Pour une meilleure productivité, doit-on encourager la sieste au bureau?

Selon bon nombre de statistiques à ce sujet, nous n'avons jamais travaillé autant qu'actuellement. Pour la société du loisir, on repassera! Et sans parler de l'’empiétement de plus en plus important de ces heures travaillées dans la sphère privée, grâce aux téléphones intelligents et autres appareils du même acabit. Le résultat n'en est que plus désastreux pour les travailleuses et les travailleurs que nous sommes : nous manquons cruellement de sommeil! Sommeil

Un danger à la productivité?

Les données de la National Sleep Foundation, présentées dans le graphique ci-contre, sont d'ailleurs fort éloquentes à ce sujet. C'est à peine si nous dormons sept heures par jour. Mais consolons-nous, nous pourrions être au Japon! Cela dit, on devine aisément les conséquences d'une telle situation sur la productivité des employés. Une étude¹ menée auprès de près de 4 200 employés répartis en quatre sous-groupes² a montré que les coûts en pertes de productivité liées aux troubles du sommeil étaient supérieurs de 80 % pour les employés à risque, de 216 % pour ceux souffrant du syndrome d'insuffisance de sommeil et de 244 % pour les insomniaques, si on les compare à ceux qui dorment bien. C'est tout dire!

Devant l'évidence du lien entre le manque de sommeil et la performance des employés, de nombreuses entreprises et organisations (Google, Huffington PostCisco et Zappos, par exemple) ont décidé d'agir. Ces dernières ont aménagé des lieux de détente afin que leurs employés puissent récupérer au cours de leur journée de travail. Certains de ces employeurs avant-gardistes se sont même équipés du nec plus ultra, à savoir une nacelle EnergyPod, de l'entreprise américaine MetroNaps, qui offre à la fois le confort et un certain degré d'intimité pour ceux qui ressentent l'appel de Morphée au cours de la journée. Toutefois, ces entreprises et ces organisations sont loin d'être la norme. Elles ne seraient que seulement 6 % à posséder un espace entièrement consacré à la sieste. Et comme on peut s'y attendre, ce sont surtout de grosses entreprises versées dans les technologies qui déploient de telles ressources.

Prolétaires de tous les pays, prélassez-vous!

Faut-il donc militer ardemment pour que nos lieux de travail comprennent désormais une aire de sieste? Il faut savoir que sur cette question cruciale, deux écoles de pensée s'affrontent. Pour certaines organisations telles que celles citées au paragraphe précédent par exemple, la sieste comporte des avantages indéniables, si elle est réalisée dans des conditions optimales : environnement calme, faite entre 13 heures et 15 heures, et pour vingt à trente minutes. Mais d'autres organisations ont tenté l'expérience, et ont regretté la chose. Comme le signale Michelle Goodman dans son article « Nap rooms gone bad », publié sur le site Internet de la BBC, la sieste peut aussi avoir des effets retors. EXL'entreprise torontoise AskforTask a, par exemple, fait marche arrière lorsqu'elle a constaté une baisse substantielle de productivité de ses employés. Pourquoi? Nous ne réagissons pas tous de la même manière à la sieste, et certains employés peinent à reprendre le rythme d'avant-sieste, encore trop engourdis... Sans pour autant condamner ces espaces consacrés à la sieste, la plupart des organisations ayant fait marche arrière ont plutôt installé de grands divans et laissé ça et là de la lecture légère à la disposition de leurs employés. L'idée est que ces derniers puissent faire une véritable pause et, surtout, se changer les idées avant de reprendre le collier par la suite.

Pour d'autres observateurs, dont le professeur Eric Abrahamson de la Columbia Business School de New York, cité par Cotton Delon sur le site Internet du magazine Fortune (lire son article « Why companies are cozying up to napping at work »), la présence des aires de sieste suit essentiellement les cycles de l'offre et de la demande de l'emploi : elles sont plus nombreuses quand on cherche à attirer les travailleurs, et tendent à disparaître quand l'offre est comblée.

Effet de mode? Véritable avancée en matière de productivité? Laissez-nous savoir ce que vous en pensez dans la boîte de commentaires ci-bas! Et dormez une bonne nuit sur votre réflexion : elle n'en sera que meilleure par la suite!


¹ Rosekind, M. R., Gregory, K. B., Mallis, M. M., Brandt, S. L., Seal, B., & Lerner, D. (2010). « The cost of poor sleep: workplace productivity loss and associated costs ». Journal of Occupational and Environmental Medicine, 52(1), pp. 91-98.

² Faisant de l'insomnie; souffrant du syndrome d'insuffisance de sommeil; à risque; bénéficiant d'un bon sommeil.