À première vue, les réseaux sociaux comme X (anciennement Twitter), TikTok et Facebook ne semblent pas connaître une bonne année. Les entreprises devraient-elles s’en éloigner? Pas forcément. Ou, du moins, pas pour les raisons apparentes, selon les experts consultés par Gestion.

Des réseaux écorchés

Alors qu’ils étaient autrefois perçus comme des incontournables, les principaux réseaux sociaux ont perdu de leur lustre au cours des derniers mois.

Twitter (renommé X fin juillet)  a, par exemple, récemment été qualifié de «réseau social d’extrême droite» par le réputé chroniqueur techno du magazine The Atlantic Charlie Warzel. TikTok a pour sa part été banni des téléphones des employés de la fonction publique au Canada, et de nombreuses rumeurs persistent concernant la proximité de la société mère du réseau social, ByteDance, avec le gouvernement chinois.

Par ailleurs, Meta – qui possède Facebook, Instagram et WhatsApp – a été mise à l’amende en mai pour 1,2 milliard d’euros (1,74 milliard de dollars canadiens) par l’Union européenne pour sa gestion des données privées.

Les marques et les organisations québécoises devraient-elles remettre en question leur présence sur ces réseaux sociaux? La question mérite certainement d’être posée.

Voter avec son portefeuille

Yany Grégoire, professeur de marketing et titulaire de la Chaire de commerce Omer DeSerres de HEC Montréal, invite le public à la prudence et au pragmatisme lorsqu’on lui demande s’il faut s’éloigner de ces réseaux de plus en plus perçus comme toxiques.

«Ce n’est pas le fonctionnement des réseaux sociaux qui est remis en question; ce sont plutôt des choses comme leurs orientations politiques», nuance-t-il. Facebook, par exemple, permet toujours de cibler des utilisateurs avec précision, si c’est ce qu’une entreprise ou une organisation recherche.

De l’avis de l’expert, il est important pour une marque de s’associer à un média social qui est conforme à ses valeurs, mais se retirer pour des raisons politiques peut aussi être une arme à double tranchant. «C’est ce qu’on appelle du brand activism [activisme de marque]», précise-t-il.

Certains consommateurs apprécient ce type de militantisme. Un sondage de la firme de relations publiques Edelman mené aux États-Unis indiquait par exemple en 2021 que 70 % des millénariaux et des personnes issues de la génération Z estimaient qu’il était important que les entreprises prennent position sur les sujets sociétaux importants.

«Il faut être prudent avec ça, car il peut y avoir d’énormes contrecoups», prévient toutefois Yany Grégoire. Celui-ci cite en exemple le cas de la marque Bud Light, qui a soulevé l’ire des internautes de droite sur les réseaux sociaux après la présentation ce printemps d’un partenariat avec une activiste trans.  

Selon le professeur associé au Département de marketing de HEC Montréal Sylvain Amoros, quitter certains réseaux sociaux n’a toutefois pas besoin d’être un geste politique. «On a surestimé l’importance des réseaux sociaux du point de vue du marketing», croit celui qui est responsable des partenariats à la Chaire de commerce électronique RBC Groupe financier et qui a été auparavant à la tête de deux agences numériques.

«Ce n’est pas seulement sa stratégie sur les réseaux sociaux qu’il faut revoir; il faut prendre un pas de recul et réévaluer toute sa stratégie numérique», soulève-t-il, ajoutant que bien des entreprises qui analyseront les sources de leur trafic ou de leurs ventes réaliseront par exemple que ce sont plutôt les moteurs de recherche et le marketing de contenu qui devraient être privilégiés.

Choisir les bons réseaux sociaux

Un autre point à considérer, selon Sylvain Amoros : les organisations ne peuvent s’afficher sur toutes les plateformes existantes. «La pire erreur qu’une entreprise peut faire, c’est d’ouvrir toutes les portes et de faire des copier-coller de son contenu. Il faut investir en fonction des ressources humaines que l’on a pour gérer ces plateformes», estime-t-il.

Facebook risque d’être la plateforme de choix pour bien des marques puisque c’est, et de loin, le réseau social le plus populaire (utilisé par 88% des Québécois en 2022, selon l’enquête NETendances de l’Université Laval parue en juin 2023). «Facebook est perçu comme cupide, mais leur capacité de cibler les gens est très prisée par les marques, et tant que ce sera le cas, elles continueront d’y être», croit Yany Grégoire.

TikTok est, pour sa part, le quatrième réseau social en importance au Québec – 34% des Québécois l’employaient en 2022, mais son utilisation croît en flèche.  Ce média social utilisé par 63% des 18 à 24 ans et par 61% des 25 à 34 ans pourrait être une option à considérer pour certaines marques qui visent un public plus jeune.

D’autres réseaux sont plus difficiles à justifier. « X (anciennement Twitter) est populaire chez les journalistes et les politiciens, mais c’est un microcosme», illustre Sylvain Amoros. Le réseau social d’Elon Musk était en effet utilisé par 22% des Québécois en 2022, soit moins que Pinterest et un peu plus que LinkedIn (17%), dont l’intérêt pour certaines entreprises est toutefois plus évident. «LinkedIn est très intéressant pour toutes les entreprises avec un modèle d’affaires de type commerce entre entreprises [B2B en anglais]», observe le professeur associé.

Autrement dit, il est peut-être temps pour plusieurs organisations de revoir leur stratégie sur les réseaux sociaux, même si ce n’est pas pour des raisons politiques.