Même si l’expression tient souvent du mot à la mode, la notion de «bureau de la transformation» est une structure essentielle au sein d’une entreprise qui souhaite évoluer de façon significative. Sa mission? S’assurer que les transformations sont menées à bien et génèrent les bénéfices attendus.

Alors qu’autrefois, la transformation était un événement occasionnel, résultant d’une approche linéaire (aller du point A au point B), elle est aujourd’hui un processus continu, fruit d’une approche systémique. Les organisations et entreprises évoluent dans des contextes de plus en plus complexes, où la conduite de changements multiples, complexes et concurrents constitue un défi de taille… C’est là qu’entre en jeu l’importance d’un bureau de la transformation comme levier de réussite.

Le B.A.-BA d'un bureau de la transformation

Selon la revue américaine Harvard Business Review, 70 % des transformations de grande envergure n’atteignent pas leurs objectifs. En tenant compte de cette statistique, il n’est pas étonnant que de plus en plus d’organisations se dotent d’une structure de gestion de la transformation transversale et intégrée, notamment pour contrer les forces d’inertie naturellement présentes.

Ancré dans la vision stratégique à long terme, le bureau de transformation se positionne généralement comme une entité en retrait des opérations courantes. Son rôle de «gardien de la transformation» se base sur la mobilisation de l’entreprise autour de la transformation, l’alignement et l’intégration des changements visant à faire évoluer l’organisation, la gestion adéquate des capacités d’exécution et la préservation de la continuité des opérations.

Le bureau de transformation devient alors garant du rythme des changements et permet de piloter les risques tout au long des différentes phases de la transformation. Les prises de décision associées à cette démarche doivent être neutres et objectives.

Les deux modèles les plus courants

Pour gérer la transformation au sein des organisations, deux logiques dominent : le modèle «Séparer la transformation des opérations» ( «Transform and Run» an anglais) et le modèle «Transformer à même les opérations» ( «Transform from Within» en anglais).

Le premier modèle consiste à dédier des ressources entièrement au projet de transformation à partir des équipes opérationnelles provisoirement dédiées et à créer une gouvernance distincte pour mener ce programme. La logique « Transform and Run » est provisoire et s’établit en parallèle des opérations.

Davantage centré sur la gestion simultanée de la transformation au sein des opérations, le modèle « Transform from Within » permet de poursuivre les travaux des équipes opérationnelles en augmentant la centralisation des décisions pendant la période de transformation.

La nature et l’envergure des transformations devraient dicter le choix de modèle.

Les conditions de succès

En fonction de leurs caractéristiques internes et de leurs enjeux, les organisations ont recours à des modèles variés de pilotage de la transformation. Il peut s’agir de bureaux de la transformation, de gestion centralisée à partir des opérations ou de formes hybrides situées sur le continuum entre les deux modèles de base.

Peu importe le modèle choisi, le succès de l’opération de transformation dépend largement de quatre grandes conditions de réussite :

  1. Être connecté directement à la haute direction

Une transformation ne peut s’accomplir sans un leadership fort et connecté aux pouvoirs décisionnels de l’organisation. Si sa réussite est collective, la reddition de comptes revient ultimement à la haute direction.

Par conséquent, la proximité du bureau de la transformation avec la haute direction représente un attribut indispensable. Sans une structure de gouvernance adéquate, le bureau de la transformation risque d’être pris dans la négociation perpétuelle, le surplace, voire le retour sur des décisions déjà prises. Les arbitrages clairs et alignés à la stratégie effectués au plus haut niveau font souvent la différence entre échec et réussite d’un programme de transformation.

  1. Demeurer proche de la stratégie

Les organisations qui souhaitent réussir leur transformation doivent la mener tout en poursuivant de façon efficace leurs activités existantes. On ne peut s’accorder une pause pour se transformer. Pour aboutir, la transformation doit bénéficier de la visibilité et des moyens nécessaires.

Des initiatives menées de façon isolée ou trop loin des activités et stratégies maîtresses ont peu de chances de succès. Elles sont perçues comme des activités secondaires ou se développent en vase clos. Pour éviter que les grandes ambitions s’essoufflent ou ne soient pas intégrées aux priorités de l’organisation, la transformation doit :

  • Faire partie intégrante des priorités stratégiques de l’organisation et même des mesures de succès ou de performance (KPI);
  • Être vue comme un projet prioritaire, pas comme un «à-côté» ou un élément secondaire qui vient après les objectifs d’affaires courants;
  • Être visible et reconnue comme un élément stratégique de la plus haute importance qui assure la pérennité de l’organisation.
  1. Accorder les leviers financiers et les ressources appropriées

Au-delà d’une structure formelle de pilotage incarnée par un bureau de transformation et des forums de gouvernance efficaces et adaptés, une transformation réussie requiert un engagement concret en termes de ressources. Par exemple, dans le cas de la mise sur pied d’un bureau de la transformation, celui-ci doit disposer de ses propres ressources financières et humaines. Dans tous les cas, ces dernières doivent être clairement identifiées et quantifiées et l’organisation doit allouer à sa transformation un budget conséquent avec son ambition.

Afin de garantir un véritable engagement de l’organisation, les budgets doivent être déterminés au plus haut niveau, qu’ils soient centralisés ou non. De plus, les investissements financiers et humains doivent s’échelonner dans le temps afin d’illustrer la volonté de l’organisation à s’engager durablement dans sa transformation. Enfin, l’équipe attitrée à la transformation doit être de haut calibre, expérimentée et multidisciplinaire, pour pouvoir composer avec la complexité et la transversalité de la tâche, bien entendu soutenue par la haute direction.

  1. Implanter une gestion de portefeuille intégrée

Une approche de pilotage intégrée doit permettre une vision globale des projets en cours dans l’organisation, même si ceux-ci sont réalisés de façon décentralisée. Tous les projets sont ainsi pilotés de façon centralisée et intégrée. La gouvernance unique permet d’effectuer les arbitrages et de s’assurer que les projets liés à la transformation conservent leur place et leur rythme malgré la pression diverse autour de l’allocation des ressources.

Au bout du compte, une transformation réussie, portée avec conviction par la haute direction, doit ainsi se fonder sur des responsabilités et des règles décisionnelles claires afin d’assurer une conduite fluide. La résistance au changement et l’inertie s’appliquant aux organisations en transformation comme à tout système, de réels efforts collectifs et concertés sont nécessaires pour réussir. Les leaders et porteurs de la transformation seront donc un ingrédient clé de réussite. C’est pourquoi le deuxième texte de cette série sera consacré à la mise en valeur des personnes exceptionnelles nécessaires au succès de la transformation.