Lorsqu’on évalue et analyse les sociétés d’État ou les ministères, on ne peut pas faire fi du public, qui élit les gouvernements et finance l’État grâce à ses taxes et à ses impôts. Pour ce dossier, nous avons donc voulu savoir ce que les Québécois pensent de la gestion de leurs organismes publics. Notre sondage CROP-Gestion révèle ainsi une perception assez ambivalente et une cote d’amour qui laisse à désirer.

« L’herbe est toujours plus verte chez le voisin ! » pourrions-nous conclure à la lumière des résultats de ce sondage sur la perception qu’ont les Québécois de la qualité de la gestion des services publics (comparativement à ceux du secteur privé). En effet, une majorité (54 %) estime que les services publics sont mieux gérés dans chacun des pays à propos desquels nous les avons sondés (États-Unis, Suède, France et le reste du Canada). Les États-Unis arrivent en première position, malgré des modalités d’accès fort différentes dans le cas de certains services. Le terme important ici est certainement « perception ». Les Québécois n’ont généralement pas à l’esprit tous les paramètres requis pour évaluer concrètement la gestion des organisations d’ici et d’ailleurs. Mais l’idée qu’ils se font des services publics du Québec n’est pas des plus reluisantes lorsqu’ils les comparent à ceux d’autres pays ou régions du monde.

Efficacité perçue de la gestion des services publics de différents territoires

  

L’enthousiasme n’est pas au rendez-vous

Lorsqu’on leur demande d’évaluer la qualité de la gestion d’un certain nombre d’organisations publiques et privées au Québec, les Québécois évaluent presque systématiquement mieux les entreprises privées (à part quelques exceptions, attribuables au secteur d’activité ou à des situations particulières). En moyenne, 24 % des Québécois jugent les entreprises privées retenues très bien gérées, contre 17 % en ce qui concerne les entreprises publiques évaluées. Il est vrai que la plupart des gens ont déclaré que toutes ces entreprises étaient « assez » bien gérées, mais ce genre d’évaluation dénote selon nous une bonne dose de réserve. En effet, la proportion de « très bonne » évaluation de la gestion de chacune des organisations sondées est passablement faible, à part Jean Coutu, dont la marque est très valorisée par les Québécois.

Toutefois, de façon générale, les entreprises publiques évaluées ont certainement suscité l’enthousiasme le plus mitigé (particulièrement dans le cas d’Hydro-Québec et du Réseau de transport métropolitain).

Perception de la qualité de la gestion de différentes institutions et entreprises du Québec

Une ambivalence remarquée

Les sentiments partagés en ce qui concerne la gestion des entreprises privées et publiques s’observent aussi dans cette pluralité de Québécois qui croient parfois que le secteur public gère mieux et, à d’autres occasions, que c’est le privé qui gère mieux (41 %). Par contre, à cette dernière question, plus de Québécois considèrent que les services publics sont moins bien gérés que les services privés (30 %), comparativement à la situation contraire (20 %).

Perception de l’efficacité générale des services publics par rapport aux services privés

 

Exigences et cynisme élevés

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce manque d’enthousiasme, tout d’abord le degré d’exigence qu’on exprime à l’égard de nos institutions publiques. À ce sujet, il y a une question que nous posons depuis des années dans nos sondages sur l’importance que les Canadiens accordent au rôle des gouvernements dans la société. Les Québécois se distinguent fortement à ce sujet : ils expriment en effet un besoin très prononcé de voir les gouvernements jouer un rôle très important comparativement aux Canadiens des autres provinces. (À l’affirmation selon laquelle « la société se porterait mieux si les gouvernements jouaient un rôle plus important », 55 % des Québécois sont d’accord, comparativement à 31 % dans le reste du pays, soit une différence de 24 points.)

Par ailleurs, le degré de cynisme à l’endroit des institutions publiques est très élevé au Québec. À titre d’exemple, un Québécois sur trois (33 %) se dit tout à fait d’accord avec l’affirmation voulant que « les partis politiques se fichent des préoccupations de la classe moyenne et des gens comme moi », alors que cette proportion est d’une personne sur quatre (26 %) dans le reste du pays. (L’ensemble des gens en accord avec cette affirmation est de 72 % au Québec et de 69 % au Canada anglais.)

Ainsi, au Québec, en combinant des attentes très élevées à l’égard des gouvernements et un haut degré de cynisme à l’endroit de la classe politique (qui est responsable de l’orientation des services publics), on obtient ce manque d’enthousiasme envers nos institutions et nos entreprises d’État.

La nécessaire revalorisation de nos services publics

On ne peut passer sous silence la récurrence avec laquelle des ministères comme ceux des Transports, de la Santé et de l’Éducation défraient les manchettes en ce qui concerne certains problèmes de gestion, ce qui contribue certainement au manque d’enthousiasme que les Québécois peuvent exprimer à propos de leurs services publics.

Même dans le cas des entreprises privées, les critiques sont de plus en plus sévères depuis quelques années, les attentes des consommateurs devenant de plus en plus élevées et leur volonté de payer diminuant d’autant. Mais la palme de la critique va certainement à nos services publics, particulièrement lorsque nous nous comparons à d’autres pays.

Nous n’avions pas pour mandat de nous prononcer sur la performance réelle des services publics au Québec, comparativement au secteur privé ou à d’autres pays dans le monde. Mais nous devons néanmoins conclure que nos services publics auraient besoin d’une vaste opération de revalorisation. La prestation de services de certains organismes publics québécois est de calibre mondial et nous aurions avantage à le reconnaître.

Les services publics doivent être mieux perçus au Québec. On doit mieux apprécier leur excellence quand ils en font preuve.


Les interrelations entre les secteurs public et privé

Le sondage CROP-Gestion révèle également que les Québécois sont plutôt favorables aux interrelations public-privé, que ce soit selon le modèle des PPP ou par le truchement de subventions publiques aux entreprises privées.

D’ailleurs, lorsque les deux secteurs travaillent de concert, à quel moment un organisme public devient-il privé, et vice-versa ? Des réponses dans « Où se trouve la frontière entre le public et le privé ? ».

Article publié dans le numéro hiver 2018 de Gestion.


Note : La cueillette de données s’est déroulée du 10 au 14 août 2017. 1 000 questionnaires web ont été remplis. Le calcul de la marge d’erreur ne s’applique pas.