Les gens optimistes portent-ils des lunettes roses? Au contraire, disent les spécialistes. Adopter cette posture mentale requiert une bonne dose de réalisme, tout en apportant plusieurs bénéfices.

L’être humain est fondamentalement optimiste, soutient Jean Grondin, philosophe et professeur titulaire à l’Université de Montréal. «L’optimiste souhaite toujours le meilleur, a l’espoir que les choses se dérouleront au mieux.» Il donne en exemple une personne qui se lance en affaires : elle ne le ferait pas si elle n’avait pas confiance en ses chances de réussir. «Même le pessimiste, qui se dit que ça va mal tourner, espère secrètement se tromper, être surpris par un tour heureux des choses», ajoute-t-il, citant l’un de ses maîtres à penser, le philosophe allemand Hans-Georg Gadamer.

Autrement dit, l’optimisme est avant tout une question de confiance, explique Sylvie Ménard, CRHA, coach exécutif en leadership positif. «L’optimisme, c’est vraiment une posture qui nous permet de croire qu’on a les ressources pour surmonter les défis, les difficultés qui se présentent à nous. Il ne s’agit donc pas de nier la réalité ou de l’enjoliver, mais d’en avoir une lecture juste pour envisager les bonnes solutions.»

Une façon de percevoir le monde est étudiée en psychologie positive, un domaine dans lequel Sylvie Ménard s’est formée en France auprès d’Ilona Boniwell, proche collaboratrice de Martin Seligman, le père de cette approche. «Le simple fait de croire qu’on peut réussir nous donne l’impulsion de nous mettre en action», souligne-t-elle. Et si la cible est trop élevée, les optimistes vont se sentir capables de faire les efforts pour réussir, de persévérer ou de trouver les ressources pour s’approcher du but. 

C’est pourquoi le psychologue français Jacques Lecompte parle d’«optiréalisme», renchérit Marine Miglianico, psychologue et fondatrice de la Clinique de psychologie positive et chargée de cours à l’École des dirigeants HEC Montréal. «L’optimisme doit s’ajuster à la réalité. Car si on ne regarde que le positif, on ne pourra pas anticiper les problèmes, s’ajuster, développer ses compétences. À la longue, il y a un écart qui risque de se creuser entre ma pensée et la réalité.» Pas question, donc, de tomber dans la pensée magique.

Un concept qui est aussi intimement lié à la résilience, précise-t-elle. «En fait, l’optimisme permet de générer des ressources psychologiques, qui seraient comme l’eau sous un bateau. S’il n’y a pas assez, cela devient difficile d’éviter les roches au fond, autrement dit les problèmes. Quand il y en a beaucoup, c’est plus facile de mobiliser ses forces en cas d’adversité.» Cette attitude permet aussi de s’adapter plus facilement et d’être flexible.

Bien dosé, l’optimisme serait bénéfique sur la santé physique et mentale, en plus de réduire les risques d’anxiété et de dépression, fait valoir Sylvie Ménard. «Cela génère aussi des émotions positives qui augmentent le bien-être et diminuent le stress», soutient Marine Miglianico. 

S’entraîner à l’optimisme

Alors que les humains ont naturellement tendance à ressasser leurs échecs, pour cultiver son optimisme, Sylvie Ménard suggère plutôt de ruminer ses… succès. «Le fait de poser volontairement, intentionnellement, notre regard sur ce qui a bien fonctionné nous permet de replonger dans cette émotion positive, nous met dans de bonnes dispositions et nous donne envie d’essayer à nouveau.» En plus d’augmenter la confiance, c’est une façon de se connecter sur ses forces et de tabler sur celles-ci pour obtenir d'autres succès. 

Pour développer ce réflexe, la coach propose de prendre le temps de noter chaque jour trois choses dont on est fier, satisfait ou qui se sont bien déroulées... «Faire l’effort d’identifier ce qui va bien n’est pas toujours facile, avertit-elle. Mais s'entraîner permet de se reconnecter avec le potentiel qui nous habite, à changer sa posture.» On devient ensuite plus habile à repérer ce qui fonctionne, alors que le cerveau est plutôt configuré à remarquer le négatif. 

«L’optimisme relève intimement de la pensée, des croyances. Il faut donc prendre conscience de ses biais cognitifs, comme le catastrophisme, qui viennent entraver l’optimisme», conseille Marine Miglianico. De la même manière, certaines personnes vont avoir tendance à attribuer leurs succès à des causes extérieures, mais à prendre l’entière responsabilité de leurs échecs.

Tirer profit de ses forces

Les gestionnaires ont aussi une grande influence sur l’optimisme de leurs troupes, précise la psychologue. «Plus les leaders voient les choses du bon côté, sont capables de pointer du doigt les forces, plus ils vont entraîner les employés à faire de même.»

Pour cela, ils peuvent utiliser différents outils, comme la conversation constructive, ajoute Sylvie Ménard. Par exemple, si une personne remet un rapport, plutôt que de la remercier et de passer au sujet suivant, il est possible d’aller plus loin. «Dans une conversation constructive, le patron répondrait merci pour le rapport. Quand tu l’as fait, qu’est-ce qui fait qui t’a permis de réussir ce mandat? Et dans le futur, comment pourrais-tu compter là-dessus?», illustre-t-elle.

La même chose est possible en groupe, souligne Marine Miglianico. «On peut, avec un employé ou son équipe, réfléchir à un moment qui a bien été pour comprendre ce qui a bien fonctionné. Qu'est-ce qui a bien été? Quelles sont les variables de bon fonctionnement qu'on veut conserver? Le fait d’ancrer ce noyau positif permet ensuite de s’attarder sur ce qu’on peut améliorer, car on sait qu’on ne part pas de zéro. Cela donne confiance à l’équipe.»

C’est ce que Sylvie Ménard appelle l’approche appréciative. «Si le diagnostic organisationnel s’intéresse à ce qui n’a pas bien fonctionné, à ce qu’on pourrait corriger, l’approche appréciative va venir mettre en lumière nos zones de force, de succès, sur lesquelles on va pouvoir capitaliser pour aller encore plus loin», explique la coach. Deux façons de faire complémentaires pour établir l’équilibre entre ces deux pôles, résume-t-elle.