La réforme du réseau québécois de la santé et des services sociaux d’avril 2015 a donné naissance à des organisations d’une taille sans précédent dans ce milieu. Les nouveaux centres intégrés de santé et de services sociaux ont donc hérité d’infrastructures qui avaient été développées dans un contexte qui ne peut pas toujours répondre à une demande décuplée pour un territoire s’étendant, très souvent, sur des centaines de kilomètres. Dans un contexte de contrôle des coûts, les directeurs des nouveaux établissements doivent réfléchir soigneusement s’il faut investir pour rehausser les capacités de production des infrastructures actuelles afin de répondre à la demande de tout le territoire ou bien opter pour d’autres formules incluant le recours à un prestataire externe. Par exemple, le printemps dernier, le ministère de la Santé et des Services sociaux retenait des projets de buanderies publiques dans certaines régions de la province. Sur quelles bases les gestionnaires des établissements devraient-ils articuler leurs réflexions pour de tels enjeux? Nous présentons dans ce billet quelques éléments d’analyse qui devraient guider les gestionnaires dans la prise de décisions concernant les activités logistiques dans leur nouvel établissement.

Afin d’illustrer ce à quoi pourrait ressembler une telle analyse, prenons comme exemple des activités logistiques, plus précisément l’entreposage de fournitures médicales. En effet, rappelons que la création des CISSS fait en sorte que plusieurs nouveaux établissements sont maintenant dotés de trois, de quatre, voire de cinq magasins qui, anciennement, desservaient leurs anciennes composantes. Plusieurs directions logistiques réfléchissent à la pertinence de regrouper le tout sur un même site afin de générer des économies d’échelle. Voici quelques questions qui mériteraient des réponses.

D’abord, le CISSS possède-t-il une installation suffisamment vaste pour contenir les stocks anciennement distribués dans les multiples magasins? Cette installation permettrait-elle de réaliser efficacement les activités de réception des livraisons provenant des fournisseurs et de préparation des commandes des différentes unités de soins? Si les réponses sont positives, ce site est-il bien situé, considérant qu’en matière de logistique, il est généralement recommandé que l’entreposage soit situé près de ses fournisseurs ou près de ses clients? Si l’une ou l’autre de ces situations n’est pas présente, alors l’établissement risque d’assumer des coûts de transport plus importants.

Si l’établissement ne possède pas un tel site, alors la direction souhaite-t-elle investir dans ses activités logistiques, considérant que celles-ci demeurent en périphérie de la mission principale de l’établissement, soit d’offrir des soins et des services de santé?

Si l’établissement souhaite investir dans ses activités logistiques, la réalisation d’un plan d’affaires devrait permettre d’analyser d’autres éléments clés. Par exemple, en combien d’années une solution interne pourrait-elle se rentabiliser? Il faudrait aussi s’interroger sur la manière dont se comportera la demande dans un futur prévisible. Cette dernière devrait-elle augmenter ou diminuer? Si la demande diminuait, permettrait-elle, tout de même, de rentabiliser les investissements consentis?

Une telle démarche d’analyse ne devrait pas uniquement comparer les coûts actuels internes à ceux d’offres d’entreprises privées, car cette perspective est réductrice. N’oublions pas que dans un environnement concurrentiel, les prestataires privés peuvent difficilement soutenir un statu quo de leurs opérations au risque d’être déclassés par des entreprises plus performantes. Par exemple, en matière d’entreposage, la productivité est une dimension critique et les entreprises dans le domaine doivent rivaliser d’imagination pour améliorer leur performance. Ainsi, si l’établissement veut réaliser lui-même des activités qui pourraient être confiées à des prestataires externes, il faudra accepter les conditions intrinsèques de ce même secteur. L’option de réaliser à l’interne un certain nombre d’activités dites périphériques peut se défendre d’un point de vue économique. Il faut juste s’assurer que l’option interne retenue ne fige pas une solution qui ne pourra plus être améliorée au fil des ans.

Jusqu’ici, nos critères d’analyse adoptent une perspective binaire : internalisation contre externalisation. Cependant, ces deux options ne sont que les deux points extrêmes d’un continuum de solutions intermédiaires. Il est en effet possible d’envisager d’autres solutions que l’investissement direct ou le recours à un prestataire externe. Par exemple, est-il possible pour l’établissement de mieux exploiter les capacités de ses fournisseurs traditionnels afin de rentabiliser certaines activités internes? Une telle solution a l’avantage de laisser le client œuvrer avec un fournisseur avec lequel il a déjà des relations de longue date.

Finalement, un examen poussé de la question exige une connaissance fine des processus concernés par l’activité analysée. L’étude ne devrait pas s’intéresser uniquement aux activités de production, mais aussi au comportement du consommateur. Le degré de maturité des processus au point de consommation peut influencer la variabilité de la demande, les pertes, etc. Autant d’éléments qui viendront aussi influencer les activités de production, qu’elles se trouvent dans l’établissement ou chez un prestataire externe. Ces effets peuvent augmenter les coûts. Alors dans un contexte où l’on recherche des économies, il peut valoir la peine de remettre en question toutes les façons de faire sur l’ensemble du cycle, de la requête à la consommation finale.