Les conflits en milieu de travail ont des conséquences désastreuses non seulement sur le moral des troupes, mais aussi sur les affaires. Un gestionnaire attentif peut néanmoins réussir à les prévenir, ou, à tout le moins, calmer le jeu avant que la situation dégénère.

Généralement, les conflits au travail se présentent sous deux formes distinctes : façon escalade – véritable guerre ouverte qui ne passe pas inaperçue –, ou encore de manière plus latente et souterraine. Dans ce dernier cas, pour que le gestionnaire puisse intervenir, il lui faudra être attentif aux signaux indiquant que quelque chose ne tourne pas rond dans son équipe.

Clans et contestation

Selon Jean Poitras, professeur titulaire au Département de gestion des ressources humaines de HEC Montréal, certains signes ne trompent pas même si le conflit se joue en sourdine. «Il y a des commérages, des gens qui parlent dans le dos des autres. C’est une façon de se défouler indirectement. On assiste aussi à la création de clans; des individus se regroupent entre eux et évitent les contacts», énumère-t-il. Quant à ceux qui n’appartiennent à aucun groupe semblable, ils auront tendance à s’isoler.

On constate également que les conversations prennent une tournure de plus en plus superficielle. «Il n’y a pas de discussions spontanées; on parle moins de travail et on se limite à la politesse de base. Cela finit par causer du désengagement de la part des employés», prévient M. Poitras.

«Un climat de non-dits et de tensions se développe. Il existe des clivages au sein des équipes et certaines personnes refusent de collaborer avec d’autres. Les décisions des gestionnaires peuvent aussi être remises en question et contestées», illustre pour sa part Ghislaine Labelle, CRHA, psychologue organisationnelle et médiatrice accréditée.

Or un conflit crée des passions et monopolise beaucoup de temps chez les travailleurs, une énergie qui n’est donc pas consacrée aux tâches à accomplir. Car si chacun d’entre eux consacre quotidiennement 15 minutes aux commérage, au bout du compte, cela représente beaucoup d’heures perdues.

Les luttes intestines créent aussi de la démobilisation à l’égard du travail et de l’organisation. Plus question de faire des heures supplémentaires ou de s’investir à fond; chaque employé se limite alors au strict minimum. La création de clans nuit aussi à l’échange d’information, ce qui débouche souvent sur une perte d’efficacité.

Puis, quand rien de va plus, on finit par perdre des joueurs. D’ailleurs, ce sont souvent les meilleurs éléments qui partent en premier, puisqu’ils réussissent à décrocher un nouvel emploi sans difficulté. Des pertes très coûteuses en cette période de course aux talents et de pénurie de main-d’œuvre…

Prendre le pouls de ses équipes

Pour ne pas en arriver là, le gestionnaire doit donc rester à l’affût et détecter les différends avant qu’ils s’enveniment. «L’idéal est de les résoudre le plus tôt possible, pour éviter tous les effets négatifs qui en découlent. En amont, on peut notamment travailler sur l’inclusion et mettre en place des règles communes à toute l’équipe pour éviter le sentiment d’injustice entre les employés», suggère Mme Labelle.

Cependant, ce n’est pas toujours facile à déceler lorsque le feu couve discrètement sous la cendre. Il importe donc de se donner des outils pour y parvenir. Jean Poitras propose le recours à des applications ou plateformes numériques grâce auxquelles on peut prendre régulièrement le pouls de ses employés. Officevibe, par exemple, les sonde sur une base hebdomadaire pour savoir comment s’est déroulée leur semaine. Il est également possible d’ajouter des questions à propos de l’existence de conflits, ce qui constitue un bon indicateur.

«Un gestionnaire qui n’a aucune idée que des dissensions sont à l’œuvre dans son équipe ne peut pas gérer celles-ci, mais s’il est au courant, alors il pourra agir», fait remarquer M. Poitras. D’où l’importance d’être présent sur le terrain, de participer aux réunions et de mettre en place divers mécanismes de surveillance.

Il faut également prendre soin de l’esprit d’équipe en prévoyant du temps pour des activités collectives. «Certains employés sont plus isolés. On devrait préparer des projets spéciaux pour eux afin de favoriser leur contact. Gardons en tête que les interconnexions facilitent l’autogestion des conflits et permettent même de les désamorcer», rappelle le professeur. En effet, le dialogue et la communication contribuent à faire tomber les barrières et à dissiper les préjugés que l’on pourrait entretenir à propos de ses collègues de travail.

La guerre éclate entre des employés? Agissez sans tarder pour éviter de contaminer les autres membres de l’équipe, comme le recommande Ghislaine Labelle. «On peut leur proposer une médiation professionnelle, par exemple une ressource neutre qui facilitera la recherche de solutions. Si la situation est complexe, on fera appel au département des ressources humaines ou à un consultant dans le domaine. En tout état de cause, il est important que les parties aient le sentiment d’en sortir gagnantes», conclut-elle.